Quatuors de la vie…

par

Bedrich Smetana (1824-1884) : Quatuor à cordes n°1 en mineur « De ma vie »
Leos Janacek (1854-1928) : Quatuor à cordes n°1 « Sonate à Kreutzer – Quatuor cordes n°2 « Lettres intimes »

Jerusalem Quartet
2014-DDD-71’14-Texte de présentation en français, anglais et allemand- Harmonia mundi-HMC 902178
Disque intéressant et construit avec finesse pour le Jérusalem Quartet. Les deux compositeurs nationalistes, Smetana et Janacek, se côtoient ici autour du quatuor à cordes. Si l’on a pu considérer Janacek comme le fils spirituel de Smetana, c’est bien ce dernier qui est à l’origine de l’émergence de l’école nationale tchèque. Sans pour autant être issu des ces pays, l’auditeur est vite frappé par la beauté des motifs tant classiques que populaires. Phrases construites, aux intervalles chantants, les différentes mélodies sont dotées d’un accompagnement précis, parfois dansant et surtout très proche du sublime. Le Quatuor en mi mineur, « De ma vie », est écrit en moins de deux mois en 1876. Accompagnés d’un programme, les quatre mouvements retracent les différentes périodes, heureuses ou non, du compositeur : L’aspect romantique du compositeur du point de vue musical et personnel, l’influence de la musique de danse dans une période plus dynamique, la période amoureuse et mouvementée et l’héritage du compositeur à la musique nationale qui se dilue dans le dernier mouvement. Smetana, touché par la surdité, se tourne concrètement vers la musique de chambre qu’après le décès précoce de sa fille et offre une partition touchante et évocatrice de sentiments. Egalement créé à Prague et composé en moins d’une semaine lors de sa dernière période créatrice (revisité en 1923), la « Sonate à Kreutzer » fait référence directe à l’œuvre de Léon Tolstoï et la construction des quatre mouvements suit strictement la forme de la nouvelle. Janacek est un compositeur qui vouait un culte à la place des femmes dans un monde souvent violent, dur et injuste envers elles. Son amour, seulement épistolaire, avec Kamila Stösslova (mère de famille) se ressent partout dans son œuvre grâce à la trame harmonique saisissante et les accents dramatiques portés sur différents accords. Comme pour le second quatuor écrit en 1928, année de sa mort, Janacek écrit sur portée son amour pour Kamila. Plus long que le premier, le quatuor est davantage stressant, dramatique et nerveux. Ecriture davantage minimaliste et fragmentée, certainement inspirée pour les nouvelles compositions de la seconde école de Vienne. L’interprétation du Jerusalem Quartet est proche du texte. Très inspirés, les musiciens jouent avec beaucoup de liberté en effaçant le côté lourd et vulgaire. La qualité des archets (notes tenues, courtes, changements d’archets) est irréprochable. Vibrato très pur, contrastes saisissants entre parties lentes, rapides, dynamiques et plus douces. Le quatuor apporte des pulsions énergiques et dynamiques offrant un disque passionnant. Homogénéité et contact permanent entre les quatre musiciens, tels des amis qui s’entretiennent, comme le voulait Smetana.
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10

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