Pour le bicentenaire du roi de la valse, une nouvelle étude sur la dynastie des Strauss

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Bénédicte Palaux Simonnet : Johann Strauss. Bleu nuit, collection Horizons n° 117. ISBN 978-2-35884-158-0. 2025. 155 pages. 25 euros.

Le 25 octobre prochain, sera célébré le bicentenaire de la naissance du « roi de la valse », Johann Strauss II. À cette occasion, une étude en français actualisée s’imposait, après celles, déjà anciennes, de Hans Fantel (Buchet-Chastel, 1995), et d’André Gauthier (Papillon, 2001), ou, plus récente, de Christine Mondon (Giovanangeli, 2016). Bénédicte Palaux Simonnet, dont les habitués de Crescendo connaissent la plume claire et érudite, titre son ouvrage « Johann Strauss », sans préciser le numéro de série familial du natif de 1825. Avec raison, l’autrice explique, dans son prologue, que le génie de Johann Strauss II, aussi éclatant soit-il, ne se résume pas à une trajectoire solitaire. Le terme de « dynastie », voire de « galaxie », convient tout à fait, à partir de Johann Strauss père (1804-1849), pour désigner une série de compositeurs dont l’arbre généalogique s’étend sur près de cinq générations, y compris des noms moins connus, comme Johann Strauss III, et Eduard II, disparu en 1969, respectivement fils et petit-fils du frère cadet de Johann II. Le lecteur découvrira, sur deux pleines pages, tous les détails afférents à cette famille, depuis les premières années du XVIIIe siècle.

C’est donc au père, Johann I, et à ses trois fils Johann II, Josef et Eduard, que Bénédicte Palaux Simonnet étend son sujet, non sans quelques précisions sur des figures ultérieures, comme celles que nous avons citées. La présence paternelle, dont le parcours est largement détaillé, occupe la place qui lui revient, depuis ses premiers pas dans la formation du compositeur et chef d’orchestre Ignaz Michael Pamer (1782-1827), au sein de laquelle il fait la rencontre d’un autre compositeur, le violoniste Joseph Lanner (1801-1843), qui composera deux centaines de valses, et avec lequel il collaborera. L’engouement des Viennois du temps se cristallise autour de la figure magnétique de Johann I, dont le succès va grandissant. On lira avec quel soin l’autrice le suit à travers concerts, tournées, notamment parisiennes et britanniques, réussites ou problèmes familiaux. On l’approuve lorsqu’elle écrit que sa place dans l’histoire de la musique mérite d’être réévaluée.

À son décès, Johann II, qui va avoir 24 ans, a déjà fait son chemin ; il s’est produit en public dès 1844 avec son propre ensemble, et le succès l’a vite récompensé, non sans une inévitable rivalité avec son père. Il est à présent seul en scène, avant d’y être rejoint par ses frères Josef, né deux ans après lui, et Eduard, plus jeune de dix ans. L’autrice souligne le fait que la symbiose qui se développe entre eux est un phénomène rarissime dans l’histoire de la musique, leur entente allant même jusqu’à composer et diriger ensemble pendant plus de dix ans, avant que le destin ne fasse diverger les destinées, la valse Trifolien de 1865, qui symbolise une seule feuille en trois folioles, illustrant bien cette communion artistique. 

La carrière des frères, et plus particulièrement celle de Johann II, est développée de façon éclairante. On saluera le tour de force de la présentation de Bénédicte Palaux Simonnet qui réussit, dans le cadre mesuré de la collection, à brosser un portrait approfondi du plus glorieux des trois, en évoquant les innombrables concerts, les déplacements jusqu’en Russie ou aux États-Unis, qui sont des triomphes, la composition du Beau Danube bleu et de centaines de danses, valses, ou autres polkas, les nominations à la Cour impériale, dont Eduard sera aussi honoré, le rayonnement international, mais aussi les attaques dont il fait l’objet, ainsi que les douleurs conjugales ou les déboires. Une large place est réservée, avec force détails, aux seize opérettes viennoises, depuis Die Fledermaus, à la conquête du monde dès 1874, jusqu’au Baron tzigane ou Simplicius. Les deux autres frères ne sont pas oubliés ; ils trouvent leur juste place, élogieuse, dans ce récit concentré et documenté.

La présente étude, à considérer comme une référence moderne, est accompagnée de nombreuses illustrations, d’une bibliographie, d’une discographie et d’une vidéographie sélectives, mais aussi d’un tableau synoptique et d’un index des noms. Un grand nombre d’exemples musicaux y figurent. Après ses ouvrages consacrés à Ravel et à Lully dans la même collection, Bénédicte Palaux Simonnet fait vivre avec intensité la formidable aventure de la dynastie Strauss, mais aussi toute l’effervescence de la société impériale et de la musique viennoise, devenue le symbole de tout un peuple, et dont la magistrale richesse rayonne encore aujourd’hui.   

Jean Lacroix

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