Réédition, en version anglaise, d’un ouvrage consacré à José Serebrier 

par

Michel Faure : José Serebrier. Portraits of the maestro. New York/Londres, Amadeus Press. ISBN978-1-5381-5500-4. 2021, 283 p. Prix non précisé.

En 2001 paraissait chez L’Harmattan, à Paris, un ouvrage intitulé José Serebrier. Un chef d’orchestre et compositeur à l’aube du XXIe siècle. Il était signé par l’essayiste et musicologue Michel Faure (°1931), dont l’un des intérêts majeurs se porte depuis longtemps sur les interactions entre les œuvres d’art et la société. Vingt ans après l’édition originale en français, une version en anglais de ce volume est maintenant disponible, avec un avant-propos de John Corigliano (°1938) rédigé en 2020. Ce compositeur américain, un proche de Serebrier, évoque en deux pages des souvenirs communs de collaboration et d’amitié, partagés avec l’épouse du maestro, la soprano américaine Carole Farley (°1946) dont la belle carrière est riche de nombreuses prestations sur la scène du Metropolitan de New York.

Né à Montevideo en 1938 de parents d’origine russe et polonaise, José Serebrier étudie la composition au Curtis Institute of Music de Philadelphie et la direction d’orchestre, notamment avec Antal Dorati, Aaron Copland ou Pierre Monteux. Il a à peine dix-sept ans lorsque Leopold Stokowski lui fait l’honneur de diriger sa première symphonie. Pour de plus amples détails biographiques, nous renvoyons le lecteur à notre article du 27 janvier 2020, rédigé à l’occasion de la sortie d’un album (BIS-2423) consacré à des œuvres de Serebrier dirigées par lui-même, avec Alexandre Kantorow au piano et Sharon Bezaly à la flûte. Rappelons que son parcours polyvalent est celui d’un compositeur prolifique et d’un chef qui s’est produit fréquemment aux Etats-Unis, en Amérique du Sud et en Europe -y compris en Belgique-, associé à New York de 1962 à 1967, en résidence à Cleveland où il est appelé par George Szell, de 1968 à 1970, ce qui lui permet de diriger le Philharmonique de la même ville, invité par l’Orchestre d’Adelaïde, le National de Russie et bien d’autres. En couverture, on trouve un portrait en couleurs de Serebrier en pleine action face à un orchestre ; la même image ornait la pochette du CD BIS de 2019 susmentionné.

Cette nouvelle édition, version actualisée de celle d’il y a deux décennies, est donc destinée prioritairement au vaste marché anglophone ; elle comporte un petit cahier central d’illustrations en noir et blanc. Les deux premiers chapitres sont réservés à un entretien d’une soixantaine de pages entre Michel Faure et José Serebrier. Ce dernier y évoque les débuts de sa formation, sa jeunesse uruguayenne dans un pays où se trouvaient des immigrants de diverses nationalités dont pas mal de musiciens, ses premières compositions et son apprentissage local de chef d’orchestre. Son arrivée aux Etats-Unis date de 1956, il y fait la connaissance de Virgil Thomson, d’Eleazar de Carvalho et des chefs déjà cités, entretient des rapports avec Hollywood et le cinéma et rencontre sa future épouse, Carole Farley, avec laquelle il enregistrera. Son attirance est aussi vive pour le répertoire symphonique que pour l’opéra. Ce dernier domaine est pourtant peu présent dans sa discographie, alors qu’il a dirigé de nombreuses productions sur le territoire américain, mais aussi en Allemagne, en Angleterre ou en France.

Après un chapitre tiré d’un ouvrage du musicologue Bernard Jacobson au cours duquel Serebrier parle de la singularité de la musique de Charles Ives, de longues pages sont consacrées à la présentation de quelques œuvres choisies par le compositeur lui-même dans sa production personnelle. Il évoque succinctement quelques partitions, depuis son opus 1 de 1948, une Sonate pour violon solo, jusqu’aux Variations symphoniques BACH pour piano et orchestre de 2017/18 qu’il a données en première discographique mondiale avec Alexandre Kantorow sur l’album BIS déjà mentionné. Le journaliste et musicologue Paul Conway se charge ensuite de commenter une sélection de compositions de Serebrier. Une des parties les plus attrayantes consiste en souvenirs et anecdotes instructifs sur des collègues ou mentors. On passe en revue ceux qui l’ont aidé à forger sa personnalité (Monteux, Dorati, Stokowski, Szell), mais aussi Bernstein, Celibidache, Munch, Paray, Martinon, Leinsdorf, Maazel, Levine et quelques autres, parmi lesquels l’ami rédacteur de l’avant-propos, John Corigliano. Des articles rédigés par Serebrier sont réunis, ils sont consacrés à Schéhérazade de Rimsky-Korsakov, aux symphonies de Glazounov, à Zoltan Kodály, aux mélodies de Grieg ou au son de Stokowski. Ils sont suivis d’extraits d’interviews parues dans divers organes de presse et d’une présentation des nombreuses récompenses obtenues par le musicien au fil des ans. La reproduction d’un petit nombre de lettres envoyées par Stokowski dans la décennie 1960 témoigne d’une estime réciproque entre les deux artistes. 

On trouve enfin un catalogue des œuvres publiées de Serebrier compositeur, ainsi qu’une discographie 1966-2021, mise à jour, qui occupe une trentaine de pages. Elle est diversifiée, mais très éclatée : on y découvre des intégrales symphoniques de Borodine, Dvořák ou Glazounov, des interprétations des Symphonies 3 et 4 de Ives ou de Mendelssohn, de la Symphonie n° 1 de Sibelius, de pages de Tchaïkowsky, dont la Symphonie n° 4 ou Roméo et Juliette, et d’œuvres éparses de Barber, Bizet, Bloch, Chadwick, Delius, d’Indy, Gershwin, Lemeland, Madetoja ou Rautavaara, liste non limitative. Par contre sont peu présents Bach, Haendel, Richard Strauss, Verdi ou Wagner, et tout à fait absents Bruckner, Mahler ou Mozart. De Beethoven, on ne trouve que les Symphonies 3 et 8, ainsi que trois ouvertures. On y ajoute des gravures réalisées en toute logique avec Carole Farley : Britten, Chausson, Duparc, Grieg, Poulenc (La Voix humaine). Un des autres grands absents de la discographie est Johannes Brahms. Il existe pourtant une version du Concerto pour violon op. 77 de mars 1988, avec le Nouvel Orchestre Symphonique de la RTBF, Lola Bobesco étant la soliste. Elle a figuré sur un CD Talent SRM 035. Ce Brahms a été réédité en 2017, à destination du marché asiatique.

Jean Lacroix

 

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