Un Orfeo somptueux au Namur Concert Hall
Ce vendredi 14 avril a lieu la représentation de l’Orfeo de Claudio Monteverdi au Namur Concert Hall. Leonardo García Alarcón et son ensemble Cappella Mediterranea retrouvent le Chœur de chambre de Namur pour interpréter une fois de plus ce tube de la musique baroque ensemble.
C’est en version de concert que nous est proposé cette œuvre.
Le concert commence en fanfare avec la Toccata jouée trois fois. Après cette mise en bouche festive place au Prologue. Dans ce prologue, Mariana Flores fait son apparition dans le rôle de La Musique. Elle annonce avec passion la fable d’Orphée qui va suivre ainsi que les effets de la musique sur le cœur.
Durant les cinq actes que composent cet opéra, solistes, choristes et musiciens vont unir leur force pour nous proposer une somptueuse soirée musicale. Tout d’abord parlons de ce casting flamboyant de solistes. Le rôle-titre, Orphée, est interprété par le talentueux Valerio Contaldo. Il se démarque avec ses airs brillamment exécutés, particulièrement dans les actes un, trois et cinq. Dans le premier acte, il déclare amoureusement sa flamme à Eurydice. Dans le troisième acte, nous le retrouvons avec un ton conquérant et désespéré à la fois, prêt à tout sacrifier pour ramener sa bien-aimée à la vie. Un sublime duo entre Orphée et la harpiste Marie Tournaisien a lieu dans cette partie de l’œuvre. Dans le dernier acte, il chante sa douleur éternelle avec une sensibilité touchante. Mariana Flores, en plus du rôle de La Musique, interprète Eurydice. Après avoir montré ses qualités vocales en muse d’Orphée, nous la retrouvons dans le quatrième acte lorsque qu’Orphée vient la chercher en enfer. Malheureusement ce dernier, en se retournant, perd définitivement sa dulcinée. Mariana Flores nous offre donc un moment poignant lorsqu’Eurydice fait ses adieux.
Dans cet opéra, il n’y a pas de petits rôles. Chacun a son rôle a jouer dans l’histoire. Nous retrouvons donc Guiseppina Bridelli dans le rôle de La Messagère. Elle annonce d’une voix pure et solennelle la mort d’Eurydice à Orphée. Dans le troisième acte, Charon, interprété par Salvo Vitale, nous gratifie d’un solo au timbre chaud. Comme espéré, il clôture son solo avec cette note grave et profonde tant attendue. Anna Reinhold, tour à tour dans les rôles de l’Espérance et de Proserpine, nous charme particulièrement dans le rôle de la femme de Pluton lorsqu’elle le supplie de laisser Orphée ramener Eurydice parmi les vivants. Pluton, interprété par Alejandro Meerapfel, nous montre plusieurs facettes dans sa voix en fonction de ses sentiments. Il est tantôt attendri par les paroles de son épouse, tantôt nostalgique et pour finir en colère parce qu’Orphée n’a pas respecté leur marché. Alessandro Giangrande, dans le double rôle d’un berger et d’Apollon, se démarque particulièrement dans le deuxième rôle, lorsqu’en duo avec Valerio Contaldo, ils font d’impressionnantes vocalises avec des ornements virtuoses. Avec un timbre plus clair, Nicholas Scott interprète de manière inspirée un berger, un esprit et un écho. Estelle Lefort, dans le rôle de La Nymphe, chante avec clarté ses répliques tout comme Matteo Bellotto dans le rôle d’un berger et Philippe Favette dans le rôle du deuxième Esprit. Le dernier soliste du soir est Leandro Marziotte. Il joue très bien son rôle de berger mais il arrive parfois que sa voix manque quelque peu de projection.
Tout ces solistes sont merveilleusement soutenus par les musiciens de Cappella Mediterranea. Cet ensemble est composé de musiciens mettant leur talent au profit de la musique. Chaque individualité participe grandement au son d’ensemble. Ce dernier sait se montrer discret et plus tranquille dans les moments plus solennels par exemple mais il sait aussi faire preuve d’une énergie communicative dans les moments les plus joyeux. De son côté, le Chœur de chambre de Namur fait preuve de cohésion et de justesse dans l'interprétation de ses différentes interventions. Le ton est joyeusement donné dès le premier chœur des nymphes et des bergers.
C’est une version de concert animée que nous propose les artistes. Nous sommes loin des versions de concert où tous les chanteurs chantent avec leurs partitions et sont statiques. Ici, rien de tout cela. Solistes et choristes chantent tout par cœur, ce qui leur confère une plus grande liberté. Bien qu’il n’y a pas de mise en scène à proprement dit, une mise en espace est tout de même effectuée. Cela dynamise encore plus cette représentation. En effet, le première intervention du chœur a lieu dans les deux allées le long du parterre. Par la suite, nous retrouvons des musiciens et chanteurs sur le balcon, dans les coulisses, dans le parterre ou encore devant la scène. Nous aurons même droit à une danse spectaculairement enjouée du premier violoniste Yves Ytier. Le seul petit bémol de cette mise en espace se trouve dans le troisième acte. En effet, Anna Reinhold (Espérance) et Salvo Vitale (Charon) chantent leur solo depuis le balcon. Mais sur scène, le régal représentant les Enfers prend de la place et c’est normal puisque c’est demandé par Monteverdi lui-même. Mais peut-être aurait-il fallu mettre les deux chanteurs sur les côtés de la scène afin de les entendre parfaitement.
L’opéra se clôture en beauté avec le chœur des bergers saluant l’ascension d’Orphée au ciel. Solistes et choristes sont tous réunis pour chanter ce dernier chœur. Mariana Flores s’empare même du tambourin pour agrémenter ces derniers moments musicaux tout en faisant quelques pas de danse.
Leonardo García Alarcón est le pilier de cette représentation. Par sa direction inspirée, il sait tirer le meilleurs de tous les artistes. Il connait sa partition sur le bout des doigts et livre une version dynamique, subtile tout en cherchant une grande palette de nuances et de caractères différents.
Le public, venu en nombre puisque la salle est comble, acclame vivement et longuement les artistes. Une standing ovation leur est presque immédiatement réservée et c’est amplement mérité.
Namur, Namur Concert Hall, 14 avril 2023
Thimothée Grandjean, Reporter de l’IMEP
Crédits photographiques : DR