Simon Boccanegra en version originale

par

Giuseppe Verdi  (1813-1901) : Simon Boccanegra (Version originale de 1857). Germán Enrique Alcántara, Simon Boccanegra ; Eri Nakamura, Amelia ;  William Thomas, Jacopo Fiesco ; Iván Ayón-Rivas, Gabriele Adorno ; Sergio Vitale, Paolo Albiani ; David Shipley Pietro. Chorus of Opera North and Royal Northern College of Music Opera Chorus, The Hallé, direction : Sir Mark Elder. 2024. Livret en anglais. synopsis en anglais, allemand, français et italien. Texte chanté en italien, traduction en anglais. 132’. 2 CD Opera Rara ORC65.

De Simon Boccanegra, on connaît la version de 1881, créée à La Scala de MIlan et qui s'est imposée au répertoire, magnifiée par les grands enregistrements de Claudio Abbado (DGG) ou sir Georg Solti (Decca). Cependant, la première version de cet opéra fut donnée en 1857 à La Fenice de Venise qui avait commandé la partition. Cette première version ne rencontra pas le succès, malgré des reprises à Reggio d'Émilie et Milan et tomba dans l’oubli. 

En 1880, Verdi, avec la collaboration d’Arrigo Boito, retravailla l'œuvre en profondeur pour donner la version désormais usuelle sur les scènes lyriques. Cette version de 1881 est, selon les mots de Roger Parker, auteur de l’édition critique de l’opéra pour la maison Ricordi, différente à “cinquante pourcent” de la version de 1857 qui nous occupe dans cette critique. Que les amoureux de la version de 1881, n'y cherchent pas la scène de la chambre du conseil de la fin de l’acte 1, l’un des immenses chefs d’oeuvre de Verdi elle n’a été ajoutée que lors de la révision de la partition, contribuant à la rendre plus esthétique et efficace dramatiquement.   

Il faut se replacer dans le contexte des années 1850 pour cerner l’évolution de l’art de Verdi. Il vient de remporter des succès retentissants avec ses opéras Rigoletto, Il trovatore et La traviata, mais il cherche à repousser les murs :  il tente un grand opéra français en 1855 avec Les vêpres siciliennes et en 1857, il compose ce Simon Boccanegra. Cette version de 1857 sonne de manière expérimentale d’un Verdi à la fois tourné vers le passé de ses succès mais souvent avec une épure à la fois musicale et dramatique qui regarde vers ses futurs développements artistiques. Certes, l'œuvre est moins “parfaite” que celle de 1881 et sans doute moins fracassante à la scène. Il n’empêche, cette partition, souvent fort expressive dans sa suggestion dramaturgique, est bigrement passionnante tel un work-in-progress. 

L’équipe artistique réunie par Opera Rara est de grande qualité à commencer par les trois rôles principaux : le baryton argentin Germán Enrique Alcántara est un Simon Boccanegra de classe avec une voix phonogénique, un timbre séduisant et une force dramatique totale. La soprano japonaise Eri Nakamura s’illustre avec brio dans le rôle d'Amelia par sa voix rayonnante et son incarnation touchante. Enfin le rôle de Gabriele Adorno est interprété par le ténor péruvien Iván Ayón-Rivas dans la droite ligne des grands ténors héroïques à la voix riche et corsée. 

Le très expérimenté Sir Mark Elder dirige avec un grand soin les forces chorales et instrumentales. Il parvient à allier le nerf dramatique avec une mise en avant des originalités de l’écriture de Verdi. On croirait découvrir cette version de 1857 avec la partition sous les yeux. 

Comme toujours chez Opera Rara, le soin éditorial est de premier ordre avec un livret soigné. 

Alors certes, c’est une découverte pour les Verdiens passionnés, mais c’est passionnant et la qualité artistique est évidemment au rendez-vous ! 

Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 9 – Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

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