Samuel Blaser, inspirations multiples

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Le compositeur et tromboniste suisse Samuel Blaser est une personnalité aux influences éclectiques et multiples.  Avec la complicité de l'Ensemble SONGS et de la chanteuse Sarah Maria Sun, il fait paraître un album intitulé Folk Songs et qui propose des oeuvres de Luciano Berio, Oscar Strasnoy et lui-même. Crescendo Magazine rencontre ce musicien explorateur.

Comment est née l'idée de cet album “Folk Songs” ? 

Avant de devenir un album, Folksongs était tout d’abord un programme que nous avons eu l’occasion de faire tourner en Suisse et en Allemagne. La première a été donnée en mai 2019 à La Chaux-de-Fonds en Suisse. 

Le projet est né de l’initiative de Nathalie Amstutz, notre harpiste, également originaire de La Chaux-de-Fonds, du compositeur franco-argentin Oscar Strasnoy et de moi-même. Il n’y a encore pas si longtemps, nous étions tous les trois basés à Berlin et nous avions l’envie commune de monter un nouvel ensemble pour lequel Oscar et moi-même pourrions écrire de la musique. 

Notre premier projet s’articule autour de l’une des pièces les plus emblématiques du répertoire du XXe siècle : les Folksongs du compositeur italien Luciano Berio. En ajoutant piano, trombone et DJ, nous avons avec Oscar éclaté la formation initiale des Folksongs de Berio pour composer deux nouveaux cycles. La soprano allemande Sarah Maria SUN est notre soliste. 

En décembre 2020, alors que le confinement était en place, nous avons eu la chance de pouvoir nous produire à la Gare du Nord à Bâle et nous avons profité de cette occasion pour enregistrer cet album.

Avec ce programme, vous tissez des liens entre la musique savante et les chansons traditionnelles. Pendant longtemps la musique contemporaine était pour de nombreux auditeurs froide et hermétique. Est-ce que renouer avec des expressions traditionnelles est essentiel à votre avis ? 

Oui, je pense que c’est essentiel de nouer les traditions avec les musiques actuelles. En tout cas, ça l’est pour mon travail et ma musique. En effet, j’accorde beaucoup d’importance à la tradition. J’aime mélanger l’ancien et le nouveau. Ça me permet d’accompagner l’auditeur vers des terrains familiers tout en lui faisant découvrir de nouvelles sonorités. J’utilise beaucoup cette recette quand je joue avec le batteur Daniel Humair. 

Sur cet album, il y a les célèbres Folk Songs de Berio, qui est sans doute sa pièce la plus jouée et enregistrée. Berio, s’il était un compositeur plutôt d’avant-garde proche d’un Pierre Boulez, a toujours été plus ouvert aux sensibilités populaires et à l’introduction dans ses partitions d'éléments du passé. Qu’est-ce qui fait selon vous le succès de cette pièce ? 

Certainement l’aspect mélodique prédominant de cette œuvre. Pour moi, ces mélodies déclenchent tant de souvenirs. C’est très touchant. J’imagine que je ne suis pas seul à avoir ce sentiment. Ce que je trouve remarquable c’est la façon dont Berio allie arrangements et orchestrations sophistiqués avec de simples mélodies. Parfois avec juste une touche de modernité. C’est un peu ce que j’ai tenté de faire avec Worksongs. 

Votre partition Worksongs emprunte au blues du Delta du Mississippi ? Qu’est-ce qui vous touche dans cette musique ? 

Cette musique me donne la chair de poule. Je l’écoute passionnément.  J’ai étudié la musique classique en Suisse mais j’improvise depuis ma tendre enfance. Le blues et le jazz sont des musiques qui me fascinent. Je m’en inspire quotidiennement pour composer. Dans le blues, les formes et les mélodies sont parfois très simples mais cette musique reste extrêmement complexe quand on veut l’interpréter. Tout est dans l’expression et le feeling. 

