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A Lausanne, un Domino noir émoustillant  

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« Petite musique d’un grand musicien », ainsi Rossini jugeait-il la production de Daniel-François Auber, alors que Wagner déclarait à Edmond Michotte : « Auber fait de la musique adéquate à sa personne qui est foncièrement parisienne, spirituelle, pleine de politesse et… très papillonnante, on le sait ». De ce compositeur qui est le plus représentatif du genre de l’opéra-comique dans la France du XIXe siècle, que reste-t-il ? De ses quarante-cinq ouvrages écrits entre 1805 et 1869, qu’a retenu notre époque ? Deux ou trois titres comme Fra Diavolo, La Muette de Portici, le ballet Marco Spada et quelques ouvertures. 

Pour l’Opéra de Lausanne, Eric Vigié, son directeur, porte son choix sur Le Domino noir, ouvrage en trois actes créé à l’Opéra-Comique le 2 décembre 1837 avec l’illustre Laure Cinti-Damoreau et le ténor Antoine Couderc et repris 1209 fois jusqu’à 1909. Il en présente la première suisse en recourant à la production primée ‘Grand Prix du meilleur spectacle lyrique français’ de l’année 2018, coproduit par l’Opéra-Comique de Paris et l’Opéra Royal de Wallonie à Liège.

Comment lui donner tort ! La mise en scène de Valérie Lesort et Christian Hecq vous emporte dans un rythme endiablé, tout en dénouant les fils d’une intrigue où s’enchevêtrent les quiproquos. Un an après le bal masqué donné la nuit de Noël chez la reine d’Espagne, Horace de Massarena revient avec son ami, le Comte Juliano, dans le salon où il a rencontré un domino noir, flanqué de sa suivante. Comme par enchantement, les deux femmes paraissent dans des accoutrements cocasses imaginés par Vanessa Sannino, Angèle de Olivarès portant le fameux domino surmonté d’une coiffe à tête de cygne…noir, tandis que son amie Brigitte de San Lucar est un énorme bouton d’or engoncé dans les cerceaux d’un panier sans robe. Toutes deux viennent goûter pour la dernière fois à des plaisirs bientôt interdits, puisque l’une est novice au Couvent des Annonciades, alors que l’autre est en passe de se marier. Le décor de Laurent Peduzzi consiste en une gigantesque horloge vitrée, derrière laquelle se profile le boléro des astres orchestré par la chorégraphe Ghysleïn Lefever. Tandis que Christian Pinaud joue habilement avec les changements d’éclairage, Juliano avance d’une heure les aiguilles de la pendule afin de permettre à Horace de s’entretenir secrètement avec Angèle, pendant qu’il fait croire à Brigitte qu’il est minuit, heure de fermeture du couvent qui leur sert d’asile. 

Respectueusement inventive : Le Nozze di Figaro à Saint-Etienne,

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A l’Opéra de Saint-Etienne, des applaudissements enthousiastes ont salué Le Nozze di Figaro de Mozart tel que Laurent Delvert l’a donné à entendre, à voir, et donc à vivre, dans une approche respectueusement inventive.

Une représentation d’opéra réussie, c’est un peu comme une fusée à quatre étages qui nous enverrait dans un ciel radieux, qui nous installerait dans un espace-temps bienheureux, même si elle traite de la pire des tragédies. Ces Nozze di Figaro en sont une démonstration.

Le premier étage, c’est le livret. Celui que Lorenzo da Ponte a dégagé du Mariage de Figaro de Beaumarchais. Un bonheur d’intrigue : on ne compte plus les rebondissements de l’action, les coups de théâtre, les quiproquos, les clins d’œil au spectateur dans cette histoire d’un Comte fatigué de cette femme qu’il avait pourtant mis tant d’énergie à faire sienne, qui voudrait, au nom d’un vieux droit de cuissage, s’emparer de la jeune Suzanne. Ce qui va provoquer les ruses et stratagèmes de celle-ci, de son Figaro futur mari, de la Comtesse elle-même. Le tout se concluant par la déconfiture du volage. Mais ce serait trop simple : il faut compliquer l’intrigue avec un jeune page, Chérubin, amoureux de tout ce qui porte un jupon, toujours là où il ne devrait pas être. Il faut encore une dette à acquitter sous peine de mariage forcé, une scène de double reconnaissance, un jardinier ivrogne. Secouez le tout : le cocktail est excellent. Sans oublier que cela, qui virevolte, donne aussi à réfléchir.

