Manuel de Falla en coffret 

par

Manuel de Falla. The Spanish soul. Livret en français, anglais et allemand. 11 CD Warner Classics. 0 190296 537301.  

Warner est de loin le label qui présente le legs le plus important en matière des œuvres de Manuel de Falla. Que ce soit en Espagne ou en France, les fonds sont inestimables et ce coffret est bienvenu car il regorge de merveilles.  Certes,  il n’y a foncièrement rien d’inconnu, mais cette jolie boîte permet de remettre sur le marché des gravures parfois oubliées ou disparues des catalogues, autant dans des grandes œuvres ou des enregistrements historiques. 

Du côté des grandes références, on pointe la présence de la grande Victoria de los Angeles et du chef d‘orchestre Rafael Frühbeck de Burgos pour des gravures magistrales de La vida breve et du ballet El sombrero de tres picos. Certes, le chef n’est pas foncièrement le plus raffiné et sa direction est puissante, mais le sens des couleurs et du style restent des modèles. Dans la Vida Breve, la distribution hispanisante et les couleurs de l’Orchestre National d’Espagne magnifient cette musique portée par une Victoria de los Angeles superbe de virtuosité, de nature et d’engagement. Le Philharmonia Orchestra est quant à lui, un partenaire virtuose dans El sombrero de tres picos. A Londres, on retrouve la grande soprano et la phalange pour une des lectures les plus élégantes et raffinées de l’Amour sorcier mais cette fois en compagnie d’un esthète des podiums : Carlo Maria Giulini.  

Le solide Rafael Frühbeck de Burgos pour une intégrale de l’Atlántida, l’opéra titanesque du compositeur qui y travailla pendant 20 ans sans parvenir à le terminer avant sa mort. Ernesto Halffter termina l’ouvrage au prix d’un travail colossal qui empiéta sur son propre travail de composition. Le chef germano-espagnol est ici au pupitre des Chœurs et de l’Orchestre National d’Espagne pour cette version gravée à Madrid en 1977 et qui fut très brièvement rééditée dans la collection EMI Matrix à l’orée des années 1990. Il faut dire que la partition surprend et interroge tant elle est éloignée du style principal du compositeur. La forme de l’oeuvre étonne par son parti pris d’une narration illustrée tirant la pièce plus vers la cantate que vers l’opéra. Cette Atlántida se mérite mais elle offre des perspectives intéressantes cassant les codes et l’image d’un compositeur ici très expérimental. Historiquement et musicalement, cette gravure est une référence indépassable par sa probité artistique. 

Rafael Frühbeck de Burgos est encore au pupitre de la vénérable Société des concerts du Conservatoire pour une interprétation des Noches en los jardines de Espana avec le grand Gonzalo Soriano au piano, une figure bien trop oubliée du clavier. Le pianisme est parfumé et presque fauviste en compagnie d’une phalange aux teintes très caractéristiques de l’école français. Au rang vocal, on est heureux de retrouver les Tréteaux de maître Pierre, l’un des premiers enregistrements de Charles Dutoit pour Erato avec l’Ensemble Instrumental de Lausanne.  

Au piano, le panorama commence avec le compositeur au piano, enregistré en 1913 sur des rouleaux, mais aussi les légendaires Ricardo Viñes, Gonzalo Soriano et Alicia de Larrocha, complété avec les enregistrements de Jean-François Heisser, pilier du catalogue Warner. Toutes ces gravures sont d’incontournables références. 

Du côté des historiques, on retrouve des gravures tirées des “Introuvables de Manuel de Falla” avec un beau florilèges de grands noms du côté des solistes (Marcel Moyse, Emile Godeau, Georges Bonneau, Marcel Darrieux, Auguste Cruque, Conchita Velásquez) ou les chefs d’orchestres Ernesto Halffter ou Eduardo Toldrà. De ce dernier, on retient un formidable El sombrero de tres picos au pupitre de l’Orchestre National de la Radiodiffusion française capté en 1954 au Théâtre des Champs Elysées.    

On aime aussi les deux disques de transcriptions au piano, au violon, au violoncelle, à la guitare et même à la trompette et à l’orgue, ce qui montre que l’oeuvre de de Falla s’accorde si bien à tous les instruments par ses couleurs naturelles et sa rythmicité.  

Un joli coffret plein de soleils musicaux pour ces moments hivernaux et pandémiques.

Son : 5 à 10 – Livret : 8 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

 

 

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