Ouvertures de Schubert : où est la « joie de vivre » annoncée ?

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Franz Schubert (1797-1828) : Ouvertures dans le style italien D 590 et 591 ; Ouverture de Fierrabras D 796 ; Ouverture en ré majeur D 557 ; Ouverture en fa mineur D 8 ; Ouverture de Rosamunde D 644 ; Ouverture « Der häusliche Krieg » D 787 ; Ouverture « Der Teufel als Hydraulicus » D 4. Berliner Symphoniker, direction Hansjörg Schellenberger. 2020. Notice en allemand et en anglais. 63.27. Solo Musica SM 361.

Les albums regroupant des ouvertures de Schubert ne sont pas légion. En ces vingt premières années de notre siècle, des sélections ont été assez bien gravées, celles de Donato Renzetti avec l’Orchestra Della Toscana (Arts, 2006) ou de Manfred Huss à la tête du Haydn Sinfonietta Wien (BIS, 2012). Pour Naxos, Christian Benda a proposé un panorama plus complet en 2009. En reconnaissant à ce dernier le mérite de la présence de raretés, les souvenirs n’en sont pas impérissables. C’est donc avec intérêt que l’on découvre cette gravure Solo Musica dont le sous-titre des plus prometteurs, Lebensfreude, semble annoncer bien des plaisirs d’écoute. Il faut hélas déchanter face à un résultat décevant, d’une lourdeur déconcertante et d’un manque de charme rédhibitoire. « Joie de vivre », où donc es-tu ?

L’Ouverture de Rosamunde, en réalité celle de La Harpe enchantée dont il existe de nombreuses versions isolées de qualité, se révèle routinière et n’emballera personne. On s’attarde un instant sur les deux Ouvertures dans le style italien D 590 et 591 qui datent de 181, et que Schubert transcrira pour piano à quatre mains. Mais on n’y trouve guère la légèreté quasi rossinienne que le compositeur y a mise, ni la bonne humeur teintée d’un sourire mélancolique que l’on devrait savourer. La faute en revient à un ensemble qui manque singulièrement de dynamisme, avec des timbres peu valorisés, des accents hasardeux et une impression globale d’un certain manque de finesse.

Cette impression persiste tout au long du programme, comme dans l’ouverture Der Teufel als Hydraulicus du début des années 1810, une commande pour une comédie du temps dont les cordes et les vents, malgré un grand crescendo, ne rendent pas la subtilité du propos. Même remarque pour le singspiel en un acte de 1823, Der häusliche Krieg (La guerre domestique, ou Les Conjurés). Dans la notice qu’il signe lui-même, le Bavarois Hansjörg Schellenberger (°1948), qui a été longtemps hautboïste solo du Philharmonique de Berlin et est à la tête des Berliner Symphoniker depuis peu, explique que lors de la réalisation de cet enregistrement de novembre 2020, les musiciens se trouvaient à deux mètres l’un de l’autre, afin de respecter les consignes de distanciation physique imposées par la pandémie. Cette exigence, précise-t-il, n’a pas facilité la communication normale et l’interaction musicale était quasiment impossible. Cet aveu a le mérite de définir clairement le contexte. Il ne fait que confirmer, y compris dans l’ouverture de l’opéra Fierrabras, dont aucun élément héroïque n’est mis en valeur, une trop évidente conclusion : pourquoi avoir gravé ce disque inutile, que la prise de son ne vient même pas alléger ? Donato Renzetti et surtout Manfred Huss demeurent les plus convaincants dans ce répertoire.

Son : 6,5  Notice : 5  Répertoire : 9  Interprétation : 3,5

Jean Lacroix

 

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