Le second étage de la fusée, c’est la partition. Et quelle partition. Aussi convaincante dans ses facettes bouffonnes que dans ses séquences humainement émouvantes. La musique ajoute sa part décisive aux jeux de l’intrigue. Quand la Comtesse exprime sa douleur, les notes la multiplient ; quand père-mère-fils « se reconnaissent », les répétitions « sua madre, sua padre » ajoutent à la drôlerie de la situation. Oui, Mozart, de toute évidence, est magicien.

Le troisième étage de la fusée, c’est la mise en scène. Celle de Laurent Delvert est respectueuse dans la mesure où son intention manifeste est de se mettre au service de Mozart. Il en est l’interprète, à la manière d’un instrumentiste confronté à une partition. Mais elle est inventive dans ses moyens. Avec un décor à deux étages. Le bas étant l’univers des domestiques, de la vie quotidienne ; le haut celui de la Comtesse…mais isolée de nous par une façade en moucharabieh. Elle y est recluse, abandonnée à son triste sort de femme qui a cessé de plaire. Après l’entracte, ce décor nous révélera son envers, s’ouvrira sur une cour pour la belle scène du mariage. Et finalement, en rotation, il deviendra, plus qu’ingénieusement, un décor végétal, nécessaire pour le dernier acte au jardin, celui des déguisements, des quiproquos, de la vengeance. Une mise en scène, ce sont aussi de petits gestes, des mises en place discrètes mais expressives, quelques pas de danse, des figurants accessoiristes. C’est aussi une bonne inspiration : celle de ces pommes (oui des pommes !) que les personnages grignotent régulièrement, et qu’ils tiendront tous en main à la conclusion de l’œuvre… alors que là-haut, dans la végétation, apparaissent Adam et Eve… Il ne fallait pas croquer la pomme… Mais une mise en scène, c’est aussi un travail avec les interprètes. Et c’est alors que nous atteignons…

Rendez-vous sur la lune avec Jacques Offenbach

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Jacques Offenbach (1819-1880) : Le Voyage dans la lune, opéra-féerie en quatre actes. Violette Polchi (Caprice), Sheva Tehoval (Fantasia), Matthieu Lécroart (V’lan, Un Bourgeois, Un Marchand, Un Bourgeois, Un Acheteur), Pierre Derhet (Quipasseparla, Un Forgeron), Raphaël Brémard (Microscope, Un Acheteur, Un Marchand), Marie Lenormand (Popotte, Une Bourgeoise), Thibaut Desplantes (Cosmos, Le Commissaire, Cosinus, Un Marchand), Ludivine Gombert (Flamma, Adja, Une Bourgeoise, Une Forgeronne), Christophe Poncet de Solages (Cactus, Parabase) ; Chœurs et Orchestre national Montpellier Occitanie, direction Pierre Dumoussaud. 2021. Notice en français et en anglais. Texte complet du livret avec traduction anglaise. 150.62. Un livre-disque de deux CD Bru Zane BZ 1048.

Un faisceau de détails savoureux : les Noces de Figaro à Nancy

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Avant même qu’elle ne soit représentée, ce qui a d’abord retenu l’attention sur cette production, c’est l’identité de son metteur en scène : James Gray. Avant tout cinéaste reconnu, récompensé immédiatement en 1994 pour son premier film, Little Odessa, salué en 2013 pour The Immigrant, et tout récemment pour Ad Astra avec Brad Pitt. A Nancy, après le Théâtre des Champs-Elysées et avant Luxembourg, il était bien loin, spatio-temporellement, de l’univers de science-fiction de ce dernier film, tout en s’étant lancé un grand défi « spatial » : mettre en scène un opéra, Les Noces de Figaro, une première expérience.

