A Genève, la rencontre Mark Elder- Renaud Capuçon

par
Elder

Mark Elder D.R.

Dans le cadre de sa saison, l’Orchestre de la Suisse Romande donne parfois un concert extraordinaire parrainé par un sponsor. Ce fut le cas le 7 mars avec la venue de Sir Mark Elder qui s’est fait un nom en tant que directeur musical de l’English National Opera durant un quart de siècle avant de prendre en main, depuis 2000, les destinées du célèbre Orchestre de Hallé.

A l’instar de Jonathan Nott lors d’un récent concert, il met en parallèle une valse de Johann Strauss jr et une œuvre imposante de Richard Strauss. Du premier cité, il choisit la page aujourd’hui la plus célèbre, An der schönen blauen Donau op. 314. Comme si l’on avait affaire à une estampe un peu délavée, il saisit les premières mesures pour ébaucher une toile de fond d’où prend forme la valse proprement dite ; le tempo plutôt retenu permet un ritenuto sur toute émergence d’un nouveau segment mélodique dont la baguette s’ingénie à mettre en valeur les nuances d’expression. L’opus 30 de Richard Strauss, Also sprach Zarathustra, nous plonge dans un tout autre univers. A la célèbre Introduction qui émoustille le public jeune en lui rappelant 2001 Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, répond un son d’orgue quelque peu poussif, vite résorbé par le dessin précis façonné par les bassons et les cordes graves dont le chef suscite l’effervescence passionnée. Le glissando des harpes entraîne un agitato où le propos conserve une transparence de texture notoire, même si, par moments, affleure le manque de cohésion du pupitre des premiers violons ou la raideur d’un tutti abordé de plein fouet. Mais l’appel de la trompette, suivi du hautbois et du cor anglais, ramène une saveur viennoise que distillent le violoncelle puis le violon solo imposant peu à peu une lumière rassérénée.
En milieu de programme intervient en soliste le violoniste Renaud Capuçon, interprète d’exception de la Symphonie espagnole d'Edouard Lalo. Ayant acquis, au fil des années, une sonorité beaucoup plus grande, il profite du ton impérieux suggéré par le canevas orchestral pour développer une ligne de chant royale qui se veut pittoresque tout en se parant des fulgurances d’une jota sauvage. L’Intermezzo joue sur les demi-teintes d’une mauresque qu’estompe un Andante en forme de choral, nimbé de relents wagnériens, alors que le Finale tient du prestissimo endiablé où tout trait maintient une ahurissante précision. En hommage à Jérôme Capeille, le premier hautbois de l’OSR disparu tragiquement à l’âge de 56 ans, Renaud Capuçon n’est plus qu’émotion pure dans la Mélodie d’Orphée, tandis que l’orchestre présente Pour l’Egyptienne l’une des Epigraphes antiques de Claude Debussy orchestrée par Ernest Ansermet.
Pour conclure, une remarque : lorsqu’une grande banque suisse finance une soirée exceptionnelle et invite une clientèle qui ne va jamais au concert, ne peut-elle pas glisser dans le programme un encart stipulant que ne sont pas de mise les applaudissements intempestifs après un fortissimo de Zarathustra ou après chaque mouvement du Lalo ? « Tutto declina », comme l’affirmait un certain Falstaff !
Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, le 7 mars 2018

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