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Martha Argerich et Charles Dutoit à Monte-Carlo

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La légendaire pianiste Martha Argerich  revient à Monaco et c'est à chaque fois un événement extraordinaire qui affiche complet. Le public monégasque a eu le privilège d'assister presque chaque année, y compris en période du Covid -avec une jauge de moitié- à des concerts inoubliables avec Martha Argerich et son complice Charles Dutoit, dans ses concertos favoris de  Prokofiev, Ravel ou Schumann...

Cette fois-ci, elle joue le  Concerto n°1 de Beethoven, une œuvre qui a lancé sa carrière en 1949 alors qu'elle n'avait que sept ans ! Il n'y a plus de pianiste aujourd'hui qui joue après 75 ans de carrière avec autant de facilité, de profondeur, de clarté, de fluidité, de passion et de plaisir.

Une nouvelle fois, on a apprécié son toucher magique. Poétesse du clavier, son intelligence contrôle, filtre le lyrisme tout en donnant de l'intensité à l'expression du sentiment sans aucun sentimentalisme. C'est Beethoven qui prend vie, en partenariat avec le maestro Charles Dutoit. Même si on décèle une légère fatigue, elle offre au public déchaîné après de nombreux rappels deux bis où elle est époustouflante  : la  Gavotte de la  Suite anglaise n°3 de Bach, le summum de la technique digitale et Jeux d'eau de Ravel, le chef d'oeuvre impressionniste inspirée du bruit de l'eau et des sons musicaux qui suggèrent les jets d'eau, les cascades et les ruisseaux. Sous les doigts d'Argerich l'eau vive couve un feu intérieur.

A Genève : triomphal Charles Dutoit

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Que l’Orchestre de la Suisse Romande est magnifique lorsqu’il est dirigé par un alchimiste sonore aussi chevronné que Charles Dutoit ! 

Dans un Victoria Hall dont les places ont été prises d’assaut jusqu’au moindre strapontin, le public en reste médusé, car dès les premières mesures des Valses nobles et sentimentales de Maurice Ravel, il se laisse griser par la rutilance des accords initiaux encadrant l’effervescence du discours mélodique qu’étire la flûte pour un Assez lent voluptueux acidifié par les bois. La subtilité des accents prête au Modéré un tour désinvolte qui se pare de chatoyantes moirures dans l’Assez animé, tandis que le Presque lent est nourri d’inflexions rêveuses. Un flux chaloupé parcourt un Assez vif qu’endigue le ritenuto sur les aigus afin de parvenir à un Moins vif où les véhéments contrastes entre brillance et langueur touchent à un paroxysme que diluera l’Epilogue, enveloppé des demi-teintes de la réminiscence.

Intervient ensuite la violoniste néerlandaise Janine Jansen, interprète du Concerto en ré majeur op.47 de Jean Sibelius, dialogue au sommet entre une soliste d’exception et un chef qui impose d’emblée à l’ensemble un pianissimo presque imperceptible d’où le violon extirpe un cantabile désespéré qui s’exacerbe progressivement jusqu’à une première cadenza hérissée de traits diaboliques. A la houle du tutti répond l’effusion généreuse du solo qui s’intériorise dans le grave. Sous un voile ténu des cordes semble sourdre des profondeurs l’Adagio di molto aux effluves douloureuses que le contre-sujet intensifiera en de pathétiques élans, alors que le Final, soutenu par un martellato des basses, tient d’un halling sauvage, zébré de traits à l’arraché que produit le violon avec une ahurissante maestria. Devant l’accueil délirant des spectateurs, Janine Jansen offre en bis l’une de ces sarabandes de Bach que rendent expressives les doubles cordes en un chant où le temps suspend son vol…

A l’OSR, Charles Dutoit grand seigneur 

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Au cours de ces dernières saisons, Charles Dutoit a accepté régulièrement l’invitation à diriger l’un des concerts de l’Orchestre de la Suisse Romande. Bardé de deux prix prestigieux, la ‘Royal Philharmonic Society Gold Medal’ et le ’Premio Una vita nella musica’ remis par le Teatro La Fenice de Venise, il défie aujourd’hui le poids de ses quatre-vingt-six ans avec une vigueur qui abasourdit.

