Mots-clé : Stéphanie d’Oustrac

A Genève, une pitoyable Stuarda 

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En octobre 2021, le Grand-Théâtre de Genève entreprenait de présenter la trilogie des reines d’Angleterre dite ‘Trilogie Tudor’ réunissant trois des grands ouvrages dramatiques de Donizetti, Anna Bolena, Maria Stuarda et Roberto Devereux. Nous était annoncé que Mariame Clément en assurerait la mise en scène, Julia Hansen, les décors et costumes et qu’Elsa Dreisig et Stéphanie d’Oustrac se partageraient les rôles des antagonistes.

A l’instar d’Anna Bolena, le rideau se lève sur les Dames de Cour vêtues de noir et les hommes en chasseurs entourant le billot sur lequel Mary Stuart sera décapitée. De larges baies vitrées donnent sur une rangée d’arbres verdoyants, alors que paraît Elizabeth I en amazone arborant une cuirasse et des jambières héritées d’une certaine Jeanne d’Arc à Rouen. Le dialogue dramatique qu’elle établit avec les Lords Cecil et Talbot à propos du sort de la reine d’Ecosse se fait sur des mouvements de danse totalement incongrus qui s’amplifieront avec la venue de son favori, Leicester. Comment croire que la reine vierge subit ses avances, avant de le jeter sur la table dans l’espoir de copuler avec lui ? Puis la mise en scène, réduite à sa plus simple expression, se contente de suivre docilement la trame jusqu’à la scène finale où une caméra TV filme les banderoles de protestation que brandit le peuple écossais avant l’exécution. 

Comme dans le volet précédent, le bât blesse au niveau de la musique guère aidée par la direction brouillonne du jeune Andrea Sanguineti qui ne peut éviter les décalages dans des tempi qui se veulent dynamiques. L’Orchestre de la Suisse Romande fait du mieux qu’il peut pour le suivre, tandis que le Chœur du Grand-Théâtre (comme toujours remarquablement préparé par Alan Woodbridge) ne se laisse pas décontenancer et réussit même à susciter l’émotion dans le tableau final.

Iphigénie en Aulide au Théâtre des Champs-Elysées

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« Succès de larmes » selon le vocabulaire l’époque ? Vibrant triomphe plutôt au Théâtre des Champs-Élysées où le premier opéra en français du protégé et professeur de clavecin de Marie-Antoinette, Christoph Willibald Gluck, a été longuement applaudi.

Cette Iphigénie en Aulide s’inspire directement de la célèbre Iphigénie de Racine. Il se trouve que la pièce fut représentée à Versailles en 1674. La première tragédie lyrique ancêtre de l’opéra a, elle, été inventée un an plus tôt, en 1673, par Lully alors que Gluck séjournait à Paris... Heureuse conjonction ! Il se lance alors pendant plus de dix ans dans la quête d’une architecture sonore cohérente en elle-même, adossée à de grands chœurs et capable de produire « un pathétique ininterrompu » dépouillé de ballets, de récitatifs et de ruptures de tons.

Julien Chauvin, à la tête de son Concert de la Loge, s’empare de cette version concertante à bras le corps... au sens propre : sa gestuelle de sport de combat évoque irrésistiblement les caricatures de Franz Liszt déchaîné devant son piano. Ce qui pourrait passer pour des effets d’estrade cède devant d’évidentes qualités dramatiques. Dès l’ouverture, elles prennent l’auditeur à la gorge et ne le lâcheront plus. Les contrastes rythmiques et mélodiques dessinent reliefs et passions si bien que les tourments d’un père assassin, la colère d’une mère-louve, la déploration d’une victime, la vaillance guerrière d’un héros s’affrontent d’emblée. Si la linéarité du discours racinien se prête naturellement à ces déferlantes sonores, l’ensemble reflète également les préoccupations d’une époque de tâtonnements, d’inventions, d’instabilité. Plus encore, surgit une émotion « à double fond » qui devine la fin des Lumières, l’aube de la sentimentalité romantique et laisse entrevoir le chaos tectonique, intellectuel et moral à venir.

De l’opérette à l’opéra « Mignon » d’Ambroise Thomas  à Liège

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 A l’Opéra de Wallonie-Liège, Mignon d’Ambroise Thomas, dont nous avons assisté à la générale, confronte ses spectateurs à des atmosphères contrastées, d’abord légères comme celles d’une opérette, dramatiques ensuite comme dans un opéra. Si les voix sont tout aussi contrastées, elles sont très belles.

D’un point de vue historico-biographique, on retiendra de cette œuvre qu’elle a enfin offert reconnaissance, consécration et gloire tardives à son auteur -Ambroise Thomas avait cinquante ans quand il l’a composée et créée en 1866- et qu’elle est révélatrice des sinusoïdes des goûts lyriques : plus de 1000 représentations du vivant de son compositeur -un recor -, l’oubli ensuite. Elle n’est presque plus produite. Sa présence est bienvenue à l’Opéra de Wallonie-Liège. 

