A Genève, un concert OSR pour la Journée des Nations Unies 

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Au cours de chaque saison, la Journée des Nations Unies s’achève par un concert. Le lundi 24 octobre, il est donné au Victoria Hall par l’Orchestre de la Suisse Romande dirigé par Tomáš Netopil, premier chef invité de l'Orchestre philharmonique tchèque de Prague et directeur artistique du Festival Leoš Janáček de Brno ; et c’est lui qui assume actuellement les représentations de Katya Kabanova au Grand-Théâtre de Genève.

Le programme commence par Liebesgruss (Salut d’Amour), une pièce pour violon et piano écrite en juillet 1888 par sir Edward Elgar pour son épouse, Caroline Alice. Orchestrée, cette page de trois minutes devrait constituer ici un hommage à toutes les victimes de conflits dans le monde ; mais elle ne peut se départir de ce sentimentalisme vaporeux qui la relègue dans la catégorie des bluettes de salon… 

Intervient ensuite la violoniste Viktoria Mullova, artiste en résidence de la saison, qui avait commencé sa formation à Moscou auprès de David Oistrakh, dédicataire du Premier Concerto pour violon et orchestre en la mineur op.77 de Dmitri Chostakovitch, et qui en assura la création à Leningrad le 29 octobre 1955. La direction de Tomáš Netopil enveloppe le Nocturne initial d’un pianissimo sans aspérité dont le solo tire des accents déchirants qui s’irisent d’aigus éthérés. Mais ce ton continuellement plaintif finit par s’émietter pour faire place à un Scherzo que les bois veulent gouailleur. Le violon lacère de traits à l’arraché la progression qui tourne au bastringue, même s’il tente de lui insuffler une certaine noblesse par ses passaggi diaboliques. La Passacaglia vise à la monumentalité avec ce choral des cordes graves soutenant la masse des vents, dont le solo extirpe un lyrisme généreux, avant de négocier une cadenza méditative, amplement développée, qui fait chanter les doubles cordes. Cette transition virtuose débouche sur un Final en forme de Burlesca que le violon ornemente de traits périlleux d’une rare difficulté.

Le concert s’achève par les Tableaux d’une Exposition de Moussorgsky dans l’orchestration que Maurice Ravel réalisa en 1922. Le public d’un soir y retrouve ses marques, après s’être entêté à applaudir entre chaque mouvement du Chostakovitch… Mondanités, quand vous nous tenez ! Sous la baguette de Tomáš Netopil, l’Orchestre de la Suisse Romande rutile dans les diverses énonciations de la Promenade, tandis que Gnomus s’avance sur d’inquiétants glissandi des graves. Le Vecchio castello se profile sous d’étouffantes demi-teintes, alors que le chariot de Bydlo mugit jusqu’à l’emphase. Tuileries, le Ballet des poussins dans leurs coques, le Marché de Limoges sont survolés à un tempo infernal qui finira par éclater devant la cabane de Baba-Yaga. Un son magnifique affleure du murmure imperceptible venant des Catacombes et du choral des bois apparaissant dans les meurtrières de la Grande Porte de Kiev. 

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, le 24 octobre 2022

Crédits photographiques : Marco Borggreve

 

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