Un Bruckner informe et sans saveur

par

Anton BRUCKNER (1824-1896)
Symphonie n° 7
Orchestre du Festival de Budapest, dir.: Ivan FISCHER
2014-DDD-56'45-Textes de présentation en français, anglais et allemand-Channel Classics 33714
Suis-je habilité à parler de ce disque? Les admirateurs de Ivan Fischer sont légion. A chaque nouvelle parution, les dithyrambes affluent, les superlatifs s'accumulent en rangs serrés. Pour ma part, pourtant, je n'ai jamais ressenti, à chacun des ses disques et concerts, guère plus qu'un ennui profond, ponctué d'un malaise insistant face à tant de maniérisme, d'ostentation, de manque de simplicité. Ses Mahler étaient déjà inutilement sophistiqués et sirupeux. Le même scénario se reproduit ici: tout est mou, flasque, informe, pâteux, poussif, alangui, sans ligne conductrice, timide à l'excès, lisse. Ce qui me semble certain, c'est que Bruckner en aurait sûrement pleuré pendant des semaines et aurait essayé de noyer son chagrin dans les jupes de l'une de ces trop jeunes personnes qu'il courtisait assidûment sans se soucier du qu'en-dira-t-on. Circonstance aggravante: l'orchestre du festival de Budapest a toujours été médiocre de son, de virtuosité, de cohésion, de symbiose entre pupitres. Et ce ne sont pas les prises de son avantageuses dont il a toujours bénéficié qui peuvent sauver longtemps la mise. La performance est pire encore cette fois-ci, si possible: à l'évidence, le monde du compositeur de la symphonie « Romantique » est totalement étranger à ces musiciens; la trop longue fréquentation de l'univers antinomique de Mahler serait-elle en partie responsable de cet état de choses? Mais qu'ont en tête les éditeurs? L'amnésie a-t-elle fait tant de ravages que personne, désormais, ne se souvient plus de la dimension tellurique d'une oeuvre de cette envergure, celle qu'ont ancrée dans notre caboche les Furtwängler, Jochum, Wand, voire même un Karajan, pourtant très contestable dans ce répertoire mais qui, tout au moins, possédait une chose dont on ne trouve pas la moindre trace ici: la classe? Ce disque est représentatif de notre époque, qui semble sonner le glas de l'interprétation qui fait vibrer, de celles où les musiciens rendent sang et tripes. Tant qu'à produire une telle désolation, pourquoi ne pas plutôt s'aventurer en des territoires encore largement inexplorés? Il existe de nombreux compositeurs contemporains de Bruckner qui sont toujours restés dans l'ombre, dont la musique est loin d'être inintéressante mais plus accessible à tous points de vue et qui souffrirait bien moins de la médiocrité de nos maestros d'aujourd'hui.
Bernard Postiau

Son 9 - Livret 8 - Répertoire 10 - Interprétation 3

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