Sihao He trop sage et Brannon Cho rayonnant

par

Salle Henry Le Boeuf pleine à craquer, jury de sommités internationales, belles toilettes (mais aussi d’autres plus décontractées, chaleur oblige), public attentif et enthousiaste, présence du couple royal: les finales du Concours Reine Elisabeth sont décidément uniques en leur genre.

Sihao He © Bruno Vessiez

C’est au violoncelliste chinois Sihao He (23 ans) que revenait de se produire en premier pour cette première session consacrée à son instrument, et de donner par la même occasion la première mondiale de Sublimation de Toshio Hosokawa. Attentivement accompagné par Stéphane Denève et le Brussels Philharmonic, il donna de cette musique dense et poétique (qui dans la salle atteignait une plénitude que l’écoute de l’enregistrement lors de la conférence de presse ne pouvait donner) une version sincère et soignée mais assez étriquée, comme s’il avait été intimidé à la fois par l’occasion et l’obligation de s’approprier si rapidement cette oeuvre inconnue, dont on put relever beaucoup de beaux détails, comme ces solos de flûte aux sonorités de shakuhachi, l’usage subtil fait de la percussion et l’alternance de climax orchestraux et de finesse chambriste.
Choisir le concerto de Schumann -cette oeuvre si poétique, rhapsodique et intimiste- dans le cadre d’un concours, ce n’est pas opter pour la facilité. He se montra ici également animé d’une réelle volonté de bien faire mais son jeu -sincère et techniquement propre, mais manquant de carrure et de personnalité- s’avéra de façon générale assez terne et scolaire, même s’il eut quelques beaux moments dans le Sehr Lebhaft final. Il faut dire aussi qu’il ne fut guère aidé par un instrument de qualité très moyenne.

Brannon Cho © Bruno Vessiez

La prestation de de l’Américain Brannon Cho (22 ans) fut elle d’un tout autre calibre. Dès l’introduction de Sublimation, il instaura sans peine un vrai climat et réussit à maintenir sans peine l’intérêt de l’auditeur jusqu’à la fin. Contrairement à He, il fit preuve de force et détermination (très belle cadence en pizzicati) et son jeu spontané et juvénile lui permit de donner une lecture passionnante de l’oeuvre et de faire admirer les qualités de son bel instrument signé Antonio Casini (1668). Premier des six finalistes à avoir opté pour le Premier concerto de Chostakovitch, Cho en offrit une interprétation captivante, à commencer par un début mesuré et finement ironique qui permit d’emblée d’admirer sa sonorité légère et lumineuse. La « chanson russe » qui ouvre le Moderato fut déclamée avec beaucoup de sensibilité, et permit d’apprécier le sens de la mélodie longue et la façon dont ce jeune musicien sait construire une phrase. Outre sa musicalité fine et naturelle, Cho possède également une technique très assurée, comme en témoignèrent les périlleux passages en harmoniques qui précèdent la longue et exigeante cadence, avant le Finale qu’il enleva avec beaucoup de panache. Brannon Cho put en outre bénéficier d’un soutien sans faille du chef et de l’orchestre, qui assez lourd et pataud dans Schumann, se montra ici un partenaire attentif et enthousiaste (et bravo au cor solo pour ses impeccables interventions).
Patrice Lieberman
Bruxelles, Bozar, le 29 mai 2017

Un commentaire

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.