John Adams à la conquête de l’Ouest 

par

John Adams (né en 1947) : Girls of the Golden West. Livret d’après des sources originales par Peter Sellars. Julia Bullock, Dame Shirley ; Davone Tines, Ned Peters ; Paul Appleby, Joe Cannon ; Hye Jung Lee, Ah Sing ; Elliot Madore, Ramon ; Daniele Mack, Josefa ; Ryan McKinny, Clarence. Los Angeles Master Chorale, direction : Grant Gershon ; Los Angeles Philharmonic Orchestra, direction : John Adams. Live recording 2023. Livret, synopsis et texte chanté en anglais. 2CD Nonesuch. 075597900484.

Quatrième opéra de John Adams, Girls of the Golden West est publié en disque dans le cadre de la fidèle collaboration entre le compositeur et Nonesuch. Avec cet opus, John Adams persiste dans des sujets tirés de l’Histoire avec ici un plongeon dans les USA de la Ruée vers l’or en Californie au milieu du XIXe siècle.  Il retrouve son fidèle compère et ami Peter Sellars qui s’est chargé du livret sur base des sources : des lettres de l’écrivaine Louise Clappe (femme de médecin qui avait passé 18 mois dans les camps miniers de Californie), des œuvres de l’homme de lettre Mark Twain et des articles de la presse de l'époque. Le livret nous plonge dans l’Amérique aventurière mais aussi pleine d'espoirs de richesse rapide de cette Ruée vers l’or avec des personnages pittoresques mais profonds dans un univers creuset culturel d’une nation s’affirmant dans le sang et la violence. La mine est le lieu de croisement toutes les origines : blancs, noirs, asiatiques, latino-américains sur fond de tensions de cette vie en dehors de tous les droits, lois et règlement. Pas de pitié pour les faibles !

L’oeuvre a été créée en 2017 sur la scène de l’opéra de San Francisco avant d’être donnée en 2019 sur la scène de l’Opéra des Pays-Bas à Amsterdam, co-commanditaire de la partition. Mais l'accueil avait été plutôt tiède à la création, car d’une durée de trois heures  Girls of the Golden West avait été jugée trop longue et trop bavarde. Déjà lors de la création amstellodamoise, le compositeur avait raccourci l’opéra avant de le retravailler à nouveau pour cette version de concert captée live à Los Angeles en janvier 2023. Dans cette version, la durée est d’un peu plus de deux heures (soit avec près de quarante minutes de musique en moins depuis la première). Dès lors, l’effet dramatique est plus resserré et la partition s’affirme avec une assez fabuleuse efficacité dans sa progression dramaturgique ; c’est mené tambour battant au rythme trépidant de cette vie d’aventures et de drames.  

Sur le site de son éditeur, John Adams nous précise “Girls of the Golden West est peut-être ma création théâtrale la plus personnelle. Comme les personnages de cette histoire, je suis moi aussi une sorte d'immigrée californienne, arrivée du Massachusetts au début de la vingtaine, à peu près au même âge que beaucoup de ceux qui sont venus ici à la recherche d'or. Je cherchais quelque chose d'autre, un sentiment de liberté et d'ouverture et le genre de mélange culturel qui était absent de mon éducation en Nouvelle-Angleterre. Pendant quarante ans, j'ai parcouru ces mêmes montagnes, tombant parfois sur les vestiges d'un vieux puits creusé dans le flanc d'un ravin escarpé." et on sent une idéniable empathie du compositeur qui se ressent tant dans la musique que dans sa direction.

John Adams est un compositeur aux facilités musicales déconcertantes et sans limites, et il décrit son opéra comme « pas exactement un opéra, et ... pas exactement une comédie musicale », le concevant en termes de « chansons plutôt que d'arias » et utilisant le langage musical « le plus direct et le plus simple » de toutes ses partitions. Dès lors, ça piaffe un peu dans tous les sens avec le tonus que l’on lui connaît et une énergie stravinskienne qui emporte le mouvement général dans une tornade musicale aux multiples facettes. Le compositeur sait additionner des airs individuels, caractérisés, savoureux et ciselés avec des passages  d'ensemble d’un chœur spectateur et commentateur de l’action. On sent parfois les réminiscences des musiques traditionnelles et folkloriques, parfois des mélodies à aux teintes sentimentales, mais l’addition de tous ces aspects, bigarrés, contrastés et colorés sont des maillages de cette partition enivrante dont la somme des complexités et des inspirations composent une œuvre majeure. 

Le casting reprend en majorité les mêmes titulaires des rôles que lors de la création, avec au sommet de cette distribution la soprano Julia Bullock, le baryton Davone Tines, le ténor Paul Appleby et la colorature Hye-Jung Lee. Le Los Angeles Philharmonic et le compositeur sont des partenaires de longue date et on ne compte plus les créations mondiales de John Adams par cet orchestre qu’il dirige régulièrement ! Au pupitre des forces chorales (magistral Los Angeles Master Chorale), John Adams est le grand ordonnateur de cette épopée  musicale et dramatique.

Une très grande partition qui marque son temps ! Après la réussite de The Hours de Kevin Puts, l’opéra aux USA est en très grande forme. 

Son : 10    Notice : 10     Répertoire : 10   Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

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