Mignon, c’est la relecture, en partie du moins, d’une œuvre de Goethe, les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister. Ce jeune homme, ému par le triste sort réservé à « un danseur », Mignon, le rachète à son histrion harceleur. Parallèlement, il est séduit par Philine, une comédienne-diva plutôt capricieuse. On va découvrir que Mignon est en réalité une belle jeune fille qu’un terrible destin n’a pas épargnée.

Atys de Lully à l’Opéra-Comique en 2011 sur DVD ? Une reprise sous forme de conte de fée…

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Jean-Baptiste Lully (1632-1687) : Atys, tragédie en musique en un prologue et cinq actes. Bernard Richter (Atys), Stéphanie d’Oustrac (Cybèle), Emmanuelle De Negri (Sangaride), Nicolas Rivenq (Célénus), Marc Mauillon (Idas), Sophie Daneman (Doris), Jaël Azzaretti (Mélisse), Paul Agnew (Dieu du Sommeil), Cyril Auvity (Morphée), Bernard Deletré (Le Temps/Le Fleuve Sangor) ; Compagnie Fêtes Galantes ; Les Arts Florissants, direction William Christie. 2011. Notice en anglais et en français, synopsis dans les deux langues. Sous-titres en français, en anglais, en allemand, en italien, en japonais et en coréen. 196.00. Deux DVD Naxos 2. 110694-95. Aussi disponible en Blu Ray. 

Streamings de la semaine : Monte-Carlo, Bruxelles et Londres

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Pour cette sélection de la semaine, nous commençons avec une Symphonie n°8 de Beethoven par l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo  et Kazuki Yamada proposée sur le site de la Deutsche Welle. Ce concert, capté en 2019, dans le cadre du Palais Princier donne envie autant de concerts que d’été.  

On traverse les frontières pour revenir à La Monnaie de Bruxelles avec un formidable récital de Stéphanie d’Oustrac en compagnie de son pianiste attitré Pascal Jourdan. Au programme, une collection de mélodies romantiques inspirées de monuments de la poésie européenne avec un texte extrait d’« Andromaque » de Racine mis en musique par Pauline Viardot, compositrice méconnue qui faisait l’admiration de ses contemporains, des lieder signés Franz Liszt sur des poèmes de Heine et de Goethe, ainsi qu’un hommage à Shakespeare et Théophile Gautier avec « La Mort d’Ophélie » et les iconiques « Nuits d’été » d’Hector Berlioz.

On passe la Manche avec un concert de l’excellent altiste Timothy Ridout  au Wigmore Hall de Londres. En compagnie du pianiste Tom Poster, il joue Johannes Brahms et Kurt Schwertsik. 

Stéphanie D'Oustrac enflamme le Liceu avec La Clemenza di Tito 

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L’avant-dernier opéra de Mozart, fruit d'une commande pour fêter le couronnement de Léopold II de Habsbourg-Lorraine, frère de Marie-Antoinette et éphémère empereur d'Autriche, fut écrit pratiquement en même temps que la Zauberflöte, pendant les derniers mois de vie du compositeur. Pressé par le temps, Mozart chargea son élève Süßmayr d'écrire une grande partie des récitatifs. Ouvrage à peine joué pendant le XIXe siècle, il ne fut présenté à Barcelone qu'en 1963, partageant le sort ingrat d'ouvrages aussi intenses que Così fan tutte ou Idomeneo. Si La Clemenza n'a pas la densité dramatique de la trilogie Da Ponte, elle n'est pas pour autant moins transcendante, aussi bien dans sa dramaturgie musicale que par l'ineffable beauté d'un grand nombre d'airs. Dont ceux avec instrument « obbligato », un genre pour lequel Mozart laissa des œuvres majeures comme « Ch'io mi scordi di te », pour la reprise d’Idomeneo avec piano soliste qu'il joua lui-même plusieurs fois. Ici, le « Parto, parto » de Sesto avec clarinette et le « Non più di fiore » de Vitellia avec le « corno di bassetto » sont des moments-clé de l'œuvre. 

Le livret de Caterino Mazzolà est un remaniement de Metastasio, lui-même inspiré des Bérénice de Corneille et Racine. Le sujet, au départ quelque peu pamphlétaire au bénéfice de la monarchie des Habsbourg pendant les convulsions de la période révolutionnaire, n'est pas moins l'objet de réflexions philosophiques sur le pardon et la rédemption, thèmes biens chers à la franc-maçonnerie. Et certainement empreint aussi de « cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la Tragédie », dont parlait Racine.

La magnificence de voix au Festival d’Ambronay

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Le Festival d’Ambronay fête ses 40 ans sous le thème de « musique baroque et métissée ». Pendant quatre week-ends prolongés (du jeudi au dimanche), se succèdent des musiciens et ensembles de renom, tels que Hespèrion XXI et Jordi Savall, Les Arts Florissants et William Christie, Les Correspondances et Sébastien Daucé, Pygmalion et Raphaël Pichon, ou encore Les Talens Lyriques et Christophe Rousset. Un laboratoire d’expériences pratiques et artistiques où la musique baroque et ancienne, ses programmes, allant de la musique médiévale à des créations contemporaines, sont devenus au fil des années de plus en plus variés. Le Festival Eeemerging (un festival dans le Festival, avec six jeunes ensembles de musique ancienne qui présentent le résultat de leurs résidences ; cette année l’ensemble Concerto di Margherita a remporté le prix du public), notamment, fait du Festival d’Ambronay une pépinière de jeunes talents. C’est un rendez-vous annuel baroque incontournable pour les mélomanes, les amateurs et les programmateurs.

