Un version simple et équilibrée de la Messa di Gloria
Giacomo Puccini (1858-1924) : Messa a quattro voci con orchestra SC6 ; Scherzo per archi SC 56 ; Capriccio sinfonico SC 55 ; Crisantemi. Elegia per quartetto d'archi SC 65. Charles Castronovo, ténor ; Ludovic Tézier, baryton ; Orféo Català ; Orchestre philharmonique de Luxembourg, Gustavo Gimeno. 2023-69’18- présentation et textes en français, anglais, allemand, latin-chanté en latin. Harmonia Mundi HMM 905367
Cheval de bataille des chœurs amateurs, cette Messa di Gloria ou, plus exactement, Messe à quatre voix et orchestre n’a pas été conçue comme telle. Néanmoins, la réunion des cinq parties, Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus et Agnus Dei, permet d’apprécier la maîtrise et la maturité du jeune Giacomo.
Descendant d’une lignée de maîtres de chapelle à la Cathédrale de Lucques, son catalogue sacré s’avère finalement modeste ; il est vrai aussi que cette partition contient l’ébauche des opéras à venir (Manon Lescaut entre autres). Mais son attrait va au-delà.
Car une forme de ferveur, particulière à l’Italie, s’y exprime également. Quoique souvent négligée, elle contribue à l’éclat, au charme et à la saveur de ces pages religieuses.
Rebelle à la Réforme, à l’épure nordique, les sentiments y débordent comme un fleuve en crue. La digue de la bienséance cède, à l’exemple des cryptes palermitaines, de l’exubérance architecturale des églises ou encore de rites populaires parfois très démonstratifs.
Alors, pages clinquantes ? Peut-être. D’une piété de façade ? Qui sait ? D’une puissante beauté ? Certainement. Cet enregistrement en apporte la preuve éclatante.
Les solos sont sertis dans une texture orchestrale et chorale qui alterne majesté et paysages célestes où les voix masculines se font archanges de douceur. (Credo « visibilium omnium et invisibilium » puis « lumen di lumine »).
Si le timbre du ténor dans l’Et incarnatus semble un peu feutré, les lames noires du Crucifixus obéissent à un sens des proportions aussi moderne que grandiose. Les interventions des cordes et trompettes, l’instrumentation éloquente dont Ravel admirait le dosage, conduisent jusqu’à un Sanctus recueilli avant le duo de l’Agnus où les voix de Charles Castronovo (ténor) et Ludovic Tézier (baryton) s’accordent parfaitement -sonorités mates ; sobre conclusion : Pacem, « tout est dit ».
L’Orchestre Philharmonique du Luxembourg et l’Orféo Català, sous la direction aussi subtile qu’engagée de Gustavo Gimeno, font vivre cette fresque aux dynamiques contrastées, avec souplesse, nuances et générosité.
Qualités mises en œuvre également dans le Scherzo per archi d’humeur pastorale qui figure à la suite du programme. La partition date de l’entrée du musicien au Conservatoire de Milan. Plus tardive, Crisantemi, élégie pour quatuor à cordes, fut composée afin d’honorer la mémoire d’Amédée de Savoie (décédé le 18 janvier 1890).
Le Capriccio sinfonico (1883) conclut cet enregistrement. Il dépasse de loin les proportions d’un travail de conservatoire. Ce vaste poème symphonique séduit d’emblée par ses tensions internes comme par ses coloris affirmés.
Une ligne mélodique se dégage doucement, enjôleuse et vulnérable, tel le chant d’Orphée face aux bêtes sauvages. Elle résiste, s’évade puis s’éteint dans le lointain des paradis perdus -beauté brisée de ce qui fut et ne sera jamais plus. Au-delà du fracas final des cuivres, on croit déjà deviner le discours fluide et simple où bat le cœur de Cio-Cio-San.
Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10
Bénédicte Palaux Simonnet