Yo-Yo Ma et Renaud Capuçon, Schumann et Beethoven

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Pour quatre concerts donnés au Théâtre de Beaulieu à Lausanne, au Victoria Hall de Genève, au Rosey Concert Hall de Rolle et aux Sommets Musicaux de Gstaad entre le 28 et le 31 janvier, l’Orchestre de Chambre de Lausanne invite le grand violoncelliste Yo-Yo Ma que l’on entend rarement en Suisse. Sous la direction de Renaud Capuçon, il se fait l’interprète du Concerto en la mineur op. 129 de Robert Schumann. Dès les premières mesures, il attire l’auditeur dans son monde intérieur tout en nuances délicates, tirant expression de chaque trait virtuose, suggérant l’accentuation à un canevas orchestral quelque peu brouillon que la baguette du chef tente d’assouplir pour accompagner décemment le soliste. Dans un phrasé d’une rare intelligence, Yo-Yo Ma ose le coup d’archet agressif qu’il atténue ensuite par d’imperceptibles pianissimi, produisant dans le Langsam médian, un oasis de sérénité qui lui permet d’élaborer un éloquent duo avec le premier violoncelle de l’orchestre. Une transition impérieuse amène le Sehr lebhaft conclusif pris à un tempo di marcia qui concède au soliste de radieuses envolées sur d’épineux passaggi débouchant sur une cadenza corsée suivie d’une éclatante coda conclusive. Devant l’enthousiasme du public, Yo-Yo Ma rejoint le quatuor des violoncelles pour présenter une transcription de la mélodie de Gabriel Fauré, Après un rêve, dont il distille le charme mélodique. Puis il finit par emprunter au deuxième violoncelliste son instrument pour tirer un dernier coup de chapeau avec le Prélude de la Première Suite de Bach au phrasé si original. Quel grand artiste !

En seconde partie, Renaud Capuçon s’attaque à l’un des monuments du répertoire, la Troisième Symphonie en mi bémol majeur op.55 dite ‘Héroïque’ de Beethoven. Combien de solistes de renom ont-ils voulu un jour s’emparer de la baguette, sans convaincre réellement ?  C’est bien l’impression que produit sa direction qui, dans l’Allegro con brio initial, impose à sa quarantaine de musiciens un tempo extrêmement rapide en privilégiant les accents au détriment du souffle tragique, la nervosité du trait à défaut d’une consistance de la sonorité d’ensemble. Mais au moins, il s’ingénie à contraster les éclairages en opposant les pianissimi les plus ténus à de solides tutti. La Marcia funebre reste à la surface du propos par cette avancée des cordes filandreuses dominée par le legato des bois sans cette profondeur tragique que lui insufflait un Victor de Sabata ou un Furtwängler. De l’inquiétant murmure des cordes émerge le Scherzo véloce pris au pas de charge que ralentira le Trio par l’intervention des cors brillamment unis. Le Final se veut cinglant par la précision des traits de cordes entraînant dans leur sillage de péremptoires tutti avant de conclure par un Presto en fanfare.

A l’issue du concert, l’auditeur ne peut s’empêcher de préférer la première partie pour l’exceptionnelle prestation de Yo-Yo Ma.

Genève, Victoria Hall, 29 janvier 2025

Crédits photographiques : Jason Bell

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