A la Scala, un gala pour ouvrir la saison de ballet

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Le Ballet de la Scala, reprend une activité en organisant, pour quatre représentations, une soirée de gala où figurent les étoiles de la compagnie, la section masculine des danseurs et l’Orchestre de la maison dirigé par un expert en la matière, le maestro David Coleman. 

Le rideau se lève sur un extrait de l’acte II du Corsaire de Riccardo Drigo et de divers musiciens. Immortalisée comme Pas de deux par le couple Margot Fonteyn-Rudolf Nureyev, cette page brillante est devenue un Pas de trois dans la version qu’Anna-Marie Holmes a conçue pour l’English National Opera et qui est utilisée ici. Le second rôle de l’esclave Ali s’en trouve renforcé, ce dont profite le jeune Mattia Semperboni pour faire valoir ses capacités techniques face au danseur de caractère qu’est le Conrad de Marco Agostino, au demeurant remarquable ; mais tous deux se partagent les faveurs de Medora campée par Martina Arduino qui n’est qu’élégance au gré d’un rubato subtil. 

Il y a six mois, le chorégraphe Mauro Bigonzetti devait faire découvrir, sur une musique de Fabio Vacchi, une création, Madina, qui a été annulée temporairement à cause de l’émergence de l’épidémie. En lieu et place, il a accepté l’opportunité d’une nouveauté de dernière minute, Do a duet ; sur les six minutes de l’Allegro con brio ouvrant la 25e Symphonie en sol mineur K. 183 de Mozart, il met dos à dos deux ballerines en tutu noir, Antonella Albano et Maria Celeste Losa, mijaurées cocasses qui se toisent à coup de mimiques outrées et de gestes saccadés.


Intervient ensuite le premier danseur, Claudio Coviello, qui a la lourde tâche de restituer le solo de la vision que Rudolf Nureyev avait élaboré pour lui-même au deuxième acte de La Belle au Bois Dormant. Vainquant sa timidité naturelle, il dialogue avec le violon solo en personnifiant un Prince éperdu enchaînant les figures répétitives avant de conclure sur quelques rapides fouettés. Puis est proposée la scène de la chambre à coucher dans la Carmen de Roland Petit en hommage à Zizi Jeanmaire ; Nicoletta Manni lui ressemble à s’y méprendre, jouant la cigarière aguicheuse s’enroulant comme un serpent autour du José autoritaire de Timofey Andryashenko, s’arquant sur son torse comme la courtisane se vautrant sur un lit.

Alors qu’un halo bleuté nimbe le violoncelle et la harpe jouant Saint-Saëns, apparaît, côté jardin, comme une vision surannée, Svetlana Zakharova étirant ses bras suppliants vers les cintres pour une émouvante Mort du Cygne selon la chorégraphie de Mikhail Fokin. Elle cède rapidement la place à deux étoiles italiennes chevronnées qui ont triomphé au Royal Ballet, Alessandra Ferri et Federico Bonelli, interprétant un extrait du ballet d’Angelin Preljocaj, Le Parc : sur l’Adagio du Concerto en la majeur K.488 de Mozart qui a pour soliste le pianiste Roberto Cominati, le couple s’approche, se touche, échange un long baiser, tandis qu’elle s’accroche désespérément au cou de celui qui la fait virevolter avec passion, en suscitant l’enthousiasme du public.

Et la soirée s’achève avec Boléro selon Maurice Béjart, ce qui nécessite l’édification d’un vaste plateau-table entouré d’une vingtaine de chaises où se sont recroquevillés les danseurs du Corps de ballet. Dans la lumière orangée apparaissent une main, un bras de Roberto Bolle, torse nu, collant noir, pieds nus, qui fixe d’abord son jeu retenu sur la fameuse position crabe évoquée par Maya Plissetskaya ; puis il prend un caractère plus anguleux au moment où ses compagnons, Massimo Garon, Christian Fagetti, Nicola Del Feo et Gabriele Corrado, marquent vigoureusement la cadence tout en poussant les autres à se saisir de l’idole… Idolâtré par son public, le danseur vedette est tout sourire pour partager avec ses collègues et le chef d’orchestre les ovations des spectateurs, ravis d’avoir pu applaudir un spectacle de danse. Notons aussi que du 29 octobre au 18 novembre, sont programmées huit représentations de Giselle dans la reprise chorégraphique d’Yvette Chauviré, décors et costumes d’Alexandre Benois. Ainsi se présente la saison d’automne….  

Paul-André Demierre

Milan, Teatro alla Scala, le 26 septembre 2020

Crédits photographiques : Brescia e Amisano Teatro alla Scala

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