A la Scala, une magnifique reprise de Sylvia 

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En décembre 2019, la Scala de Milan avait ouvert sa saison de ballet avec Sylvia de Léo Delibes, un ouvrage rarement à l’affiche des scènes italiennes. Dans des décors et costumes de Luisa Spinatelli, Manuel Legris en avait conçu une chorégraphie qui avait d’abord été présentée par le Wiener Staatsballett durant la saison 2018-2019, avant de s’imposer avec succès dans le théâtre milanais pour dix représentations à partir du 14 décembre 2019.

Selon les dires de Sergio Trombetta dans le programme, « Sylvia fait partie intégrante de l’ADN de Manuel Legris qui avait lui-même paru dans la chorégraphie de Lycette Darsonval alors qu’il était élève de l’Ecole de Danse de l’Opéra de Paris ». Devenu danseur étoile, il incarna, en 1997, le berger Aminta dans la relecture contemporaine de John Neumeier. Aujourd’hui, assurant la direction du Ballet de la Scala de Milan, il reprend sa production avec la volonté de mettre tous les atouts de son côté. La scénographie de Luisa Spinatelli nous plonge dans une Grèce antique idéalisée qui se réfère à l’esthétique de Fragonard, tandis que les costumes jouent sur le rouge pour les chasseresses, le violacé pour Orion, le vert tendre et les bruns pour les paysans, faunes et dryades, le blanc et or pour Sylvia, Aminta et Eros. Avec une extrême lisibilité est déroulée la trame qui découle d’un prologue que Manuel Legris, aidé de Jean-François Vazelle, a décidé d’illustrer en nous montrant la déesse Diane éprise d’Endymion qui doit sacrifier son amour en imposant la chasteté tant à elle-même qu’à ses nymphes. Ainsi s’explique le rapport conflictuel que Sylvia, la préférée de la déesse, établira avec le berger Aminta dont elle est éperdument amoureuse. L’aide d’Eros statufié qui finira par s’incarner la libérera du joug du vindicatif Orion qui l’a enlevée et poussera Diane à consentir à leur union.

Il faut relever aussi que cette production milanaise bénéficie de la direction musicale de Kevin Rhodes qui, fort de l’expérience de décembre 2019, soutire de l’Orchestre de la Scala une luxuriance de coloris qui frise la sauvagerie dans le Pas des Chasseresses, ose de surprenants points d’orgue dans la Valse lente et s’attarde sur les mélismes orientalisants du Pas des Ethiopiennes et du Chant bachique. Mais quel dommage que le Cortège de Bacchus soit écourté de l’un de ses motifs !

Sur scène, la jeune soliste Alice Mariani s’empare du rôle de Sylvia lors de la représentation du 20 mai. Elle en a la candeur ingénue, tout en montrant sa détermination face à l’autoritarisme de la déesse. Mais dans la Variation dansée de l’acte III, elle éblouit par l’entente qui la lie à Aminta. A ce berger enivré par la passion, Marco Agostino prête une dimension émouvante que dynamise sa technique policée. Par la vigueur de son incarnation et l’enchaînement de bonds circulaires, Gabriele Corrado a la stature du maléfique Orion, quand l’Eros de Mattia Semperboni en est l’exacte antithèse par l’éclat de ses pirouettes et soubresauts. Alessandra Vassallo affiche la grandeur hiératique de la déesse Diane qui s’humanise au contact de l’Endymion séduisant de Gioacchino Starace. Rinaldo Venuti est un Faune à la souplesse féline qui mène tambour battant satires et naïades que Manuel Legris s’ingénie à mettre en valeur, ce que l’on dira aussi de l’escouade des chasseresses ou de l’attroupement des paysans. Il est à noter, du reste, que, par rapport à l’édition 2019, les ensembles frisent la perfection par leur homogénéité. Une grande soirée !

Paul-André Demierre

Milan, Teatro alla Scala, le 20 mai 2022

Crédits photographiques : Martina Arduino & Nicola Del Freo

 

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