Votre compère Oscar Strasnoy s’inspire de chansons traditionnelles suisses du canton des Grisons. Vous êtes suisse et vous vous inspirez de chansons américaines et Oscar Strasnoy est franco-argentin et il s’inspire de chansons suisses. Est-ce qu’il y a à travers ces spécificités un chant du monde universel ?  

Oui, je le pense. Je crois surtout qu’une fois que le matériel choisi est intériorisé, il est possible de travailler sur n’importe quel genre de musique. J’aurais très bien pu choisir une autre thématique mais je trouvais que le blues était une forme intéressante pour ce projet.  

Pouvez-vous nous parler de l’ensemble Songs qui est le fil conducteur de ce disque ? 

L’Ensemble SONGS est un ensemble à géométrie variable qui est co-dirigé par Oscar, Nathalie et moi-même. Une association et un label du même nom ont été créés. Notre siège est à La Chaux-de-Fonds en Suisse. L’idée était de monter un ensemble pour lequel nous pouvions avec Oscar composer de la musique. Nous imaginons par la suite commander des œuvres à d’autres compositeurs et développer une saison culturelle. Nous souhaiterions également développer le catalogue SONGS en sortant d’autres albums. 

Cet album est édité par votre label Blaser Music. Sur votre site, vous vendez directement votre musique en ligne. Qu'est-ce que vous apporte cette auto-suffisance de production ? 

C’est sur les encouragements de ma manager que j’ai décidé de lancer mon label en 2020. Je produis pour le moment uniquement ma musique. J’ai réalisé que je pouvais très bien effectuer le travail d’un label moi-même (parfois en mieux). Il était temps de reprendre le contrôle de ma musique, de récupérer la petite marge que j’avais l’habitude de laisser aux labels, et de commencer à rentabiliser mes productions, ne serait-ce qu’une petite partie. Aujourd’hui mon label est distribué par l’Autre Distribution en France et Believe Music pour les plateformes digitales. J’ai également des partenariats avec le Japon, les US et la Pologne. 

Est-ce que vous avez d'autres projets en piste ? 

Oui, je multiplie mes projets dans différents styles musicaux allant du jazz au reggae en passant par la musique contemporaine. Cette année, j’ai trois sorties de disque dont Folksongs ; un album en duo avec le batteur et percussionniste Pierre Favre, Same Place Another Time ; ainsi qu’un album en hommage à la musique du tromboniste jamaïcain Don Drummond. Je serai aussi beaucoup en tournée notamment avec le guitariste Marc Ducret, le clarinettiste Michel Portal, et les batteurs Daniel Humair ou encore Pierre Favre. Avec Oscar Strasnoy nous composons la musique d’un nouveau programme en hommage aux danses de salon du siècle dernier comme le tango, la valse, le rag-time, le foxtrot, le boogie-woogie, le mambo, la rumba, le cha-cha-cha ou encore le cakewalk. Nous croyons que ce programme répond à une nécessité renouvelée de notre époque : après le virus et les confinements, nous avons envie de danser, de faire la fête, de nous toucher, de nous entrelacer, et comme les danses modernes, techno et compagnie, ont installé, bien avant l’épidémie, une certaine distance sociale, nous sommes allés chercher les dernières danses où l’on dansait collé et où l’on se touchait, se frottait et se passait allègrement des maladies virales. Le groupe pour lequel nous écrivons ce répertoire se compose du guitariste Pablo Marquez, Mathieu Ogier au 78 tours et synthés modulaires, Oscar au piano et moi-même au trombone. 

Le site de Samuel Blaser : www.samuelblaser.com

A écouter :

Folk Songs. Oeuvres de Luciano Berio, Oscar Strasnoy et Samuel Blaser.  Sarah Maria Sun,  Ensemble SONGS. 1 Album Blaser Music

 

 

Crédits photographiques : DR

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

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