Une « Pathétique » dépoussiérée pour Philippe Jordan

par

Pyotr Ilyich Tchaikovsky (1840-1893) : Symphonie n°6 en si mineur op. 74 « Pathétique »
Wiener Symphonker, dir.: Philippe Jordan
2014-DDD-46’28-textes de présentation en anglais et allemand-Wiener Symphoniker WS 006

Pour son premier enregistrement à la tête du Wiener Symphoniker, Philippe Jordan s’aventure dans un répertoire qu’on ne lui connaît pas familier, la musique de Tchaïkovski. Et curieusement, on apprend dans l’excellente brochure que la première collaboration de l’orchestre avec la Sixième Symphonie de Tchaïkovski date de 1903 avec le chef d’orchestre russe, Vasily Safonov. Depuis lors se sont succédées plus de 280 exécutions de l’œuvre sous les baguettes prestigieuses de Seiji Ozawa, Hans Knapperbusch, Otto Klemperer, Karl Böhm, Sergiu Celibidache, Herbert von Karajan, Carlo Maria Giulini, Georges Prêtre… De loin l’une des plus populaires, la Symphonie pathétique est créée à Saint-Pétersbourg le 16 octobre 1893, sous la direction du compositeur. Dotée d’un programme « profondément subjectif », que l’auditeur devait deviner, l’œuvre se projette en seulement quelques jours. Elle est dédiée à son neveu Vladimir Davydov et Tchaïkovski est particulièrement satisfait de son œuvre où il innove dans la forme et dans le style. Mais serait-ce, comme beaucoup se sont plû à le dire, un requiem autobiographique résultant du scandale dans sa vie privée ? Quoi qu’il en soit, Philippe Jordan empoigne la partition avec assurance et précision. Les quatre mouvements reprennent leurs dynamiques tandis que le chef tente de rendre l’exécution plus claire et plus éclairée des interprétations du passé. Si certains passages se veulent plus sérieux, aucune nervosité, aucune tension ne viennent perturber ce langage riche. Jordan explore avant tout les nombreuses couleurs des différents pupitres et de leurs registres, très naturellement. Il met en exergue un dialogue conséquent entre les vents et les cordes, rendant le tout homogène. Comme au concert, la baguette de Jordan est dynamique, pas agitée, et expressive. Il suffit d’écouter les transitions entre cellules ou l’aboutissement des fins de phrases. Rien n’est laissé au hasard et l’orchestre suit attentivement les gestes de son chef. Les tempi choisis sont plutôt modérés, offrant une continuité et une linéarité exemplaires. Ce n’est pas une symphonie typiquement romantique voire éloquente que proposent les musiciens mais plutôt une longue ligne musicale qui se veut avant tout personnelle et évocatrice d’un aspect funèbre et dramatique. Loin d’une interprétation purement démonstrative, Philippe Jordan montre qu’il est l’homme de la situation et qu’aucun répertoire ne lui résiste. Accompagné d’une excellente brochure, l’enregistrement vient s’ajouter à une série de CD historiques mise en route par le Wiener Symphoniker, un label en devenir.
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10

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