Tchaïkovski mis à l’honneur par le Gewandhausorchester de Leipzig.

par

Ce mercredi a lieu le premier des deux concerts de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig à la Philharmonie du Luxembourg. Ils sont placés sous la baguette de leur directeur musical, Andris Nelsons. Les deux concerts mettent un compositeur à l’honneur : Piotr Ilitch Tchaïkovski. Pour ce premier concert, Leonidas Kavakos se joint à la fête. Au programme de cette première soirée, deux œuvres : le Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op. 35 et la Cinquième Symphonie en mi mineur, op. 64.

Le concert débute avec une de œuvre phare du répertoire : le Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op. 35 de Tchaïkovski. Cette pièce exaltante, composée en 1878, est l’une des plus virtuoses et redoutées du répertoire violonistique. Son exécution demande une grande précision et une musicalité exacerbée. Le soliste du soir se confrontant à ce mastodonte est le violoniste grec Leonidas Kavakos. Après une introduction orchestrale nous plongeant immédiatement dans la pièce, le soliste fait son entrée. Le début est quelque peu fébrile et la projection du son n’est pas totalement optimale. Mais ce n’est que de courte durée, après quelques mesures, Kavakos plonge dans la pièce et livre une prestation de haut niveau. D’ailleurs la cadence du premier mouvement est impressionnante. Le silence régnant dans la salle pendant celle-ci est tout aussi impressionnant. La Canzonetta est un moment suspendu dans le temps grâce à l’interprétation sensible et musicale du soliste. L’Allegro vivacissimo est quant à lui débordant d’une énergie maîtrisée et au service de l’œuvre. Cela dit, il faut souligner le rôle important de l’orchestre. Les musiciens portent une grande attention au jeu du soliste. La connexion entre le concertmeister et le soliste en est la preuve. Au niveau des nuances, le soliste n’est jamais couvert par l’orchestre. Andris Nelsons guide l’orchestre avec brio tout en laissant Kavakos déployer son talent. Dès la fin de la pièce, le public acclame la prestation plus que réussie de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig et Leonidas Kavakos. Ce dernier livre en bis le sublime Andante de la Sonate N°2 en la mineur, BWV 1003 de Jean-Sébastien Bach. Suite à cette interprétation, le public se lève unanimement pour applaudir violoniste.

Avant-première bruxelloise du film Bolero d’Anne Fontaine

par

21 février 2024, cinéma UGG Toison d’Or. Anne Fontaine et Raphaël Personnaz présentent à un public fourni et enthousiaste leur dernier film : Bolero. Elle, à qui l’on doit notamment Nettoyage à sec (1997), Entre ses mains (2005) et Coco avant Chanel (2009), nominés aux Césars, sans oublier Gemma Bovary (2014), signe ici son vingtième opus en tant que réalisatrice. Lui s’est illustré dans plus d’une trentaine de long-métrages (Quai d’Orsay de Bertrand Tavernier, Marius et Fanny de Daniel Auteuil (2013), Une nouvelle amie de François Ozon (2014), Noureev (2018) de Ralph Fiennes), ainsi qu’au théâtre (Vous n’aurez pas ma haine d’Antoine Leiris (2017)).

Un hommage à Ravel, à son œuvre et aux femmes qui les ont côtoyés

On s’en doute, le scénario de Bolero  -que la cinéaste française cosigne avec Pierre Trividic, Claire Barré et Jacques Fieschi- s’articule autour de l’œuvre la plus célèbre de Maurice Ravel. En 1928, la danseuse étoile russe Ida Rubinstein, icône de la Belle Epoque, commande au compositeur la musique d’un ballet. Mais Ravel est en panne d’inspiration. Lorsque naît enfin l’étincelle, la ballerine s’approprie la partition, dont elle donne une lecture en porte-à-faux avec les intentions du musicien.

Dès les premières minutes, le générique déconcerte. Des Bolero d’orchestres symphoniques y côtoient, dans un patchwork surréaliste, des arrangements de l’œuvre interprétés par des jazzmen, des Mariachis mexicains ou des enfants africains. De quoi rappeler la prodigieuse destinée et l’extravagante popularité de ce chef-d’œuvre du vingtième siècle, qui résonne tous les quarts d’heure quelque part dans le monde. D’entrée de jeu, on ne sait sur quel pied danser : a-t-on affaire à un biopic, à une comédie musicale, à un thriller façon Amadeus de Miloš Froman ? 

