Philippe Jordan et l'Orchestre National de France
La rumeur courait depuis longtemps. Elle fut enfin officialisé devant l'orchestre en répétition le matin même puis devant le public ce 21 octobre au soir : après 12 années passées à l'Opéra de Paris en tant que directeur musical, suivies d'un passage au Wiener Staatsoper au poste équivalent, Philippe Jordan prendra la tête de l'Orchestre National de France à partir de septembre 2027.
Dès lors, le concert de ce soir, dédié à Bruckner, était logiquement guetté avec une attention particulière ; à la manière d'un manifeste annonçant les grands axes du travail à venir.
Ceux qui écoutèrent le Maestro Jordan se souviennent qu'il fallait passer devant l'amphithéâtre Olivier Messiaen à Bastille ; il faudra également passer par la case Messiaen ce soir avant d'écouter Bruckner, avec Les Offrandes Oubliées. Première œuvre symphonique du compositeur -faut il y voir un clin d'œil ?- basée sur un poème de Cécile Sauvage, mère du compositeur, ses 12 minutes annoncent toutefois déjà la couleur. Gestuelle toujours aussi nette, précise élégante et travaillée, où aucun mouvement n'est laissé aux hasard, les départs ressemblent visuellement à des détonations et déjà, la très bonne gestion des piani est remarquée.
Vient ensuite la Symphonie n°7 de Bruckner, confirmant les promesses déjà esquissées en première partie. Dès le premier mouvement, les qualités analytiques du maestro viennent apporter une cohérence à la construction orchestrale progressive de l'ouverture. Conséquence logique de cette gestuelle millimétrée, la précision des pupitres de cuivres est également particulièrement remarquée. A la première attaque forte globale, l'on retrouve d'ailleurs ce mouvement en arc de cercle venant s'achever devant le violon solo ; résonant une charge toute en puissance mais sans brutalité pour autant.
Le deuxième mouvement est quant à lui l'occasion de voir que la direction du maestro, toute précise et analytique qu'elle est, ne rogne pas sur le potentiel émotionnel et la profondeur du rendu global. Quant au scherzo s'en suivant, sa dualité entre les passages très rythmiques et d'autres plus complexes vient confirmer, une fois encore, le sens du détail dans la lecture de la partition ; rendant limpides à l'audition des passages pourtant éminemment complexes. On y note également le travail particulièrement soigné sur les reliefs. Le Finale prend ensuite des allures de synthèse, au sein duquel les qualités analytiques exacerbées dans cette ultime partie coexistent remarquablement avec l'intensité musicale et dramatiques. Le rendu des silences y est particulièrement remarqué.
Au moment des applaudissements, l'on guettait logiquement particulièrement les réactions des musiciens. Si l'enthousiasme de la très grande majorité est indubitable, il convient également de souligner le remarquable engagement de Sarah Nemtanu, violon solo secondée par Elisabeth Glab avec la sobre efficience qu'on lui connaît. Au moment des saluts, la complicité manifeste entre Mme Nemtanu et M. Jordan est d'ailleurs aussi manifeste que de bonne augure ; tant la complémentarité de leurs caractères et rôles sera requise dans la recherche de l'excellence musicale et du fonctionnement harmonieux pour le mandat à venir.
Paris, Auditorium de Radio France, 21 novembre 2024
Crédits photographiques : Christophe Abramowitz / Radio-France