A distance, intertwined : le shakuhachi pour entremêler les cultures

par

A distance, intertwined. Takuma Itoh (1984-), Chad Cannon (1985-), Kojiro Umezaki (1968-), SunYoung Park (1971-), Angel Lam ; Kojiro Umezaki, Hub New Music. 44’05" – 2024 – Livret : anglais. In A Circle Records. ICR032. 

Le disque s’articule autour du shakuhachi, flûte japonaise (d'origine chinoise), en bambou et à cinq trous, plus souvent à sa place dans la musique traditionnelle, ici aux mains de Kojiro Umezaki (instrumentiste au Silkroad Ensemble), secondé par les flûte, clarinette, violon et violoncelle du Hub New Music : le projet, initié avec des compositeurs du Asia-America New Music Institute, ambitionne de rapprocher les deux cultures et assemble cinq pièces aux contours variés, sous un titre, a distance, intertwined, à l’origine poétique -deux arbres sempervirents, pourtant à distance l’un de l’autre d’une journée de voyage, entrelacent leurs racines et forment un couple, indéfectible et à forme humaine.

Œuvre la plus convaincante de cet album qui vogue entre musiques traditionnelle et moderne, entre cultures occidentale et asiatique, Faded Aura de Takuma Itoh -né au Japon, il y passe sa petite enfance avant de migrer vers la Californie du Nord- dessine, au travers d’un jeu subtil de réfractions sonores, une aura de mystère dans laquelle on se laisse volontiers prendre ; Death Masks de Chad Cannon (Salt Lake City, un compositeur de musique à l’image féru de croisements de genres), convoque, d’abord avec une sérénité apaisante, ensuite avec un emballement inquiétant, ces masques funéraires en plâtre destinés à rappeler le mort à ses vivants.

Dans Moonlight de SunYoung Park, le ton est à la fois grave et empreint de légèreté : directement inspirée du traditionnel (japonais, quoique la compositrice provienne de Corée du Sud) Conte du coupeur de bambou, l’histoire est celle de la princesse Kaguya, qui tente de quitter le monde terrestre de ses parents adoptifs pour rejoindre celui, céleste, de son peuple -le shakuhachi est la jeune femme, le quatuor représente les terriens opposés à son départ ; forte de son double bagage, classique et folklorique, Angel Lam (américaine, elle compose et pratique d’anciennes cithares chinoises) est la voix qui raconte, dans Whispers of Sea Rivers, en trois mouvements de facture convenue (le dernier, primesautier, est moins alourdi par la narration), un voyage vers le « port parfumé ».

Enfin, avec Tied Together by Twilight, Kojiro Umezaki -l’instrumentiste, mais donc aussi compositeur, grandit à Tokyo, entre un père japonais et une mère danoise- pousse un pas plus loin, avec doigté, les contrastes, musicaux et culturels au centre du projet : comme avant lui Makoto Shinkai dans son film Your Name, il plonge son crayon dans les années 1960, décade de progression économique et culturelle accélérée au Japon et, au long d’une suite de petits pas balancés, évoque les hiatus entre ville et campagne, modernité et tradition, jeunes et anciens…

Son : 8 – Livret : 7 – Répertoire : 6 – Interprétation : 7

Chronique réalisée sur base de l'édition digitale.

Bernard Vincken

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