Quelques nouvelles partitions chez Symétrie, Bärenreiter et Henle

par

Charles Bordes (1863-1909) : Romances sans paroles –  Éditions Symétrie - ISMN 979-0-2318-0855-1

Les éditions Symétrie nous reviennent avec deux superbes ouvrages de Charles Bordes (1863-1909) et Yves Castagnet (°1964). Pour voix moyenne et piano, les Romances sans paroles de Charles Bordes -compositeur français né en Touraine, membre fondateur de la Schola Cantorum- est un cycle de quatre mélodies composées entre 1886 et 1895 sur des poèmes de Verlaine. D’une durée approximative de dix minutes, ces quatre miniatures parurent d’abord séparément avant d’être réunies ici sous la houlette de Jean-François Rouchon et Michel Tranchant qui en signent l’édition critique. La raison ? « Souligner la convergence sur le plan poétique ».  Quelques mesures suffiront pour découvrir la richesse expressive de chacune de ces mélodies. L’accompagnement est délicat, la ligne mélodique juste épurée, douce et toujours en corrélation avec la signification poétique du texte. 


Yves Castagnet (°1964) : Veni Sancte Spiritus – Éditions Symétrie – ISMN 978-2-36485-114-6

Veni Sancte Spiritus est une pièce d’Yves Castagnet pour chœur mixte et orgue composée en 2013 et d’une durée approximative de neuf minutes. Yves Castagnet, lauréat de plusieurs prix de conservatoires et de concours internationaux, est nommé en 1988 titulaire de l’orgue de chœur de la Cathédrale Notre-Dame de Paris. A l’occasion des 850 ans de cet édifice religieux et emblématique, la partition, dédiée au chef de chœur Lionel Sow, est donnée par la Maîtrise des lieux. Il est d’ailleurs possible d’entendre cette pièce en ligne et d’apprécier le savant équilibre entre les parties chorales saisissantes de dramatisme et le jeu de l’orgue, dont le rôle ne se cantonne pas à l’accompagnement. 

Jakub Metelka : Maly Virtuos (le petit virtuose) – Bärenreiter Praha – BA 11569

Les éditions Bärenreiter proposent dans un nouveau volume quinze pièces pour piano de difficulté moyenne de Jakub Metelka. Destinées aux pianistes débutants « avancés », chaque pièce aborde une ou plusieurs difficultés inhérentes aux premières années d’apprentissage de l’instrument. Richement illustrées, les pages de ce recueil dédié aux élèves du compositeur proposent aussi des doigtés de l’auteur, parfois même des alternatives logiques selon la morphologie de la main.

Richard Strauss (1864-1949) : Acht Gedichte Opus 10 – Henle Verlag – ISMN 979-0-2018-1458-2

Du chant cette fois chez Henle Verlag avec deux magnifiques ouvrages d’Evgeny Kissin et Richard Strauss. Le lied tient une place importante dans l’œuvre de Richard Strauss. Plus de 200 lieder jusqu’aux très célèbres et extatiques Vier letzte lieder composés en 1948. Henle propose ici l’opus 10 imaginé et couché sur papier au milieu des années 1880 sur des poèmes de Hermann von Gilm. C’est la période où Strauss reprend la charge de directeur musical à Meiningen, en remplacement de Hans von Bülow. Premier vrai cycle du jeune compositeur, il en fait une présentation à Marie von Bülow qui n’hésite alors pas à lui faire part de son avis critique. Le résultat de cet entretien permettra à Strauss de parfaire son cycle. Le style est encore bien loin de la maturité des œuvres de fin de siècle, mais la beauté de la ligne et le sens du dramatisme sont déjà bien présents. 

Evgeny Kissin (°1971) : Thanatopsis Opus 4 pour voix de femme et piano – Henle Verlag – ISMN 979-0-2018-1487-2

 

Outre une carrière brillante de pianiste, Evgeny Kissin est également compositeur. Sur un texte saisissant autour de la mort de William Cullen Bryant, auteur et journaliste politique américain, Kissin compose sa pièce entre 2016 et 2020. La ligne y est assez linéaire, sans grand écart ou éclat, le piano accompagnant la voix avec subtilité. C’est l’édition de 1878 parue chez D. Appleton & Co qu’emprunte Kissin pour sa mélodie, édition reconnue comme version ultime du vivant de l’auteur.

Jean-Louis Duport (1749-1819) : 21 exercices pour le violoncelle – Henle Verlag – ISMN 979-0-2018-1132-1

Le violoncelle n’est pas en reste avec deux ouvrages qui lui sont consacrés de Richard Strauss et Jean-Louis Duport. Violoncelliste de talent, Duport exerça toute sa vie une activité soutenue d’enseignant, notamment au Conservatoire de Paris. Il est l’auteur, à la demande générale, d’un recueil sur le doigté du violoncelle parue en 1805. Dans cet essai de 269 pages, une partie est destinée aux « exercices », 21 au total, édités ici sous la direction de Norbert Gertsch. Tous ne sont pas de la main de Duport puisque, selon des indications données par Duport, son frère Jean-Pierre et son maître Martin Berteau auraient écrit trois d’entre eux. En plus de la partie de premier violoncelle, un accompagnement (second violoncelle) est proposé en annexe. Wolfgang Emmanuel Schmidt propose quant à lui une révision des indications de doigtés, de cordes et de positions. 

