À Angers, les 1001 nuits de l’ONPL
Chef principal de l’Orchestre Philharmonique de Liverpool et directeur musical de l’Opéra de Los Angeles à partir de la saison prochaine, le chef d’orchestre vénézuélien Domingo Hindoyan a fait une halte très remarquée cette semaine à Angers et à Nantes pour le dernier concert de la saison de l’Orchestre National des Pays de la Loire dans un programme propre à exalter sons sens du rythme et de la couleur.
Ce qui frappe d’emblée à la sortie de ce concert exceptionnel, c’est la capacité qu’ont certains chefs à modifier considérablement le profil sonore d’un orchestre en quelques répétitions seulement. Sous la baguette chaleureuse, convaincante et précise de Domingo Hindoyan, l’ONPL a acquis une profondeur insoupçonnée du pupitre des cordes, avec un sens du legato idéal et une puissance décuplée pour la totalité de l’orchestre.
La soirée a démarré sur les chapeaux de roues avec Fandangos, une pièce du compositeur portoricain Roberto Sierra résultant d’une commande de l’Orchestre Symphonique de Washington qui l’a créée en 2001. Sierra s’est, en quelque sorte, emparé du célèbre Fandango du Padre Antonio Soler pour lui tailler un habit propre aux grandes formations symphoniques d’aujourd’hui en mêlant assez habilement les rythmes populaires avec des clusters proches des séquences aléatoires fréquemment utilisées en Europe dans la musique des années 1970, le tout culminant dans une sorte d’accumulation instrumentale frénétique faisant penser à la fin du Boléro de Ravel. Une entrée en matière royale pour Domingo Hindoyan qui a bâti une puissance grandiose à la tête d’un ONPL visiblement conquis par son hôte.
On se demandait ce que pouvait bien faire le magistral Gloria de Francis Poulenc au milieu de ce programme après un tel déferlement sonore et avant la magie instrumentale de Rimski-Korsakov attendue en seconde partie. Menée tambour-battant par un Domingo Hindoyan survolté, l’oeuvre chorale de Poulenc sonnait d’une manière particulièrement frappante grâce à la participation du Chœur de l’ONPL magnifiquement préparé par Valérie Fayet. Par sa direction enjouée et son sens des demi-teintes, le chef a bien montré combien la vision mystique de Poulenc était finalement proche du monde profane et joyeux qui était celui de sa jeunesse baignée par la musique des Ballets russes. La puissance vocale des interventions de la soprano Melody Louledjian était en parfaite cohérence avec la volonté du compositeur qui souhaitait de grandes voix opératiques pour chanter sa musique.
Changement de décor total en seconde partie avec une somptueuse interprétation de la Schéhérazade de Nicolaï Rimski-Korsakov au cours de laquelle l’ONPL a ouvert sans aucune retenue toutes ses vannes expressives. Constamment sollicité par son chef, l’orchestre a déployé une puissance sonore inouïe pour dessiner un Orient de rêve dont les différentes péripéties sont commentées par le violon solo. Soulignons à cet égard le jeu raffiné de Matthieu Handtschoewercker, supersoliste de l’ONPL, dont la puissance sonore du violon conçu pour lui par le luthier Jacques Fustier, l’exactitude du staccato et l’expression romantique ont servi à merveille la musique si évocatrice du compositeur russe. Dans cette oeuvre qui, de toute évidence, a servi de matrice à Stravinski pour l’Oiseau de feu comme à Ravel pour Daphnis et Chloé, tous les solistes de l’orchestre se sont distingués dans cette partition qui est un véritable traité d’orchestration : la harpe, l’alto, le violoncelle, la flûte, le hautbois, la clarinette et le basson, sans parler des cuivres et d’une percussion colorée réunie autour d’un timbalier particulièrement en verve.
C’est à un véritable festin sonore que le public était convié pour le dernier concert d’une saison 2024/2025 particulièrement réussie.
Angers – Centre des congrès 17 juin 2025
François Hudry
Crédits photographiques : John Millars