Entièrement consacré à la musique française, son programme comporte la première exécution d’une nouvelle révision de l’orchestration du Concerto pour piano et orchestre de Ravel. Mais il débute par la musique de scène que Gabriel Fauré élabora en mai 1898 pour les représentations londoniennes du Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck. Charles Dutoit en aborde le Prélude dans un tempo extrêmement lent empreint de mystère, dominé par un legato expressif dont la charge émotionnelle sera décantée par le cor lointain et le violoncelle solo réexposant pianissimo le motif initial. La Fileuse est dépeinte par le moto perpetuo des cordes déroulant l’écheveau, alors que le hautbois développe sa cantilène qu’assombrit l’intervention du cor et de la clarinette. La Sicilienne oscille au gré de la flûte et de la harpe imitant les reflets changeants dans l’eau de la fontaine. Les bois tragiques évoquent la Mort de Mélisande en chargeant les tutti d’un extrême désespoir que les cordes dilueront en accords vides…

Intervient ensuite Jean-Yves Thibaudet qui reprend l’un de ses chevaux de bataille, le Concerto pour piano et orchestre de Maurice Ravel qu’il aborde avec un jeu clair où le trait est acéré avant de se fluidifier en arpèges amenant un cantabile sobre ponctué par une basse nerveuse. Les miroitements de la harpe produisent une atmosphère étrange dont Charles Dutoit se délecte à souligner les innovations audacieuses, tandis que le soliste livre un flux de doubles croches envenimées par le trille débouchant sur une stretta effrénée. Par contraste, l’Adagio assai n’est que méditation intériorisée, à peine troublée par une tension du tutti que dissipera le cor anglais. Le piano en ornementera la mélopée en sachant se mettre au second plan. Par contre, c’est lui qui se placera à l’avant-scène dans un Presto échevelé aux éclats fauves qui maintiendra cette dynamique haletante jusqu’aux percutants accords conclusifs. Aux insistantes requêtes de bis, Jean-Yves Thibaudet finira par céder en déroulant la Pavane pour une infante défunte comme dans un songe lointain…

A l’OSR, Charles Dutoit le magnifique ! 

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© Bruno Fridrych

Comme n’importe quelle société de concerts, l’Orchestre de la Suisse Romande doit souvent effectuer des changements de programme. Ainsi pour le concert du 18 mai à Genève, du 19 mai à Lausanne, Emmanuel Krivine, malade, est remplacé par Charles Dutoit, fringant maestro qui, avec une ironie narquoise, défie ses quatre-vingt-cinq printemps en hissant, comme étendard au vent, la célèbre Ouverture que Mikhail Glinka avait élaborée en 1842 pour son interminable opéra féérique Rouslan et Ludmila. Abordé en fanfare, le thème belliqueux du preux chevalier se laisse amadouer par la fluidité des cordes graves chantant la passion amoureuse pour la belle princesse, alors que les accents pugnaces des vents dépeignent les sournoises menées du nain Tchernomor. Mais le pianissimo des violoncelles épure l’atmosphère pour le retour du paladin victorieux.

Charles Dutoit et Martha Argerich à Monte-Carlo

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L'année commence fort à Monte-Carlo avec la venue de Martha Argerich et Charles Dutoit.  Du fait de la situation pandémique, la jauge étant de moitié, une grande partie des mélomanes monégasques et français n'avaient pas pu assister l'année passée à leur concert avec l’OPMC.  Cette venue sur le Rocher est  l'occasion de fêter à Monaco les 85 ans de Charles Dutoit, et les quatre fois vingt ans de la sublime Martha Argerich. 

Charles Dutoit connait les moindres recoins des oeuvres de Maurice Ravel. Il débute le concert avec le Tombeau de Couperin et sous sa direction l'OPMC donne une splendide performance de ce chef-d'œuvre en dentelle et en finesse :  superbes couleurs, un tempo fluide et bien phrasé avec une dynamique soigneusement contrôlée.

Le Concerto pour piano (dit en sol) de Ravel est un des concertos fétiches d'Argerich. Il est à son répertoire depuis des décennies, mais elle l'interprète toujours avec autant de fraîcheur et d'inventivité. Elle pose ses mains sur le clavier et la magie opère. C'est fulgurant. Tout y est. Le feu, l'élégance, le style, l'âme et le cœur. Au pupitre de l’OPMC, Charles Dutoit dirigeait la première monégasque de l’édition révisée Ravel Edition de ce concerto dont la phalange était co-commanditaire aux côtés de l’Orchestre des Champs-Elysées, de l’Orchestre National d’Auvergne et de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse.  

Magnifique Charles Dutoit

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Par deux fois, le Concert de l’An des Amis genevois de l’Orchestre de la Suisse Romande a été reporté à cause des mesures sanitaires. Martha Argerich aurait dû en être la soliste mais elle n’a pas pu modifier son agenda surchargé pour prendre part à la soirée du vendredi 2 juillet. C’est pourquoi Charles Dutoit a choisi un programme radicalement différent  en décidant d’en consacrer l’essentiel à la commémoration du cinquantième anniversaire de la mort d’Igor Stravinsky. 