Pari gagnant ! Rien de conceptuel dans son approche. Aucune « révélation » de sous-jacences historico-socio-psychologico-politiques jusqu’à lui ignorées dans l’œuvre de Mozart. Il s’en tient aux mots du librettiste et aux notes du compositeur. Même pas de vidéo chez ce cinéaste ! Rien ne vient distraire notre adhésion immédiate aux péripéties d’une intrigue exaltée par des chants superbes. Il est vrai qu’en procédant ainsi, il nous laisse libres, sans les solliciter, sans les imposer, de nos conclusions quant aux façons de procéder des « puissants » de ce monde-là, qui, humainement hélas, sont encore trop souvent les nôtres, dans leurs abus sexuels et de pouvoir. 

Retour brillant d'un chef-d'oeuvre parfait

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Anne-Catherine Gillet et Cyrille Dubois © Larraine Wauters/Opéra Royal de Wallonie

Le Domino noir de Daniel-François-Esprit Auber.
Excellente initiative de l'Opéra Royal de Wallonie de remonter ce Domino noir (1837), opus le plus joué d'Auber, avant Fra Diavolo, Le Maçon ou La Muette de Portici. Ce succès immense rend incompréhensible l'oubli dans lequel il est tombé, d'autant plus que nous avons pu nous rendre compte de son intérêt par l'intégrale studio publiée en 1995 chez Decca, dirigée par Richard Bonynge, avec Sumi Jo dans le rôle-titre.

Lully revisité : et ça donne très bien !

par

Jean-Baptiste LULLY
Persée 1770
Mathias VIDAL (Persée), Hélène GUILMETTE (Andromède), Katherine WATSON (Mérope), Tassis CHRISTOYANNIS (Phinée), Marie LENORMAND (Cassiope), Marie KALININE (Méduse), Jean TEITGEN, Chantal SANTON-JEFFERY, Cyrille DUBOIS, Thomas DOLIE, Zachary WILDER (rôles divers), Le Concert Spirituel, choeur et orchestre dir.: Hervé NIQUET
2017- 2 CD 54' 20'' et 53' 57''-Textes de présentation et livret en français et en anglais-chanté en français-Alpha Classics 967

Comment défendre à la perfection un opéra méconnu d'un grand maître

par

JOKERCharles GOUNOD   
(1818 - 1893)
Cinq-Mars
M. Vidal (Cinq-Mars), V. Gens (Marie de Gonzague), T. Christoyannis (le Conseiller de Thou), A. Foster-Williams (le Père Joseph), A. Heyboer (le Vicomte de Fontrailles, J. Greg Belobo (Louis XIII), N. Nahoun (Marion Delorme), M. Lenormand (Ninon de l'Enclos), solistes, choeurs de la Radio Bavaroise, Münchner Rundfunkorchester, dir.: Ulf SCHIRMER
2016-live- 2 CD 76' 49'' et 61' 28''-textes de présentation et livret en français et anglais-chanté en français-Ediciones Singulares ED 1024

Un bel Enfant et une Shéhérazade idéale

par

Maurice RAVEL (1875-1937)
L'Enfant et les Sortilèges (a) - Shéhérazade (b) - Alborada del gracioso
Leonard, P. Gay, Y. Naef, A. Christy, M. Lenormand, E. Madore, J-P. Fouchécourt, K. Fujitani, SKF Matsumoto Chorus, SKF Matsumoto Children's Chorus (a), S. Graham (b), Saito Kinen Orchestra, dir. Seji OZAWA
2015 - DDD - 69' 09'' - Texte de présentation en anglais, français et allemand - livret français/anglais - chanté en français - Decca 478 6760