Pour (re)découvrir Lalo et... la Chapelle Musicale Reine Elisabeth

par

Edouard LALO
(1823 - 1892)
Symphonie espagnole (Lorenzo Gatto, violon) - Guitare (Woo Hyung Kim, violon) - Fantaisie norvégienne - Romance-Sérénade - Fantaisie-Ballet - Introduction et scherzo (Vladyslava Luchenko, violon) - Concerto pour violon et orchestre (Woo Hyung Kim, violon) - Concerto pour violoncelle et orchestre (Ori Epstein, violoncelle) - Concerto russe pour violon et orchestre (Elina Buksha, violon) - Concerto pour piano et orchestre (Nathanaël Gouin, piano), Orchestre Philharmonique de Liège, dir.: Jean-Jacques KANTOROW
2016-3 CD 76' 50'', 58' 25'' et 53' 21''-Textes de présentation en français, anglais et allemand-Alpha Classics Alpha 233

Après Vieuxtemps et Saint-Saëns, le Philharmonique de Liège s'attelle à une troisième intégrale concertante, celle d'Edouard Lalo. Elle regroupe des solistes de la Chapelle Musicale Reine Elisabeth, sous la baguette de Jean-Jacques Kantorow, baguette experte puisqu'il a déjà joué, en tant que violoniste alors, le Concerto russe et plusieurs des petites pièces, sur un beau CD Bis paru en 2012. Tel quel, ce coffret est fort intéressant, et révélera sans doute quelques oeuvres inconnues au mélomane. Parmi celles-ci, le tardif Concerto pour piano (1889) paraît le plus curieux. Très (trop ?) cyclique, il tourne un peu en rond autour de quelques motifs : on dirait du Saint-Saëns en plus austère, mais en moins souple. Il témoigne d'un bel enthousiasme, surtout sous les doigts puissants de Nathanaël Gouin, qui n'a aucune peine à surpasser David Gross (Christophorus) et même Pierre-Alain Volondat (Bis). Beaucoup plus inventif, et beaucoup plus connu aussi, le Concerto pour violoncelle de 1877, a gardé sa place au répertoire, et gageons que nous l'entendrons souvent lors des épreuves finales du Concours Reine Elisabeth prochain, consacré pour la première fois à cet instrument. Les trois mouvements semblent étrangement imbriqués, un peu comme dans le concerto d'Elgar, pour ne former qu'un seul bloc d'une demi-heure. Ori Epstein y développe une sonorité admirable, rude parfois, et qui se déploie bien dans l'aigu. Il y est particulièrement bien soutenu par Kantorow, dont l'orchestre construit avec le soliste un dialogue contrasté, quasi dramatique. Le chef - on l'a dit - connaît bien Lalo pour l'avoir joué en tant que violoniste. Le compositeur maniait parfaitement l'archet, ce que prouve l'abondance de ses partitions. Si le Concerto pour violon (1873) est de faible envergure et très conventionnel, la sonorité ample et riche de Woo Hyung Kim parvient à rendre émouvant le lyrisme tendre de l'andantino central. Bien plus intéressant est le Concerto russe (1879). Lalo emploie deux thèmes folkloriques russes, sans doute, mais sans abuser d'effet exotiques. L'oeuvre est sérieuse et réfléchie, tour à tour poétique, rythmée ou majestueuse. Malgré le talent virtuose d'Elina Buksha, la palme revient ici, à mon avis, à Kantorow, plus racé et plus souple. Cette intégrale comprend également cinq pièces plus mineures pour violon et orchestre, dont quatre confiées à Vladyslava Luchenko. Distinguons la Fantaisie norvégienne (1878), creuset de la future rhapsodie purement orchestrale, et deux pièces issues du ballet Namouna, très réussies, la Fantaisie-Ballet, et l'Introduction et scherzo. Quant à la célèbre Symphonie espagnole de 1875, qui ouvre l'album, elle s'avère tout simplement étincelante sous les doigts de Lorenzo Gatto, deuxième lauréat du CMIREB édition 2009. Il interprète cette partition aimée avec la brillance requise, mais surtout avec une tendresse lyrique (Andante) et un toucher aérien, qui culminent dans le Rondo final. Une magnifique version moderne, qui s'inscrit dignement aux côtés des aînés illustres comme Stern, Milstein ou autres Grumiaux. Voilà l'occasion de parfaire sa connaissance de l'oeuvre concertante de Lalo, avant de découvrir - autre production de Palazzetto Bru Zane - la première mondiale imminente de son opéra inachevé La Jacquerie.
Bruno Peeters

Son 9 - Livret 9 - Répertoire 9 - Interprétation 8

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