Florent Caron Darras : « la musique est un lieu »

par

Titré Traversées, le concert de l’ensemble United Instruments Of Lucilin se consacre pour moitié au compositeur français né à Niigata Shi (Japon), Florent Caron Darras (1986-), un portrait en compagnie de trois autres œuvres, une initiative appréciable, vu la qualité de son écriture -que je découvre-, qui donne naissance aux trois pièces, dont une création, inscrites au programme.

Dans la catégorie invités, Nout, de Gérard Grisey (1946-1998), pièce pour saxophone solo (à l’origine pour clarinette contrebasse), fait partie d’un diptyque où le compositeur belfortain, qui dédie la partition à son collègue Claude Vivier, assassiné, s’adresse à la fois à Anubis, le dieu de l'embaumement, à la tête de chacal noir et à Nout, au corps féminin, bleu et étoilé, déesse de la voûte céleste et de la nuit, qui protège les momies : c’est un passage, celui de la vie vers la mort, au long duquel l’instrument nous fait descendre en lui-même, pour mieux en échapper. Avec ses courtes vagues montantes, couplées à des velléités explosives, Subsonically Yours (pour ensemble) se présente aux tympans comme un assemblage hétéroclite et interrogateur : les histoires que racontent Mirela Ivičević (1980-), compositrice et performeuse croate habitant à Vienne (elle étudie auprès de Georges Aperghis, Georg Friedrich Haas ou Louis Andriessen) ne s’appréhendent pas facilement à la première rencontre ; il faut, quand on le peut, revenir sur son discours, jouant avec la perception et volontiers activiste -tant sur la partition, qu’en politique ou en matière de diffusion des musiques (ultra-)modernes. Beau comme un complot, ourdi comme une manigance, Vagabonde Blu est une pièce pour accordéon seul où le corps (Frin Wolter) épouse l’instrument : main gauche d’abord, le torse penché pour mouvoir le soufflet, main droite ensuite qui passe par-dessus vers l’épaule opposée pour le resserrer, à partir d’une approche physique de l’instrument, Salvatore Sciarrino (1947-), l’autodidacte à la double référence musicale (Karlheinz Stockhausen pour l’avant-garde et Franco Evangelisti pour la musique électronique), ne précise pas le geste sur la partition, datant de 1998, et laisse à l’interprète le soin de trouver la meilleure contorsion.

Le violoncelle, solo mais pas seul

par

Sur Mars (Mons arts de la scène), pendant la semaine consacrée au violoncelle (troisième édition), l’installation sonore du plasticien Michel Lorand (1961-), que l’on connaît plus pour ses images, leur rapport au temps, utilise la chapelle d’Arsonic, aux murs blanc immaculé, aux bancs de bois cuivré, à l’éclairage étincelant et indirect, pour immerger dans ce qui a déstabilisé, en même temps que prémuni de la dérive, Giacinto Scelsi (1905-1988) : alors interné, le compositeur italien pousse son obsession du son au point de rejouer inlassablement une seule note ; sans en voir la source, assis ou déambulant dans la pièce à un moment où l’on peut y être seul, tourne autour de moi Quatro pezzi su una nota sola, enregistré deux ans plus tôt par Musiques Nouvelles (et des étudiants du Conservatoire de Mons), dans un dispositif circulaire où tourne le micro comme l’aiguille de l’horloge, où le son, le temps et le volume fusionnent -et où l’on s’étonne de ne pas avoir le tournis, d’être simplement pris, comme on peut l’être devant le Bosendörfer de Charlemagne Palestine.

L’événement balaie de son violoncelle les époques et les esthétiques et je viens goûter, ce soir, à son versant expérimental, un programme bâti en droite ligne des Art Zoyd Studios (pas loin, mais de l’autre côté de la frontière), avec lesquels Musiques Nouvelles partage un penchant commun pour la recherche sonore et le floutage des limites -les Expériences de vol assemblaient des pièces de compositeurs aux univers aussi éparpillés que ceux de François-Bernard Mache ou Jérôme Combier, Fausto Romitelli ou Horatio Radulescu, Phill Niblock ou David Shea, Daniel Denis ou Gérard Hourbette (ces deux-là, leaders de formations bien connues dans le milieu du rock in opposition).

Stravinsky multiples 

par

Igor Stravinsky (1882-1971) : Concerto pour violon en Ré majeur K.053 ; Scherzo à la Russe, K.070 ; Suite n°1 K.045 ; Suite n°2 K.038 ; Apollon Musagète K.048. James Ehnes, violon ; BBC Philharmonic Orchestra, direction Sir Andrew Davis. 2023. Livret en anglais, allemand et français. CHSA 5340.