La Folie et le « Baroque Lande » d’amour et de passion

Pour le troisième week-end, les trois concerts vocaux dont un opéra étaient tous de très haute volée. Le programme « Eclats de folie » (27 septembre) de Stéphanie d’Oustrac et l’Ensemble Amarillis (qui fête ses 20 ans) se déroule sous forme de récit lyrique ou opéra pastiche. Une fois entrée en scène, la Folie passe par tous les états dans son aventure amoureuse. L’histoire est contée par des pièces instrumentales et vocales de Campra, Marais, Purcell, Haendel…, aux caractères et ambiances fort différents, sans oublier l’irrésistible scène de tempête. Toujours profondément engagée dans son art, Stéphanie d’Oustrac incarne à merveille ce personnage clé du répertoire. Plus le concert avance, plus elle fait preuve d’une expressivité surprenante, avec une belle complicité de l’ensemble Amarillis qui met efficacement en relief l’évolution sentimentale de l’héroïne.

L'Étoile de Chabrier

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Emmanuel CHABRIER (1841-1894) : L'Etoile.  Stéphanie d’OUSTRAC, Lazuli ; Christophe MORTAGNE, Le Roi Ouf I ; Hélène GUILMETTE, La Princesse Laoula ; Jérôme VARNIER, Siroco ; Elliot MADORE, Hérisson de Porc-Epic ; Julie BOULIANE, Aloès ; François PIOLINO, Tapioca ; François SOONS, Patacha ; Harry TEEUWEN, Zalzal ; Jeroen van GLABBECK, Le Maître ; Richard PRADA, Le Chef de la Police ; Residentie Orkest The Hague ; Chorus of Dutch National opera ; Patrick FOURNILLIER, dir.Laurent PELLY, mise en scène. Filmé les 13 et 16 octobre 2014, Dutch National Opera & Ballet, Amsterdam. DVD 9 - 115’ NTSC 16:9 - PCM stereo and DTS 5.0 - sous titres français, anglais, allemand, japonais, coréen - chanté en français – Naxos 2.110595

Les Troyens : Tcherniakov / Berlioz : 1 à 0

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Les Troyens, opéra en cinq actes, relate la prise de Troie, l’arrivée des vaincus à Carthage et les amours de Didon et Énée. Le rideau s’ouvre sur une famille de dictateurs, Beyrouth en cendres puis les pensionnaires d’un centre psychiatrique de réhabilitation ; tous unis par la démence, celle de Cassandre, Didon, Énée, leur suite… Une parabole de notre monde ? Peut-être. Mais dès lors les émotions sincères et délicates, les passions, la grandeur morale sont balayées par la dérision. Or c’est justement ce qu’il y a de plus beau, de plus bouleversant et d’unique dans la musique de Berlioz : un engagement total de lui-même, une vitalité exacerbée, une tendresse aussi. Qui culminent dans le duo O nuit d’ivresse et d’extase infinie succédant à une Chasse royale, orage et clair de lune des plus shakespeariens (Acte IV).

Festival de Salzbourg, Monteverdi et Bizet, avec et sans mise en scène

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Pour la nouvelle production de LIncoronazione di Poppea (Monteverdi), l’intendant du festival de Salzbourg, Markus Hinterhäuser, a pensé à l’artiste flamand Jan Lauwers qui avait déjà été invité au festival avec sa « Needcompany » et avait été «artiste en résidence » au Burgtheater de Vienne pendant plusieurs années. Jan Lauwers n’avait jamais fait de mise en scène d’opéra et la seule œuvre qui l’intéressait, c’était L’incoronazione di Poppea.

Un spectacle réussi sans doute, mais imparfait

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Anne-Catherine Gillet © Hofmann / La Monnaie

Béatrice et Bénédict
Pour cette nouvelle production de l'opéra-comique de Berlioz, La Monnaie inaugurait son "Palais", véritable ville dans la ville, un chapiteau de 500 m2, pouvant contenir 1100 places, installé sur le site industriel de Tour & Taxis", ancienne gare de marchandises désaffectée. Jusqu'à l'achèvement des travaux au bâtiment original, soit en décembre de cette année, les spectacles se donneront ici. Le directeur général, Peter de Caluwe, l'a rappelé en ce jour de première, après la minute de silence dédiée aux victimes des attentats du 22 mars suivie d'une "Brabançonne" émue.

Quand Roméo Castellucci s'approprie Gluck

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© Bernd Uhlig

Orphée et Eurydice
(Christoph Willibald Gluck)
Au sortir de ce spectacle d'exception, le public pourrait être partagé. Non pas à propos de la musique, connue et superbe, donnée ici dans la version Berlioz (1859). Mais la mise en scène très étonnante de Roméo Castellucci accapare toute l'attention.