Tristan Pfaff nous invite à valser avec Chopin

par

Frédéric Chopin (1810-1849) : Valses. Tristan Pfaff, piano. 2022. Notice en français et en anglais. 49.37. Ad Vitam AV230215.

Ce n’est pas la première fois que nous chroniquons un album signé par Tristan Pfaff (°1985), ce pianiste français qui a été un lauréat du Concours Long-Thibaud en 2007. Sa formation s’est déroulée au Conservatoire de Nantes avant Rueil-Malmaison et le Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, avec des professeurs comme Denis Pascal et Michel Béroff. Avec Aldo Ciccolini, Tristan Pfaff a pu peaufiner ce qu’il appelle « le travail du son ». Nous renvoyons le lecteur à nos articles du 5 février 2020 pour un programme « Tableaux d’enfance » de Kabalevski/Khatchatourian, et du 20 novembre 2021 pour des arrangements de pages de Liapounov, Rachmaninov ou Saint-Saëns, placées sous l’intitulé « Voltiges ». Nous avions souligné la virtuosité colorée de cet artiste et le plaisir pris à découvrir ces deux disques parus aussi chez Ad Vitam.

Le présent album consacré aux Valses de Chopin est le huitième de la discographie de Tristan Pfaff. Si Schubert, Liszt ou Karol Beffa ont déjà retenu son attention, le passage par Chopin apparaît comme une suite logique, presque obligée, pour ce pianiste épris de transparence et de sensibilité esthétique. On ne présentera pas ici ces pages archi-connues, qui bénéficient d’une brillante et longue série de références. Rappelons simplement qu’au-delà de la dynamique, de l’expressivité ou de la séduction immédiate, ces œuvres de courte durée réclament charme, élégance et poésie. Qualités dont ne manque pas Tristan Pfaff, qui trouve d’emblée le ton qui convient, aidé en cela par la sonorité d’un Steinway D Hambourg de 1978, un instrument chaleureux qui, dans la Salle Cziffra de la Collection Weiss-Montauban, a déployé, au cours de cette session captée du 2 au 5 octobre 2022, un éventail de couleurs contrastées des plus soignées. 

Tristan Pfaff ne se laisse pas prendre aux pièges de l’effusion inutile. Il aborde chaque pièce avec un esprit de liberté qui se rapproche de l’improvisation. C’est le cas pour la Valse de l’adieu op. 69 n° 1 qui évoque le souvenir poignant de l’amour douloureux et de la rupture avec Maria Wodzinska, pour la Grande valse brillante op. 34 n° 4 et son lyrisme passionné, pour la sautillante Valse du petit chien op. 64 n° 1, qui dépasse l’anecdote pour se nourrir d’une impulsion toute de légèreté, ou pour l’opus 70 n° 2, posthume, pleine d’une nostalgie chantante, une pièce pour laquelle Chopin avait, paraît-il, une prédilection particulière.

Ces exemples, choisis à dessein au sein de ce récital qui se développe dans la gradation de 17 numéros d’opus, publiés du vivant de Chopin ou posthumes, pourraient aussi bien être remplacés par d’autres pour souligner à quel point Tristan Pfaff attache de l’importance au contenu unitaire tout en l’insérant dans une démarche globale construite à la fois sur l’élégance et le brio, la saveur pétillante et la grâce mélodique, l’impulsion et la retenue. On écoute ce récital avec un vif plaisir, on salue l’investissement de l’artiste, on savoure le toucher subtil et la maîtrise technique. Un album qui ne cède jamais à la facilité, ni au sentimentalisme, qui, selon la juste remarque de Xavier Vezzoli, auteur d’un ouvrage sur la relation entre Chopin et George Sand (Editions Robert Martin, 2020), trahit le maintien aristocratique dont est pétrie l’œuvre du musicien polonais. La densité et la séduction de la seule Valse op.70 n° 1 est là pour attester de cette prise en considération. La version de Tristan Pfaff est à installer sur le premier rayon réservé aux interprètes des Valses de Chopin. 

Son : 10  Notice : 9  Répertoire : 10  Interprétation : 10   

Jean Lacroix

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