Triomphal Requiem de Verdi à Bruxelles
Ambiance des grands soirs au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles avec ce Requiem de Verdi joué à guichets fermés pour 2 concerts. Il faut dire que le programme de cette soirée enfilait les satisfactions : un tube adoré du public, des forces musicales de La Monnaie sous la direction d’Alain Altinoglu dont on sait que c’est l’un des tandems artistiques majeurs de notre temps et une distribution de très haut vol avec en prime Marie-Nicole Lemieux, adorée à Bruxelles depuis son triomphe au Concours Reine Elisabeth 2000.
Le Requiem de Verdi est une œuvre de chef, ce dernier doit construire l’arc dramatique, gérer les masses vocales, et soigner son accompagnement des chanteurs. Bien évidemment, en chef lyrique de haute volée, Alain Altinoglu réussit parfaitement en construisant cette architecture musicale. Il impose d’emblée un ton entre recueillement et puissance dramatique mais tout en marquant les césures entre les différentes parties de la partition. Orchestre et chœurs sont galvanisés par cette direction souvent tellurique qui impose un impact saisissant. Saluons bien évidemment la performance chorale avec le Chœur de la Monnaie renforcé du Vlaams Radiokoor et des jeunes de l’Académie des choeurs de La Monnaie, tous préparés avec brio par Emmanuel Trenque. L'homogénéité et la projection sont exemplaires. Alain Altinoglu garde un contrôle total et jamais l'acoustique de la grande salle de concert Henry Le Boeuf ne se montre saturée malgré le nombre d’artistes convoqués.
Du côté des chanteurs, le quatuor de solistes est exceptionnel. En premier lieu, on découvre la fabuleuse soprano Masabane Cecilia Rangwanasha venue suppléer au pied levé une de ses consoeurs. Le timbre est superbe par sa luminosité et son engagement dramatique avec une retenue en forme de piété et une émotion puissante est magistrale. Bien sûr, Marie-Nicole Lemieux est toute aussi exceptionnelle par une musicalité hors pair et une large palette de nuances qui impose aussi une émotion dramaturgique. Les passages où ces deux artistes chantent ensemble sont de grands moments d’émotions et de beauté musicale. Bien connu à La Monnaie, le brillant ténor Enea Scala fait valoir son timbre séduisant et sa musicalité alors que le très expérimenté Michele Pertusi qui connaît les moindres recoins de cette partition comme sa poche, livre une prestation toute en mesure et en élégance. Ce quatuor de solistes s’accordait à merveille, sans jamais forcer, mais avec une élégance musicale racée et une subtilité des timbres.
Dès lors, le public est galvanisé et accorde d’emblée une standing ovation à ce concert qui va rester dans la mémoire bruxelloise et montre encore le niveau de maturation et d’excellence des forces de La Monnaie sous la direction d’Alain Altinoglu.
Bruxelles, Palais des Beaux-Arts, 13 novembre 2024
Pierre-Jean Tribot
Crédits photographiques : Vincent Callot