Office vespéral dans la Rome baroque, une anthologie chaleureuse et inspirée

par

Vêpres romaines. Pietro Paolo Bencini (1675-1755) : Deus in adjutorium. Ave Maris Stella. Laeva eius. Dixit Dominus. Dum esset Rex. Beatus vir. Nigra sum. Alessandro Scarlatti (1660-1725) : Laudate pueri Dominum. Magnificat a 5. Ensemble Jacques Moderne, Joël Suhubiette. Cécile Dibon-Lafarge, Cyprile Meier, Juliette Perret, Julia Wischniewski, soprano. Margot Mellouli, Guilhelm Terrail, alto. Marc Manodritta, Guillaume Zabé, ténor. Didier Chevalier, Matthieu Le Levreur, basse. Rémi Cassaigne, théorbe. Hendrike Ter Brugge, violoncelle. Emmanuel Mandrin, orgue. Livret en français, anglais ; texte latin des paroles et traduction en français et anglais. Mai 2021. TT 65’11. Mirare MIR602

Avec trois psaumes et non cinq, une hymne Ave Maris Stella qui suit directement l’invitatoire, cette anthologie autour de l’office des Vêpres romaines s’avère moins fournie et peut-être moins pertinente (sous un angle liturgique) que le CD des Vesperae Beatae Virginis In Sancto Petro Romae qu’enregistra l’ensemble A Sei Voci (Astrée, 1994). Lequel se consacrait exclusivement à Bencini, quand le présent disque invite Alessandro Scarlatti pour le Laudate pueri Dominum. Les programmes partagent aussi les Dixit Dominus et Beatus vir, que l’équipe de Bernard Fabre-Garrus complétait par les psaumes 110 (Confitebor) et 121 (Laetatus Sum). Seulement trois antiennes (Laeva eius, Dum esset Rex et Nigra sum), harmonisées pour solistes accompagnés et non en plain-chant, et non reprises après les psaumes, abondent ici ce qui ne saurait donc briguer le statut d’une véritable reconstitution du rite, censé se conclure par une oraison.

Abordé non selon la stricte pratique grégorienne mais arrangé à six voix par le maestro di capella de la basilique San Pietro, le liminaire verset Deus in adjutorium donne le ton de ce récital qui a manifestement privilégié la cohérence esthétique. Celle d’un cérémonial foisonnant et séducteur, serti dans les ors et la polychromie des mélismes et du contrepoint imitatif. Malgré l’acoustique généreusement réverbérée de l’abbatiale de Saint-Florent-le-Vieil, le chœur Jacques Moderne récuse toute inertie monumentaliste et se distingue par ses marbrures, ses zestes de couleurs qui nuancent la palette expressive sans outrer le contraste. Fondé voilà un demi-siècle et dirigé depuis trente ans par Joël Suhubiette, l’ensemble tourangeau peut s’enorgueillir de cette réalisation ardemment expressive, dans son collectif comme dans ses individualités (le térébrant solo de Guilhelm Terrail pour la doxologie du psaume 112, à 9’53).

Festonnée par un continuo aux petits soins, pigmentée par un concert de timbres aux enchanteresses mordorures, qui ne perd pas une miette des vifs commerces en stile concertato, cette précieuse vaisselle culmine dans la louange d’un long Magnificat tendrement visité, paraphant un album où au-delà du brio vocal l’émotion n’est jamais absente. Au travers de ce haut moment de la Liturgie des Heures, quand le déclin du jour se conjure par la célébration des divines merveilles, c’est toute la spectaculaire piété de la cité pontificale à son apogée baroque qui resplendit dans cette interprétation chaleureuse et inspirée, fervente et communicative. 

Christophe Steyne

Son : 9,5 – Livret : 8 – Répertoire : 9-10 – Interprétation : 10

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