Mots-clé : Christof Loy

Le Liceu ouvre sa saison avec un Eugène Onéguine immergé dans un labyrinthe de passions

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Il y a un certain paradoxe dans le fait que les deux grandes maisons d’opéra de l’Espagne méditerranéenne ouvrent leur saison 2023 avec les deux grands opéras de Tchaïkovski : Eugène Onéguine à Barcelone et La Dame de Pique à Valencia. Sachant qu’une ouverture de saison se programme au moins deux ans à l’avance, ces grands phares de la culture slave semblent aujourd’hui faire une heureuse balance à la barbarie que l’armée russe sème ces jours-ci, en produisant simultanément deux ouvrages-clés de Tchaïkovski basés sur des textes de Pouchkine, l’un des plus grands archétypes de l’humanisme russe. La création ibérique eut lieu justement au Liceu en 1955. Tout en étant une composition essentielle dans l’œuvre de Tchaïkovski, cet opéra n’est pas représenté en Occident aussi souvent que ne le mérite une musique extrêmement inspirée, d’une véhémente plasticité mélodique et prodigieusement bien orchestrée. Écrite pendant la période de sa mésaventure avec son élève Antonina Milioukova, laquelle (peut-être inspirée par Pouchkine…) proposa dans une lettre le mariage à son insensible maestro homosexuel. Tous les deux finiront par accepter consciemment cet arrangement contra natura dont le résultat pour la psyché des deux protagonistes fut plus que dévastateur. Les analogies ne s’arrêtent pas ici car Pouchkine lui-même semble avoir décrit de manière prémonitoire sa propre mort en duel avec l’officier français Georges d’Anthès, lequel courtisait assidûment sa propre femme, Natalia Gontcharova même après avoir épousé la sœur de celle-ci. 

Salzburg : l'édition du Centenaire

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Quand, fin octobre, le Salzburg Museum fermera les portes de la grande exposition anniversaire, le Festival de Salzburg pourra se féliciter de la façon dont le “Direktorium” -Markus Hinterhäuser, Helga Rabl Stadler et Lukas Crepaz- et ses collaborateurs ont réussi à sauver le festival centenaire d’une complète annulation.

Il a bien sûr fallu adapter le programme, réduire le nombre de manifestations, d’artistes et de public, imposer les mesures de sécurité, etc… mais le public a suivi et les Salzburger Festspiele ont pu fêter leur centième anniversaire avec un programme bien nourri de concerts et représentations d’opéra et de théâtre : premières de 2021 et reprises de 2020. Certaines productions ont déjà été distribuées en “streaming” ou télévisées quand il n’y avait pas d’opposition des interprètes. Apparemment, c’était le cas pour la production de Tosca qui devait être captée par la télévision autrichienne mais dont Anna Netrebko, la soprano adulée, avait interdit la diffusion. Parce que les applaudissements de son air “Vissi d’arte” et la réaction du public à “E lucevan le stelle” du ténor (son mari Yusif Eyvazov) auraient été trop légers ? D’autres laissent entendre qu’elle n’adhérait pas à la mise en scène. 

Pour cette Tosca, 6e opéra à l’affiche cet été, le Festival a “emprunté” la production que l’artiste autrichien Michael Sturminger avait créé pour les “Osterfestspiele” (Festival de Pâques) de 2018, adapté pour l’occasion : mettre en valeur Anna Netrebko, la diva adorée du public Salzbourgeois. Avant les premières notes de l’orchestre, le public a droit à une fusillade dans un parking. Au premier acte, de jeunes écoliers visitent l’église de Sant’Andrea della Valle. Au troisième le Castel Sant’ Angelo est devenu l’antre d’une bande de criminels qui y préparent de jeunes recrues et dont Scarpia est le patron. Blessé -mais pas à mort- par Tosca, Scarpia réapparait en chaise roulante après l’exécution de Cavaradossi par les jeunes garçons et tue Tosca d’un coup de revolver ! Je vous fais grâce des agissements du deuxième acte dans le bureau de Scarpia en petite tenue, sur un home trainer, avant de se préparer à recevoir Tosca et initier son jeu mortel. Le baryton français Ludovic Tézier a tous les atouts pour le rôle : présence, voix corsée et expressive et autorité scénique. Il est l’imposant adversaire d’Anna Netrebko, sculpturale Tosca, femme aimante et jalouse mais prête à défendre son amour à tout prix et exprimant ses émotions de sa voix ample et riche. Mario Cavaradossi trouve en Yusif Eyvazov un interprète convaincant, doté d’une voix solide aux aigus puissants mais pas forcément séduisante. Michael Modfidian (Angelotti), Matteo Peirone (Sagrestano) et Mikeldi Atxalandabaso (Spoletta) donnaient le relief nécessaire à leurs personnages et l’ensemble des petits rôles était satisfaisant, comme l’intervention des choeurs. Dans la fosse, le Wiener Philharmoniker dirigé par Marco Armiliato faisait montre de sa richesse sonore dans une exécution qui manquait parfois de dynamisme et force dramatique.

La Forza del Destino à Londres : gloire à Verdi

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Aucune production n’a sans doute été autant attendue et déjà commentée que La Forza del destino de Verdi programmée par le Royal Opera House de Londres,où l’oeuvre n’avait plus été à l’affiche depuis 2004. Pas pour la mise en scène de Christof Loy dont le public londonien connait le style et déjà présentée à Amsterdam en 2017, mais pour la distribution réunissant Anna Netrebko, Jonas Kaufmann et Ludovic Tézier, malheureusement pas dans les dix spectacles de la série. Trois grands noms mais aussi et surtout trois artistes qui savent comment on chante Verdi et disposent du matériel vocal nécessaire et le style pour rendre justice à cette partition impressionnante et exigeante, dramatique et haute en couleur, parfaitement maîtrisée par Antonio Pappano et l’excellent orchestre du Royal Opera.

Joyce DiDonato sublime !

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Vincenzo BELLINI
(1801 - 1835)
I Capuletti e i Montecchi
Joyce DiDonato (Romeo), Olga Kulchynska (Giulietta), Benjamin Bernheim (Tebaldo), Roberto Lorenzi (Lorenzo), Alexei Botnarciuc (Capellio), Gieorgij Puchalsi (le compagnon). Choeur de l’Opéra de Zürich, Philharmonia Zürich dirigé par Fabio Luisi. Christof Loy (mise en scène), Christian Schmidt (décor et costumes), Franck Evin (lumières)
2016-DVD-139’-Commentaires et sous-titres en allemand, anglais et français-Accentus Music-ACC 20353