Répertoires rares avec l’Orchestre philharmonique de Varsovie
Paul Kletzki (1900-1973) : Sinfonietta en mi Mineur Op.7 ; Konzertmusik, Op.25 ; Jan Adam Maklakiewicz (1899-1954) : 4 Chansons japonaises, Op.25 ; Anton Bruckner (1824-1896) : ”Adagio” tiré du Quintette à cordes en fa majeur (Orchestration de Stanislaw Skrowaczewski) ; Carlo Gesualdo da Venosa (1566-1613) : Six madrigaux (Orchestration de Stanislaw Skrowaczewski) ; Johannes Brahms (1833-1897) : Variations en fa dièse mineur ‘Sur un thème de Schumann”, Op.9 (Orchestration de Grzegorz Fitelberg. Olga Pasiecznik, soprano ; Orchestre philharmonique de Varsovie, direction ; Andrey Boreyko. 2021. Livret en polonais et anglais. 69’17’’ et 59’22’’. 2 CD Accord / Philharmonie Nationale. FN 01 / ACD 287.
Pour son premier enregistrement avec l’Orchestre Philharmonique de Varsovie dont il est le Directeur musical, Andrey Boreyko propose un parcours intéressant à travers des oeuvres rares de compositeurs polonais. Le point commun entre ces partitions est de réunir des oeuvres originales et des orchestrations de musiciens qui furent connus pour leurs activités de chefs d’orchestre que ce soit au pupitre de l’Orchestre Philharmonique de Varsovie ( Jan Adam Maklakiewicz ou Grzegorz Fitelberg) ou à travers le monde comme Paul Kletzki ou Stanislaw Skrowaczewski. Notons que la plupart de ces partitions sont proposées en première mondiale au disque.
On se plaît à découvrir des œuvres de Paul Kletzki. Immense chef d'orchestre désormais bien trop oublié, Kletzki était un compositeur prolifique avant de cesser de composer en 1943, meurtris dans sa chair créatrice par le nazisme : sa famille fut décimée par l’Holocauste. Ayant quitté l’Allemagne ou sa carrière démarrait brillamment, il se réfugie en URSS après être passé par Milan. Il avait abandonné en 1941, dans la ville lombarde, un coffre avec ses partitions. Coffre retrouvé en 1965, mais il refusa de l'ouvrir car il craignait que ses partitions ne furent réduites en poussière. C'est après la mort du chef, en 1973, que sa veuve l’ouvrit et découvrit les partitions parfaitement conservées. Andrey Boreyko dirige sa Sinfonietta pour cordes et sa Konzertmusik. De la première, on aime le lyrisme tendu qui témoigne de temps angoissants par les dissonances, de la seconde, on retient la motorique moderniste de bon alois. La merveille de cet enregistrement réside dans les Chants japonais de Jan Adam Maklakiewicz, véritables bijoux ciselés et poétiques. La soprano Olga Pasiecznik est excellente par son timbre frais et sa musicalité parfaite.
Le second disque, dévolu aux orchestrations, est plus anecdotique. On retient la belle versions de l'Adagio du Quintette à cordes de Bruckner dans l'excellente orchestration de Stanislaw Skrowaczewski et Les Variations sur un thème Schumann de Brahms (Orchestration de Grzegorz Fitelberg), très belle réussites par ses couleurs automnales qui sied bien à cette partition. On aime moins les madrigaux de Carlo Gesualdo orchestrés par Stanislaw Skrowaczewski auxquels le chef soumet un traitement rigoureux et sec qui en enlève la sève.
Andrey Boreyko est comme toujours très solide et probe mais sa battue compétente manque de nerfs et de palettes de couleurs. Si le premier disque est passionnant, le second est finalement uniforme et monocorde. L’Orchestre Philharmonique de Varsovie est excellent même si très neutre dans ses teintes.
Saluons malgré tout ce bel objet proposé dans un coffret soigné avec un splendide livret richement illustré. Un disque pour collectionneur émérite et exigeant, mais un produit qui sort de l'ordinaire par son option éditoriale et le soin de la réalisation.
Son : 9 - Livret : 10 - Répertoire : 8 - Interprétation : 8
Pierre-Jean Tribot