Fêtes musicales d'exception à Monte-Carlo
L'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo a eu le privilège d'accueillir Charles Dutoit pour deux concerts en deux semaines.
Le premier concert était intégralement consacré à Maurice Ravel avec des oeuvres peu jouées en concert : Ma mère l'Oye (dans la version Charles Dutoit qui a librement choisi cinq numéros) et L'Heure espagnole. On connaît les liens étroits entre le chef suisse et l’univers de Ravel. Charles Dutoit arrive à tirer les nuances les plus poétiques de chaque groupe d'instruments de l'orchestre tout en faisant chanter les premiers pupitres : le violon de Liza Kerob, le violoncelle de Thierry Amadi ainsi que la flûte, la harpe, la clarinette, le contrebasson, le cor, le célesta et les timbales.
Des deux opéras de Ravel, L'Heure espagnole est de loin le moins joué. Mais s’il ne possède pas la poésie du texte de Colette pour l’Enfant et les Sortilèges, le livret de Franc-Nohain pour l’Heure espagnole dégage le charme désuet d’un théâtre de boulevard sur fond d’une Espagne fantasmée. La précision ainsi que le sens des couleurs et du rythme sont parfaitement présents sous une direction orchestrale scintillante et chatoyante. La distribution vocale est parfaitement idoine avec le ténor Eric Huchet (Torquemada, un horloger), la soprano Karine Deshayes (Concepción, la femme de Torquemada), le baryton Thomas Dolié (Ramiro, un muletier), le ténor Julien Behr et la basse David Wilson (les amants, Gonzalve, un bachelier poète et Don Iñigo Gomez, un riche financier).
La semaine suivante, Martha Argerich rejoint l’OPMC et Charles Dutoit pour l’un des concerts les plus attendus de la saison monégasque. La jauge autorisée aura fait de nombreux déçus tant le public aurait voulu venir en nombre à l’Auditorium Rainier III. Le Concerto n°3 de Serge Prokofiev est au programme de cette interprétation véloce et intense sous les doigts d’acier la reine Martha. Le dernier mouvement, tellurique au piano mais à l’énergie parfaitement contrôlée du côté de l’orchestre, est une apothéose triomphale. Après une énorme ovation et de nombreux rappels, Martha Argerich offre en bis un tableau attendrissant des Kinderszenen de Schumann et une sonate brillante de Scarlatti.
Le reste du programme permettait à l’orchestre de briller : la finesse bondissante de la Symphonie n°1 “classique” de Prokofiev, la beauté ensorcelante du Prélude à l'Après-midi d'un Faune de Debussy et la suite l'Oiseau de feu de Stravinsky. Dutoit fait briller l'orchestre et tire des multiples couleurs du pupitres sans oublier de galvaniser les musiciens comme dans les explosions rythmiques de l’Oiseau de feu.
Monte-Carlo, Auditorium Rainier III, 18 et 24 octobre 2020
Crédits photographiques :Martha Argerich © Chritophe Abramowitz