Philippe Gaubert et les charmes subtils de la flûte

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Philippe Gaubert (1879-1941) : Musique de chambre pour flûte : Sicilienne, Fantaisie, Madrigal, Deux Esquisses, Ballade, Nocturne et Allegro scherzando, Sur l’eau et Berceuse pour flûte et piano ; Médailles antiques pour flûte, violon et piano ; Trois Aquarelles pour flûte, violoncelle et piano ; Tarentelle pour flûte, hautbois et piano ; Divertissement grec pour deux flûtes et harpe. Nolwenn Bargin, flûte ; Maki Wiederkehr, piano ; Ensemble Chant du Vent : Héléna Macherel, flûte ; Maria Sournatcheva, hautbois ; Olivier Blache, violon ; Flurin Cuonz, violoncelle ; Julie Palloc, harpe. 2021. Notice en français et en anglais. 74.22. Claves 50-3059.

Né à Cahors, le chef d’orchestre, flûtiste et compositeur Philippe Gaubert étudie au Conservatoire de Paris, où il a notamment pour professeur Paul Taffanel (1844-1908), soliste réputé, pédagogue de haut niveau et fondateur de l’école française de flûte traversière. Après avoir entamé une carrière de flûte solo à la Société des Concerts du Conservatoire et à l’Opéra de Paris, Gaubert se lance avec succès dans la direction d’orchestre, ce qui lui vaudra un mandat à la Société des Concerts entre 1918 et 1939. Il sera chargé en même temps de maintes productions à l’Opéra de Paris, dont il sera directeur, et enseignera au Conservatoire de la capitale française la flûte et la direction d’orchestre. Gaubert a laissé un copieux catalogue dans le domaine de la musique pour orchestre et de la musique chorale et vocale, dont deux opéras. Mais aussi de la musique de chambre, au sein de laquelle la flûte tient le premier rang. Si le disque a bien servi le chef d’orchestre, que l’on peut entendre, geste large et généreux, dans maintes pages de musique française, ses compositions n’ont pas été négligées. En ce qui concerne la flûte et le piano qui nous occupent ici, on relève une discographie où se côtoient, pour ne citer qu’eux, Frédérique Saumon et Angéline Pondepeyre (Maguelone, 2001, avec un baryton), Fennick Smith et Sally Pinkas (intégrale Naxos 2004/06), Susan Milan et Ian Brown (Brilliant, 2007), Patrick Gallois et Cecilia Löfstrand (Soupir, 2007) ou Vincent Lucas et Laurent Wagschal (Indésens, 2014). 

Le présent album Claves propose une sélection parmi une abondante production pour la flûte dont, comme le précise la notice d’Adrienne Walder, le style se caractérise par une qualité lyrique qui donne toujours la priorité absolue à la ligne mélodique et la colore d’une riche harmonie. On y ajoutera l’expressivité, l’expansivité, la fraîcheur, la virtuosité au service de la poésie et les touches picturales, caractéristiques permanentes d’un art qui combine l’élégance et l’habileté des associations instrumentales. Seize œuvres sont ici regroupées, composées pour l’essentiel au cours des deux premières décennies du XXe siècle. Neuf d’entre elles sont dévolues au duo flûte-piano. On épinglera le Madrigal de 1908 et ses accointances avec la Renaissance, la Fantaisie de 1912 qui, sur une inspiration fauréenne, est aussi une page de bravoure interprétative, les subtilités de la Sicilienne de 1914, ou les superbes Esquisses de la même année qui évoquent les arts plastiques et l’impressionnisme. Tendance que l’on retrouve dans les trois Aquarelles de 1915, auxquelles vient se joindre un violoncelle. L’équilibre harmonique se manifeste encore dans un choix de pages qui font appel, en plus de la flûte et du piano, au violon, au hautbois ou à la harpe. Par celle-ci, le Divertissement grec de 1908, avec une seconde flûte, nous relie à une Antiquité champêtre. Le programme se conclut dans l’intimité partagée Sur l’eau (1909) par la fluidité complice de la flûte et du clavier et sur une Berceuse enchanteresse (1907).

Les amateurs de flûte seront enchantés par ce panorama qui se situe entre Fauré et Debussy et la modernité, d’autant plus qu’il est remarquablement servi par la virtuose franco-suisse d’origine bretonne Nolwenn Bargin, actuelle flûtiste solo à Winterthur, dont le lyrisme et la chaleur ne sont jamais pris en défaut. La pianiste suisse Maki Wiederkehr, qui enseigne au Conservatoire de Zürich, est une partenaire souple et racée. Les autres solistes, à l’apport occasionnel, répondent adéquatement à l’unité harmonique d’un projet qui se révèle attachant. Dans le répertoire de la flûte, Philippe Gaubert occupe une place importante. Le présent enregistrement en est une indiscutable confirmation.

Son : 9  Notice : 10  Répertoire : 9  Interprétation : 10

Jean Lacroix  



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