Démarche dégingandée, œil vif, sourire aux lèvres, le chef montre une indomptable énergie en abordant le Dumbarton Oaks Concerto en mi bémol majeur. Il lui prête l’élégance du concerto grosso en mettant en valeur la pulsation rythmique sous le babillage des bois. L’Allegretto étire les lignes tandis que la flûte gouailleuse dialogue avec le basson sur un canevas de cordes instillant un arrière-goût étrange. Le Con moto final pétille avec les continuels changements de mesure aussi incisifs que précis.

Fêtes musicales d'exception à Monte-Carlo

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L'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo a eu le privilège d'accueillir Charles Dutoit pour deux concerts en deux semaines.

Le premier concert était intégralement consacré à Maurice Ravel avec des oeuvres peu jouées en concert : Ma mère l'Oye (dans la version Charles Dutoit qui a librement choisi cinq numéros) et L'Heure espagnole. On connaît les liens étroits entre le chef suisse et l’univers de Ravel. Charles Dutoit arrive à tirer les nuances les plus poétiques de chaque groupe d'instruments de l'orchestre tout en faisant chanter les premiers pupitres : le violon de Liza Kerob, le violoncelle de Thierry Amadi  ainsi que la flûte, la harpe, la clarinette, le contrebasson, le cor, le célesta et les timbales. 

Des deux opéras de Ravel, L'Heure espagnole est de loin le moins joué. Mais s’il ne possède pas la poésie du texte de Colette pour l’Enfant et les Sortilèges, le livret de Franc-Nohain pour l’Heure espagnole dégage le charme désuet d’un théâtre de boulevard sur fond d’une Espagne fantasmée. La précision ainsi que le sens des couleurs et du rythme sont parfaitement présents sous une direction orchestrale scintillante et chatoyante. La distribution vocale est parfaitement idoine avec  le ténor Eric Huchet (Torquemada, un horloger), la soprano Karine Deshayes (Concepción, la femme de Torquemada), le baryton Thomas Dolié (Ramiro, un muletier), le ténor Julien Behr et la basse David Wilson (les amants,  Gonzalve, un bachelier poète et Don Iñigo Gomez, un riche financier). 

Dossier Emmanuel Chabrier : discographie sélective et commentée

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Dans le cadre de notre dossier sur Emmanuel Chabrier, nous vous proposons une discographie actualisée et commentée des oeuvres du grand compositeur. Si nous laissons de côté le seul cas de la célèbre España qui encombre les catalogues dans sa version pour orchestre, nous tenteront de dresser un bilan discographique de ce qu’il est possible d’écouter. Il s’agit d’une actualisation du travail mené par Harry Halbreich pour le numéro n°10 de Crescendo Magazine. 

À la relecture de cet article, nous avons été frappés par le peu de regain d’intérêt pour l’oeuvre d’un tel compositeur : 75 pourcents des titres référencés ici, l’étaient déjà il y a plus de 20 ans ! Certaines gravures comme l’intégrale des oeuvres symphoniques par Michel Plasson ou l’opéra du Roi malgré Lui par Charles Dutoit, n’ont pas été concurrencées et elles restent les seules au catalogue ! Il est ainsi assez triste de voir un tel compositeur délaissé (il en va de même pour Vincent d’Indy, Albert Roussel, Paul Dukas). On pourra donc retenir de notre époque que l’on connaît désormais fort bien des œuvres passables et secondaires de Théodore Gouvy, Benjamin Godard ou Fernand de la Tombelle, mais que l’on délaisse Chabrier.   

Albert Roussel, le coffret aux trésors

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Albert Roussel Edition. Albert Roussel (1869-1937). Colette Alliot-Lugaz, Claire Croiza, Nicolai Gadda, Marilyn Horne, Mady Mesplé, Nathalie Stutzmann, José van Dam, Jean Doyen, Lily Laskine, Quatuor Via Nova, André Cluytens, Charles Dutoit, Jean Martinon, Charles Munch, Michel Plasson, Albert Roussel. Enregistré entre 1928 et 1987. Livret en français, allemand et anglais. 1 coffret de 11 CD Erato. Référence : 0190295489168.

Les 150 ans de la naissance d’Albert Roussel sont passés complètement inaperçus, noyés entre les célébrations de l’année Berlioz et les préparations de l’année Beethoven 2020. Il faut dire que faute d’être jouées et programmées, ses oeuvres sont en passe de tomber dans un oubli scandaleux tant l’art de ce compositeur est savant et raffiné alors que sa place dans l’histoire de la musique française est considérable !