 

Richard Strauss (1864-1949) – Sonate en fa majeur Opus 6 pour violoncelle et piano – Henle Verlag – ISMN 979-0-2018-1469-8

L’unique Sonate pour violoncelle et piano de Richard Strauss est composée au printemps 1881 et destinée à un concours où le compositeur en ressort bredouille. Une première audition est donnée le 6 février 1882, quelques mois avant la décision du jury. L’accueil y est chaleureux sans pour autant convaincre son auteur qui décide de mettre la partition au placard avant sa révision complète. La nouvelle version est créée le 8 août 1883. Peter Jost signe l’édition critique, avec les doigtés de Michael Korstick pour la partie de piano et une partie supplémentaire de violoncelle avec les commentaires de Johannes Moser est proposée.

Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Sechs Partiten BWV 825-830 – Henle Verlag – ISMN 979-0-2018-0518-4

Beethoven et Bach pour le piano. Un premier volume réunit les six Partitas BWV 825-830, véritable bible pour le monde pianistique. Ulrich Scheideler signe cette édition révisée tandis que William Youn fournit une proposition de doigtés. Une documentation plus fournie pour un tel répertoire aurait été appréciable. Les Partitas 1, 4 et 5 sont également proposées avec ornementations en appendice. 

 

 

Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonate n°6 en fa majeur Opus 10 n°2 – Henle Verlag – ISMN 979-0-2018-0774-4

Norbert Gertsch et Murray Perahia s’associent pour la nouvelle édition de la Sonate pour piano n°6 en fa majeur tirée des trois Sonates opus 10. Après une tournée d’envergure, Beethoven retourne à Vienne et se remet activement à l’écriture de sonates pour piano. C’est de cette période que naît la présente Sonate en fa majeur. Dédiée à la Comtesse Anna Margarete von Browne-Camus, épouse du Comte d’Empire Johan Georg von Browne-Camus (l’un des premiers mécènes de Beethoven), l’œuvre se compose de trois mouvements d’une extrême finesse dans une tonalité particulièrement légère comme en atteste le presto final, vivace et pétillant.

 

Robert Schumann (1810-1856) : Phantasiestücke Opus 88 pour trio à clavier – Henle Verlag – ISMN 979-0-2018-1525-1

De la musique de chambre pour conclure. Schumann et les Phantasiestücke Opus 88, suite de quatre pièces pour violon, violoncelle et piano achevée en 1842. Il aura fallu du temps à Schumann pour s’attaquer à la musique de chambre. Sur les conseils en 1839 de Franz Liszt, il finira par s’adonner à cette pratique en 1842 et, comme à l’accoutumée, de nombreux ouvrages sortiront de son imagination. Schumann, comme en témoignent sa correspondance et les différentes sources manuscrites, eut quelques difficultés à la réalisation de ce trio, et son édition ne fut pas de tout repos. La première version du « Finale » que Ernst Herttrich qualifie de « primitive » est présentée en appendice (version plus longue que la version définitive). 

Camille Saint-Saëns (1835-1921) : Le Carnaval des animaux – Henle Verlag – ISMN 979-0-2018-0939-7 et ISMN 979-0-2018-9939-8

Ernst-Günter Heinemann propose une nouvelle édition du célèbre Carnaval des animaux de Saint-Saëns (partition d’étude et matériel). Deux pianos, un quintette à cordes, une flûte (plus une petite), une clarinette, un harmonica de verre et un xylophone forment l’étrange effectif de ce voyage sonore et drôle dans le monde des animaux. Son court passage comme professeur à l’École Niedermeyer aura eu comme résultat de montrer le plaisir certain de Saint-Saëns pour la parodie et la caricature en musique alors qu’il se défendait comme « compositeur sérieux ». Il compose ce Carnaval au succès jamais démenti en 1886 dans un petit village autrichien. Sorte de « divertissement humoristique », on y retrouve quelques hommages comme par exemple à Offenbach, Berlioz ou encore Mendelssohn et Rossini. 

Alexander Zemlinsky (1871-1942) : Quatuor à cordes n°2 Opus 15 – Henle Verlag – ISMN 979-0-2018-1272-4 et ISMN 979-0-2018-7272-8

Pour conclure, Zemlinsky et son saisissant Quatuor à cordes Opus 15 (partition d’étude et matériel). Les premiers essais de Zemlinsky dans l’univers du quatuor à cordes datent de 1893. Six quatuors jalonnent sa carrière de compositeur dans un style et un langage résolument modernes. Écrit entre 1913 et 1915, Zemlinsky retire toute notion de tonalité. La création date du 9 avril 1918 à Vienne sous la houlette de Schonberg en raison des obligations professionnelles de Zemlinsky à Prague. L’interprétation n’étant pas à la hauteur des espérances de Schonberg, le quatuor est rejoué en 1919 par le tout nouveau Quatuor Feist, cette fois avec la collaboration de Webern. Succès retentissant. Zemlinsky finit par entendre son œuvre le 14 mars… 1920 ! Le Quatuor n°2 bénéficie ici d’une révision de Dominik Rahmer, sur base du dernier texte autorisé de Zemlinsky.

Ayrton Desimpelaere

 

 

 

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