Stravinsky en boîte
Igor Stravinsky Edition. Oeuvres et interprètes divers. Livret en anglais, allemand et français. 23 CD Warner. 0190295 140939
Pour marquer les 50 ans de la disparition de Stravinsky, Warner propose une édition dédiée aux œuvres du grand musicien. Tout d’abord, il faut préciser que ce beau coffret n’est pas une intégrale comme les box Debussy, Berlioz et Ravel.
Nous sommes ici face à une très large sélection des partitions du musicien. C’est essentiellement du côté des œuvres chorales et vocales que les manques se font ressentir : la Messe, le Canticum Sacrum, la Cantate… de ballets peu connus comme Scènes de ballet ou Orpheus ou certaines pièces certes assez mineures comme la Symphonie de jeunesse en mi bémol.
Si le présent coffret est le fruit d’une recherche dans tous les catalogues de Warner -EMI, Erato, Virgin ou Finlandia- la firme n’est pas la plus stravinskienne dans l’imaginaire des mélomanes. CBS/Sony, avec les gravures du compositeur, celles de Boulez et Salonen, ou Universal avec les enregistrements Decca, Mercury ou DGG d’Ansermet, Dorati et les remakes Boulez imposent leur patrimoine musical aux sommets.
Mais ce coffret permet de remettre sur le marché des gravures indisponibles depuis des années ! On est ainsi heureux de retrouver les Noces en français menées par le jeune Charles Dutoit au pupitre de forces chorales, instrumentales et pianistiques d'où on relève les noms de Martha Argerich et Nelson Freire, ou le délicat Baiser de la Fée par le grand chef belge André Vandernoot au pupitre du Philharmonia. Du côté des enregistrements historiques, le compositeur est à la baguette de ses grandes oeuvres captées avant la seconde guerre mondiale avec les meilleurs orchestres dont rien moins que le BBC Symphony (Symphonie de psaumes), les Berliner Philharmoniker (Jeux de Cartes) ou l’Orchestre des Concerts Straram, formation d’élite parisienne de l’entre-deux-guerres dans le Sacre du printemps. Les quatre disques d’interprétations historiques sont des merveilles à thésauriser !
Pour le reste, ce type de coffret reprend du très, très bon : Perséphone et le Rake’s Progress avec Kent Nagano ; les concertos et les oeuvres pour piano avec Michel Béroff et le jeune Seiji Ozawa ; l’Histoire du Soldat et Renard sous la baguette de Charles Dutoit ; le Chant du Rossignol et Pulcinella dirigés par Pierre Boulez ; les Symphonies par Simon Rattle et les Berlinois ; le Sacre du printemps de Mariss Jansons à Oslo ou les oeuvres pour quatuor par les Alban Berg. Il y a aussi du moins bon : un Oedipus Rex bien vulgaire de Franz Welser-Möst malgré une solide distribution et un excellent Lambert Wilson en récitant ou les intégrales uniformes et lisses de l’Oiseau de feu (intégrale du ballet) et de Petrouchka (version 1911) par Inbal à Londres ou un Menuhin à contre-emploi dans le Concerto en ré plus tourné vers Bach que Stravinsky.
Un autre intérêt de cette boîte est de nous rappeler certaines gravures bien oubliées mais attachantes : une suite 1919 de l’Oiseau de feu et Petrouchka (version 1947) par le bobybuildé Philadelphia Orchestra dirigé par le démonstratif Riccardo Muti, Jeux de Cartes par James Conlon à Rotterdam, Agon par le Melbourne Symphony Orchestra et Hiroyuki Iwaki, Jukka Pekka Saraste et l’Orchestre de chambre d'Écosse dans Dumbarton Oaks ou les Danses concertantes par le Los Angeles Chamber Orchestra et Sir Neville Marriner.
Deux disques sont dédiés aux transcriptions, on retrouve la phénoménale version pour 4 mains du Sacre du printemps enregistrée par le seul Fazil Say ! Miracle de la technique !
Dès lors, ce beau coffret est également un bel objet avec ces pochettes soignées qui reprennent des oeuvres de Kandinsky. On aime par contre bien moins le livret en mode service minimum.
Les collectionneurs seront sans doute ravis par cette boîte, ceux qui cherchent une intégrale complète continueront à chercher la somme CBS par le compositeur en personne ou le coffret DGG.
Son : 9 – Livret : 4 – Répertoire : 10 – Interprétation : 9
Pierre-Jean Tribot