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L’ Olimpiade d’Antonio Vivaldi  dynamite le Théâtre des Champs-Élysées 

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La programmation d’une œuvre où les Jeux Olympiques servent de tremplin au livret d’opéra - au surplus  joyau des œuvres  de Vivaldi – est une idée bienvenue au moment où Paris accueille les épreuves sportives. Ces exploits physiques servent de point de départ  (Acte I ) à des échanges complexes dont l’amour,l’ amitié et la filiation sont les enjeux. Pendant les deux actes suivants, l’action rebondit, de quiproquos en malentendus amoureux, désespoir, meurtre, pardon et grâce. 

Centre névralgique du bel canto dans son âge d’or, cet opus du maître vénitien est porté par l’admirable livret du poète Métastase qui inspirera plus de 60 compositeurs.

Familiers du baroque qu’ils aiment et dont ils connaissent la grammaire par cœur, le metteur en scène Emmanuel Daumas et le directeur musical Christophe Spinosi à la tête de son ensemble Matheus (délectable entrée en matière des cordes) se sont tellement approprié les codes et la rhétorique belcantistes que la suppression des récitatifs, les déplacements et coupures de quelques airs, loin de déséquilibrer l’ensemble, libèrent une tension dramatique qui fonctionne à plein régime.

Dans ce « Drama per musica », les affects tragiques les plus extrêmes sont rehaussés par les contrastes. Le comique exalte ainsi le tragique à travers déplorations, airs de colère, de sommeil et nombreux « lamenti ».  

L’air d’Alcandro (Christian Senn), en tête à tête avec le violoncelle sur scène, introduit, par exemple, une soudaine intimité dont la délicatesse vient renforcer l’intensité.

Ailleurs, un  acrobate-danseur, justement applaudi aux saluts, rappelle la tradition des Tragédies  lyriques de Lully et Quinault qui comportaient toujours un ou plusieurs acrobates (souvent dans les scènes d’ Enfers, les rôles de démons se prêtant particulièrement bien aux extravagances). Sa chorégraphie aérienne enlace au ralenti la ligne de chant d’Aristea (élégante Caterina Piva) dans son air « Sta piangendo la tortorella ». Un pur moment de grâce.

A l’aise dans un invraisemblable costume d’athlète, la mezzo-soprano Marina Viotti (Megacle) incarne - avec quel panache !- l’hybridation qui lui est chère. Son personnage d’amant et d’ami, tour à tour noble, désespéré, humain s’impose d’emblée par la chaleur et l’exactitude d’une vocalité homogène au service de l’émotion.

Scintillante et fraternelle Fledermaus à Paris

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L’Ouverture menée au triple galop par le chef Marc Minkowski à la tête des Musiciens du Louvre et du remarquable Cor de Cambra del Palau de la Musica Catalana dirigé par Xavier Puig, regarde manifestement du côté d’Offenbach, terre d’élection du chef français.

A juste titre - « Mon cher Strauss pourquoi ne composeriez-vous pas des opérettes ? » suggérait ainsi le compositeur de La Belle Hélène. Il fallut attendre 1874 pour que le livret issu d’une pièce des français Meilhac et Halévy propulse cette Chauve-Souris en un vol triomphal qui ne s’arrêtera plus.

L’intrigue regorge de quiproquos et de travestissements fort périlleux en version de concert. La mise en scène de Romain Gilbert secondé par une distribution majoritairement germanophone relève le défi avec une vivacité et une efficacité qui la font préférer mille fois aux transpositions saugrenues.

L’esprit viennois prime. Jeux de scènes pleins de verve impliquant chanteurs, salle, orchestre et chef, costumes, accessoires, jubilation de jouer une partition à la fois délicieuse et grave soudent une troupe pourtant modifiée au dernier moment.

Il faut d’autant plus admirer la prestation du baryton autrichien Christophe Filler. Familier du répertoire mozartien et rossinien, il incarne avec brio la figure « pivot » du mari trompeur, trompé et repentant. Cet Eisenstein, plus bourgeois-noceur que patricien, forme une paire savoureuse avec son compère le docteur Falke (le baryton croate Léon Košavić).

