Sarah Aristidou, Aether

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La soprano Sarah Aristidou est une des chanteuses dont le nom revient de plus en souvent. Ses collaborations avec des grands chefs d’orchestres comme Daniel Barenboim, François-Xavier Roth, Trevor Pinnock ou Simon Rattle ainsi qu’une aisance absolue dans tous les répertoires braquent les projecteurs sur cette musicienne.  Sarah Aristidou répond aux questions de Crescendo-Magazine et évoque son album Aether, fascinant voyage à travers les temps et les styles musicaux. 

Votre nouvel album pour Alpha se nomme “Aether”. Pourquoi ce titre ? 

J’ai toujours été fascinée par les éléments et notamment celui de l‘éther, qui représente l’origine de toute chose. C’est de lui que découlent les 4 autres éléments que sont le vent, feu, la terre et l‘eau. J’ai toujours été attirée par cette incapacité à percevoir ou à toucher cet élément et je voulais inclure tout ceci dans mon travail. Ainsi est né Æther. Ce disque est dédié à l‘Islande, pays qui a complètement changé ma vie et qui m‘a fait ressentir une infime partie de cet élément, et c‘est pourquoi j‘ai choisi l’orthographe islandaise pour le titre.

Le choix des œuvres est très vaste et nous emmène à travers les styles et les temps. Comment avez-vous conçu ce programme ?

J‘ai toujours eu le désir d‘assembler les différents répertoires de soprano colorature et d’abolir les limites des époques et des genres. Une pièce que je voulais faire depuis longtemps était Un grand sommeil noir de Varèse. J‘avais découvert ce compositeur en chantant Offrandes avec François-Xavier Roth et les Berliner Philharmoniker en 2019 et je voulais absolument rechanter une de ses pièces. Nous avons décidé de le faire avec Daniel Barenboim. Tout s’est assemblé très intuitivement et rapidement, au-delà de la question de styles. Poulenc est un de mes compositeurs préférés, Mélisande un rôle dont je rêve, Lakmé aussi, les extrêmes dans lesquels se meut Ariel ont une couleur très particulière, Ophélie est un personnage qui me parle beaucoup, le chant folklorique suédois avec Christian Rivet est un coup de foudre personnel et apporte une palette de couleurs que je cherchais, et puis Jörg Widmann avec qui j’aime énormément travailler connait ma voix mieux que moi ; nous devions créer quelque chose ensemble. Je voulais également assembler les morceaux afin de créer un voyage à travers les sons, les couleurs et les textures, pour former un cycle perpétuel sans début ni fin, et cela se fait notamment avec la progression harmonique du programme.

Ce panorama ouvre des perspectives alors que les chanteurs ont tendance à se spécialiser dans des segments de répertoire. L’ouverture est-elle indispensable pour une artiste du XXIe siècle ?  

L’ouverture est quelque chose qui m’a toujours accompagnée, de par mon histoire, mes origines, mon éducation musicale, mon parcours et mon caractère. Je pense qu’elle nous apprend beaucoup, autant sur nous-même que l’extérieur, nous fait grandir et aller au-delà de nos limites. Je ne sais pas si elle est indispensable pour tout artiste, elle l‘est pour moi. J‘adore découvrir de nouveaux horizons, aller plus loin, expérimenter, voir ce qui convient à ma voix et ma personnalité et aller au-delà de mes limites. Pour moi, la musique est Musique avant d‘être divisée en différents genres.

La création contemporaine est importante dans votre parcours. Qu'est-ce qui vous attire vers le répertoire contemporain ? 

La liberté, la création, la recherche de différentes couleurs, sons et possibilités que la voix nous offre. Lorsqu’il s’agit d’une création d’opéra, comme Das Jagdgewehr de Thomas Larcher par exemple, c‘est fascinant de se retrouver au milieu d’une équipe qui va tout créer ensemble pour la première fois. C‘est comme embarquer pour une aventure dont on ne connait pas encore la destination. Et puis il y a quelque chose en moi, comme des écrous qui s‘assemblent et se mettent à bouger grâce à leur connexion, lorsque j‘apprends de la musique contemporaine. C‘est comme un autre système qui est activé. Je ne peux pas vraiment expliquer, mais j‘adore.

Dans les œuvres que vous chantez, je relève des partitions aux styles très différents comme Neither de Morton Feldman ou Ulysse de Dallapiccola. Qu’est-ce qui vous motive à apprendre des œuvres aux styles si éloignés

Je ne choisis pas les œuvres que je chante en fonction de leur style mais en fonction de la musique, de la ligne de chant, de l‘histoire et du caractère, de la façon dont elles me touchent. Par contre, j‘essaie du mieux que je peux de ne pas passer d'un style à l'autre trop rapidement dans mon emploi du temps, afin de pouvoir m‘immerger dans les différents univers.

Votre premier album a rencontré un grand succès. Avez-vous déjà d’autres projets discographiques ?

Bien sûr ! Trop pour une seule vie ! La collaboration avec Alpha vient de commencer et je suis extrêmement reconnaissante à Didier Martin pour son grand soutien et sa confiance. De beaux projets sont en cours et se dessinent. Mon album "S‘Agapo" vient de sortir également chez Feral Note, il assemble deux chants folkloriques chypriotes de mon enfance à deux remix des djs Ricardo Villalobos et Ale Hop. Ce sont des couleurs et des parties de moi que je souhaite également intégrer sur mon chemin. Ouverture et aventure là encore…

Le site de Sarah Aristidou : www.sarah-aristidou.com

  • A écouter :

Æther. Oeuvres de  Varèse, Poulenc, Delibes, Thomas, Widmann, Debussy, Stravinsky, Adès, Handel, Zimmermann.Sarah Aristidou, Daniel Barenboim, Emmanuel Pahud, Christian Rivet, Orchester des Wandels, Thomas Guggeis. ALPHA781

 

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

Crédits photographiques : Andrej Grilc

 

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