Triomphe de la musique anglaise sous la direction d'Alain Altinoglu
Ce vendredi soir a lieu le concert de l’Orchestre Symphonique de la Monnaie à Bozar. Cette soirée est dédiée à la musique anglaise. À la direction, nous retrouvons Alain Altinoglu, le directeur musical de la Monnaie. Le ténor Ed Lyon et le corniste Jean-Pierre Dassonville sont les deux solistes du soir. Au programme, l’Ouverture ‘The Tempest’, op.22 de Thomas Adès, la Sérénade pour ténor, cor et cordes, op.31 de Benjamin Britten et les Variations Enigma, op.36 d’Edward Elgar.
Le concert débute avec l’Ouverture ‘The Tempest’, op.22 de Thomas Adès. Tirée de son deuxième opéra composé en 2004, cette courte pièce est intense avec de nombreuses dissonances. Cette pièce, interprétée avec impétuosité, décrit à merveille une tempête et à quel point celle-ci peut s’avérer impressionnante.
La soirée se poursuit avec la Sérénade pour ténor, cor et cordes, op.31 de Benjamin Britten. Cette œuvre est un cycle de chansons écrit en 1943 pour ténor, cor solo et orchestre à cordes. Composé pendant la Seconde Guerre mondiale à la demande du corniste Dennis Brain, il s'agit d'une mise en musique d'une sélection de six poèmes de poètes anglais sur le thème de la nuit, avec ses aspects calmes et sinistres. Ces six poèmes sont encadrés par un prologue et un épilogue interprété uniquement par le corniste sur un cor naturel. Le Prologue est interprété avec brio par Jean-Pierre Dassonville. Le premier poème, Pastoral, est à la fois contemplatif à certains moments et à la fois plus joyeux et léger à d’autres. Le cor d’harmonie, d’usage pour les six poèmes, ajoute une belle couleur. Le deuxième poème, Nocturne, se distingue par son dialogue entre les deux solistes. Dans le troisième poème, Elegy, le ténor Ed Lyon chante avec une grande expressivité. Les tenues syncopées des cordes sont agrémentées des pizzicatos des contrebasses. Ces dernières donnent un relief certain à cette partie de l’œuvre. Le quatrième poème, Dirge, débute avec un solo du ténor avant d’être rejoint au fur et à mesure par les cordes. L’entrée du cor, assez tardive dans ce mouvement, arrive au point culminant avant que le chemin inverse ne se fasse laissant le soliste terminer seul cette partie de la pièce. Le cinquième poème, Hymn, se distingue par sa légèreté grâce aux pizzicatos interprétés avec un côté pétillant. Jean-Pierre Dassonville quitte la scène pour le dernier poème, Sonnet. On retrouve le côté contemplatif du premier poème avec une certaine douceur et rondeur dans le son des cordes. Ed Lyon donne une très belle prestation avec de la musicalité et du relief. La Sérénade se clôture avec l’Épilogue où nous retrouvons Jean-Pierre Dassonville dans les coulisses avec son cor naturel. Cette dernière partie est comme une métaphore représentant la nuit s’estompant avec un son devenant de plus en plus lointain. Alain Altinoglu mène avec grande précision les cordes de l’orchestre, elles aussi très attentives aux deux solistes du soir. L’interprétation de cette œuvre est vivement applaudie par le public.
Après l’entracte, place aux Variations Enigma, op.36 d’Edward Elgar. Cette œuvre, composée entre 1898 et 1899, est l’une des plus célèbres du compositeur anglais. Basée sur un thème caché, cette pièce se compose d’un thème et de quatorze variations. Chacune des variations est un portrait musical d'un personnage de son entourage. La seule exception est pour la dernière variation puisqu’il s’agit d’un autoportrait.
Chacune des variations à son propre caractère. Notons par exemple le dialogue enjoué de la Variation N°III, la puissance malicieuse avec des accents mis en évidence dans la Variation N°IV, l’intense gravité de la Variation N°V, la mise en avant du pupitre des altos dans la Variation N°VI, l’explosivité de la Variation N°VII, la musicalité exacerbée de la célèbre Variation N°IX « Nimrod », la très musicale Variation N°XIII avec un sublime solo de clarinette et pour finir la détonnante Variation finale. Notons tout de même l’absence de la partie d’orgue à la fin de la dernière variation.
Les musiciens de l’Orchestre Symphonique de la Monnaie interprètent avec beaucoup de talent cette pièce phare du répertoire anglais. Leur implication dans cette prestation est indéniable. En revanche, une chose est sûre, la version proposée par Alain Altinoglu ne craint certainement pas le statisme que l’on peut retrouver dans d’autres versions.
En conclusion, cette soirée « Made in UK » est une grande réussite et clôt avec brio le dernier concert symphonique de la saison de la Monnaie.
Bruxelles, Bozar, le 17 mai 2024
Thimothée Grandjean, Reporter de l’IMEP
Crédits photographiques : © Vincent Callot