Victoria de los Ángeles : Gala du centenaire au Liceu

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Mis à part leur année de naissance, deux des plus grandes cantatrices du XXe siècle, semblent partager plus de divergences que des points un commun : une vie privée discrète voire ascétique pour Victoria, un étalage de « paparazzi » et une énorme renommée pour Maria Callas, une carrière brillante, certes, mais la Barcelonaise n’est jamais devenue un icône de masses. Pourtant, si l’Espagnole avait eu une enfance heureuse et pas marquée par la mésentente avec sa mère comme Callas, sa vie privée d’adulte ressemble cruellement à un calvaire, tenu dans le secret ou dans la plus grande discrétion. Car, de ses deux enfants, le deuxième avait un syndrome de Down, avec les difficultés que cela pouvait causer à cette époque et le premier, Juan Enrique, décéda dans sa trentaine de manière inopinée. Pour couronner l’ensemble, son mari entretenait une deuxième famille de plusieurs enfants avec sa secrétaire et cela aux frais de la cantatrice car le divorce était impossible dans l’Espagne franquiste. Un détail glaçant sur la condition féminine dans cette période si proche -et que certains semblent actuellement regretter- : le mari qui aurait tué sa femme adultère, n’était puni que par le bannissement selon le Code Pénal en vigueur alors… Un autre aspect divergeant entre les deux tient à leur renommée : si Callas divisait les esprits entre partisans et détracteurs acharnés, rivalité avec la Tebaldi incluse, Victoria semble n’avoir connu que l’éloge pour sa musicalité, sa recherche infatigable de la vérité expressive et son talent pour transmettre au public les émotions les plus profondes. Invitée par Wieland Wagner, elle est à ce jour, avec Plácido Domingo, la seule espagnole à avoir chanté dans le « Santa Sanctorum » wagnérien de Bayreuth. Sa carrière internationale fut splendide : entre 1950 et 1961 elle chanta 200 représentations au Metropolitan de New York, en passant par le Covent Garden à Londres, La Scala de Milan, le Wiener Staatsoper ou le Teatro Colón à Buenos Aires et, dès ses débuts, au Liceu. Pourtant, un aspect essentiel de sa carrière fut le récital de « Lieder » : elle considérait que cet aspect du chanteur était un défi immanquable : « Le lied aide à parfaire le phrasé, la musicalité et se joint à la poésie, à la littérature… à la toute culture en définitive ! » disait-elle.

A Genève, l’OSR  au grand complet  

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Le 4 mai dernier, le concert de l’Orchestre de la Suisse Romande comportait l’indication énigmatique Le Double qui se référait directement à la première œuvre figurant au programme choisi par Bertrand de Billy : il s’agit de la Deuxième Symphonie d’Henri Dutilleux, commandée par la Fondation Koussevitzky pour commémorer le 75e anniversaire de l’Orchestre Symphonique de Boston et créée en cette ville le 11 décembre 1959 sous la direction de Charles Munch. Le compositeur déclarait à ce propos : « Deux personnages en un seul, l’un étant comme le reflet de l’autre, son double. Il ne s’agit nullement d’un concerto grosso, et je voulus au contraire éviter toute analogie avec des schémas néo-classiques ». Et c’est effectivement un petit ensemble de douze instruments (les vents par un, un clavecin, un célesta, deux violons, un alto et un violoncelle) qui entoure le pupitre de direction et qui impose ce climat mystérieux  émanant des timbales et de la clarinette qui mènera ensuite le dialogue avec l’imposant tutti. Le discours s’amplifie pour parvenir à un fugato intense que désagrégera le célesta rythmé par la percussion. L’alto solo imprègne l’Andantino sostenuto d’une nuance de tristesse qui contaminera l’ensemble des cordes puis se laissera dissoudre par l’intervention du violoncelle, du cor et de la trompette. Emporté par une rare énergie, le Final concède aux cuivres des effets jazzy que contrecarrent des bribes de choral qui parviennent à un paroxysme cinglant. Puis le rideau semble être tiré par des sonorités presque irréelles tissant une péroraison aussi envoûtante qu’apaisante.

