Una commedia per musica :  Le Nozze di Figaro à Liège

par hiv nigerian dating website

Quel bonheur de conclure une saison lyrique par un Mozart toujours aussi enchanteur, quel bonheur de s’abandonner aux péripéties d’une comédie dont les apparences de légèreté n’empêchent pas quelques réflexions bienvenues, quel bonheur que ces voix-là.

La comédie est, originellement, celle de Beaumarchais dont « Le Mariage de Figaro », créé en 1784, complétait son « Barbier de Séville », créé lui en 1775. Dans cette première pièce, Figaro, le factotum, l’homme à vraiment tout faire, s’opposant à la conjuration des barbons, favorisait les amours du Comte Almaviva et de la belle Rosine. A l’époque, c’est Giovanni Paisiello qui s’en empare et en fait un opéra créé le 6 septembre 1782 à Saint-Pétersbourg. Il faudra attendre le 20 février 1816 pour découvrir à Rome la version de Rossini, celle qui va s’imposer urbi et orbi.

Mozart, avec la collaboration, dont on sait l’efficacité « librettiste », de Lorenzo da Ponte, jette son dévolu sur le deuxième volet du diptyque qui, « Mariage » initialement, devient « Noces ». Au théâtre comme à l’opéra, à Paris comme à Vienne, la création ne fut pas facile dans la mesure où, avec l’effet multiplicateur de l’humour, l’oeuvre s’en prenait à certaines façons d’être et de faire de la noblesse. 

En effet, Monsieur le Comte s’est un peu fatigué de sa Comtesse de Rosine et le voilà qui aimerait batifoler avec Suzanne, la suivante de celle-ci… mais qui est surtout la promise de Figaro. Pour compliquer le jeu, on va faire intervenir un petit jeune homme au joli nom de Chérubin, désespérément amoureux tous azimuts, et qui est toujours là où il ne devrait pas être. Les barbons du « Barbier » s’en mêlent aussi, assoiffés de vengeance, sans oublier un jardinier ivre dès la fine pointe du jour. Cette « folle journée », c’est le sous-titre de l’œuvre, se conclura après de multiples imbroglios, quiproquos et retrouvailles inattendues (« ma mère, mon père » !). Voilà de quoi nourrir une belle mécanique comique. 

A Liège, c’est elle que Jean-Romain Vesperini privilégie dans sa mise en scène. On est là pour rire ! On n’est pas là pour de conceptuelles interpellations. Réjouissons-nous. La scénographie sur plateaux tournants de Bruno de Lavenère révèle successivement les lieux des protagonistes, des lieux typiques de leur rang et de leur personnalité : austère écrasant pour le Comte, raffiné délicat pour la Comtesse, « de service » pour Suzanne et Figaro. Cela tourne, cela se dissocie, permettant ainsi l’apparition de lieux intermédiaires bien utiles pour les conjurations en tous genres. Vesperini a pas mal travaillé l’expression corporelle de ses chanteurs et des choeurs, dont les gestes et les attitudes, parfois conjugués, soulignent ce qu’ils vivent et pensent. C’est significatif, c’est drôle et souvent bienvenu. Mais un des problèmes de ces plateaux tournants est qu’ils ralentissent les transitions ou confinent les chœurs par exemple, coincés-entassés à gauche notamment lors d’un épisode. 

Mais par-dessus tout, ce qui ravit évidemment, c’est la façon dont la musique de Mozart illustre, enrichit, transcende le matériau de la comédie. Il qualifiait d’ailleurs ses « Noces » de « commedia per musica ». En fait, ce n’est pas dans les mots, ce n’est pas dans les rebondissements de l’intrigue, ce n’est pas dans le choix de mise en scène que résident les arrière-plans significatifs de l’œuvre, mais dans la musique ! Subtil Mozart : la censure ne peut atteindre celle-ci, qui en dit tant et tant sur les situations, les états d’âme, les abus, les rêves, les frustrations, les contraintes. 

Les interprètes sont parfaitement en phase avec cette lecture : s’ils sont typiques de leurs personnages dans leurs apparences et dans leur jeu scénique, leur chant, fidèle aux intentions de Mozart, laisse à en entendre bien davantage sur les réalités sous-jacentes, humaines ou sociales, de ce monde-là. 

Et il nous faut les saluer toutes et tous : Mario Cassi-Almaviva, Irina Lungu-la Comtesse, Enkeleda Kamani-Susanna, Biagio Pizzuti-Figaro, Chiara Tirotta-Cherubino, Aurore Daubrun-Marcellina, Francesco Leone-Bartolo/Antonio, Lorenzo Martelli-Don Curzio/Basilio, Gwendoline Blondeel-Barberina. Avec l’orchestre et les chœurs de l’Opéra sous la baguette de Leonardo Sini, au-delà de la comédie et de ses sous-entendus, ils nous ont donné à vivre aussi et si intensément la magie perpétuée de la musique de Mozart. Qu’ils en soient remerciés !

Liège, Opera Royal  20 juin 2025

Crédits photographiques : J.Berger

1 commentaires

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.