Triste ouverture de saison au Grand Théâtre de Genève

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Franco Vassallio (Rigoletto) © GTG/Carole Parodi

Povero Rigoletto !
Quel bien pitoyable Rigoletto qui semble reléguer dans un passé pourtant récent un Renato Bruson ä la Scala de Milan, une Patrizia Ciofi à Orange, un Luciano Pavarotti à Covent Garden. La notion de phrasé verdien existe-t-elle encore aujourd’hui ? L’on en pourrait douter, à en juger par l’ouverture de saison au Grand-Théâtre de Genève. Franco Vassallo, fruste Conte di Luna sur la scène milanaise en février dernier, prête au bouffon une suite de notes sans le moindre legato, dans une intonation précaire et un sens rythmique tout aussi vacillant. Tout aussi grelottante, l’émission de Lisette Oropesa, pavant les interventions de Gilda de bonnes intentions que ses carences techniques l’empêchent de réaliser. Le ténor Arnold Rutkowski, entendu en Pinkerton ici même il y a deux saisons, ne confère au Duc de Mantoue qu’une sonorité aussi nasillarde que serrée et doit attendre le dernier tableau pour trouver une certaine assise. La Maddalena d’Ahlima Mhamdi creuse son medium sans en trouver l’étoffe, quand Sami Luttinen recherche vainement les graves de Sparafucile et que Varduhi Khachatryan est impossible en Giovanna. Et finalement seuls Maxim Kuzmin-Karavaev et Michel de Souza ont les moyens d’un Monterone et d’un Marullo. Sous la baguette d’Alexander Joel, le Chœur du Grand-Théâtre de Genève ne réussit pas à prendre ses marques, tandis que l’Orchestre de la Suisse Romande, bien terne, songe surtout à ne pas ‘couvrir’ le plateau. Quant à la mise en scène de Robert Carsen, déjà vue à Aix-en-Provence et reprise par Olivier Fredj, elle se situe à l’intérieur d’un cirque et a une certaine cohérence au premier acte, avec une Gilda enlevée dans une roulotte ; mais dans la seconde partie, elle tourne sur elle-même et peine à trouver un souffle dramatique, tant le cadre scénique s’avère contraignant. Pas la moindre trace d’émotion dans tout cela ; mais qu’importe quand le public des premières a, depuis longtemps, pris le parti d’applaudir le prix surfait de ses billets et abonnements.

Paul-André Demierre
Genève, Grand Théâtre, le 3 septembre 2014

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