A Lausanne un triomphe pour Alcina ! 

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En février 2012, l’Opéra de Lausanne avait présenté l’Alcina  de Haendel dans une mise en scène de Marco Santi qui n’avait guère marqué les esprits. Dix ans plus tard, Eric Vigié, son directeur, frappe un grand coup  en confiant une nouvelle production à Stefano Poda qui, à lui seul, assume régie, décors, costumes, lumières et chorégraphie. 

Et c’est justement par le jeu savant des éclairages qu’est créé un vaste jardin, encadré de cyprès effilés à la Fra Angelico, que découvrent les deux naufragés, Bradamante travestie en chevalier Ricciardo et son tuteur, Melisso. Immédiatement confrontés à Morgana, femme âgée portant une robe à panier noire démesurée, tous deux sollicitent une rencontre avec Alcina qui paraît dans une semblable crinoline blanche galonnée d’or. Tout habitant de l’ile, y compris Ruggiero, le fier chevalier, fiancé de Bradamante, revêt jaquette et culotte de cérémonie XVIIIe sur bas de soie. Lorsque descend des cintres une boule mastodonte qui s’entrouvre pour révéler le palais d’Alcina, une seconde jeunesse est donnée par enchantement à chacun de ceux qui y pénètre. Morgana ose s’afficher en body noir pailleté quand la reine, sa sœur, se pare d’un déshabillé vaporeux dans ses appartements de l’étage supérieur où règne la luxure, quitte à se donner du plaisir en usant des ‘loyaux services’ de la valetaille. Tandis que les abords de cet univers clos sont gardés par des panthères noires en céramique glazurée et que les serviteurs promènent des paons blancs empaillés, l’on finit par se rendre compte que ce monde enchanté a emprisonné les habitants en les métamorphosant en animaux et que tout dissident comme Oronte, Bradamante, Melisso et Ruggiero libéré du sortilège, est roulé dans une cage polyédrique. C’est donc lui qui brisera l’urne détentrice des pouvoirs magiques d’Alcina et de l’élixir de jeunesse. Et chacun retrouvera son aspect d’antan…

A Lausanne, une éblouissante Semiramide 

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En ce mois de février 2022, l’Opéra de Lausanne présente pour deux soirs la dernière opera seria de Rossini, Semiramide, qui fêtera son bicentenaire l’an prochain, puisqu’elle a été créée au Teatro La Fenice de Venise le 3 février 1823. Monumental par ses dimensions puisqu’il comprend quarante numéros avec une introduction de 700 mesures, des récitatifs accompagnés par l’orchestre, six arie, quatre duetti et deux concertati (grands ensembles) pour les finals, l’ouvrage exhibe une vocalità poussée à son paroxysme et prouve que Rossini avait une conception baroque du théâtre lyrique avec un total désintérêt pour l’action proprement dite. 

Il est vrai que le libretto de Gaetano Rossi d’après la Sémiramis de Voltaire datant de 1748 accumule les poncifs : la Reine de Babylone, Semiramide, a comploté avec Assur, Prince assyrien, pour faire assassiner le Roi Ninus, son époux, en lui promettant le trône et sa main. Mais éprise d’Arsace, le chef de ses armées, elle fait volte-face en lui octroyant sceptre et anneau conjugal, ce qui provoque l’apparition du spectre du monarque défunt proclamant qu’Arsace règnera après avoir immolé une victime. Par Oroès, le grand-prêtre, le jeune homme apprendra qu’il est le fils de Ninus et de Semiramide. Tandis qu’Assur perd la raison, il se rendra dans la tombe royale, transpercera un corps sans le voir, et découvrira, horrifié, qu’il a tué sa mère. Mais Oroès s’empressera de lui faire ceindre la couronne.