Un « work in progress » devenu un « classique »…

par

© Luc Hossepied

« Répons » de Pierre Boulez à la Philharmonie de Paris
Devant une salle comble et enthousiaste, brassant des générations diverses, l’Ensemble Intercontemporain dirigé par le compositeur Matthias Pintscher a donné jeudi 11 juin 2015 une version de référence de l’oeuvre majeure de Pierre Boulez : « Répons ».
Cette partition de huit sections enchaînées dédiée à Alfred Schlee, créée en 1981 à Donaueschingen, est une synthèse des recherches de Pierre Boulez sur la confrontation des matériaux instrumentaux et électroacoustiques. Elle est conçue pour six solistes spatialisés, un ensemble de 24 musiciens placé au centre de l’espace, des sons électroniques et un dispositif électronique en temps réel : cette formation bénéficie de l’acoustique exceptionnelle de la toute nouvelle salle de la Philharmonie de Paris et la met particulèrement en valeur.
Le chef équilibre avec précision et dynamisme ces différentes sources sonores, alternant direction « classique » pour les tempi contrôlés de l’ensemble et « gestuelle globale » pour les tempi relatifs des solistes. Ceux-ci méritent d’être cités pour leur virtuosité et la subtilité de leurs interventions : Gilles Durot, xylophone, Frédérique Cambreling, harpe, Samuel Favre, vibraphone, Hidéki Nagano, piano, Sébastien Vichard, piano et Luigi Gaggero, cymbalum. Dans l’ombre, au pied de la scène, l’équipe de l’Ircam coordonnée par Andrew Gerzo et Gilbert Nouno maîtrise une régie informatique désormais légère en matériel mais d’une efficacité sonore poétique et séduisante.
Cette oeuvre, emblématique des années '80, peut être considérée aujourd’hui comme un « classique » non seulement du XXème siècle mais de l’histoire de la musique en général : l’interprétation de Pintscher la place au coeur d’un vaste mouvement créatif donnant désormais à la machine informatique sa juste place au côtédes instruments de l’orchestre.
En ouverture de programme, le percussionniste Victor Hanna proposait, en présence du compositeur, une oeuvre de Michael Jarell, « Assonance VII »: son jeu tout en finesse donnait à ces « décors changeants » une rare délicatesse. L’ensemble Intercontemporain jouait ensuite « Mouvement ( - vor der Erstarrung) »d’Helmut Lachenmann; quasi contemporaine de « Répons », cette oeuvre radicale nécessite de la part des instrumentistes des modes de jeux inventifs et impose au public d’oublier certaines habitudes d’écoute. Là-aussi les interprètes ont su captiver l’attention des auditeurs les conduisant du silence, des grincements et des souffles à une polyphonie instrumentale virtuose et expressive. Un soirée en tous points magnifique.
Michel Boëdec
Paris, le Phlharmonie, le 11 juin 2015

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