A l’écoute des fils de Jean-Sébastien Bach

par

Carl Philipp Emanuel BACH (1714 – 1788)
Concerto pour 2 pianofortes et orchestre, concerto pour flûte et orchestre, symphonies hambourgeoises 1 et 4
Johann Christian BACH (1735 – 1782)
Symphonie pour double orchestre
Manfred HUSS, conductor, Haydn Sinfonietta Wien, ensemble jouant sur des instruments anciens, Alexeï LUBIMOV et Yury MARTYNOV, pianofortes, Reinhard CZASCH, flûte
2014 – DDD – 78’43 – Livret en anglais, allemand, français – BIS 2098

L’ensemble Haydn Sinfonietta Wien, dirigé par Manfred Huss, propose un enregistrement des œuvres des fils de Jean-Sébastien Bach (1685 – 1750). Constitué depuis 1991, cet ensemble connu et reconnu, spécialiste du classicisme viennois et jouant sur des instruments anciens, s’aventure au cœur du répertoire de Carl Philipp Emanuel Bach (1714 – 1788), très souvent appelé le Bach de Hambourg. En plus de jouer sur des instruments anciens, la singularité de cet ensemble est celle d’user d’un pianoforte à la place du clavecin habituel. Une idée tout à fait juste et parfaitement défendable, car les premiers pianofortes datent de 1700 et vers 1750, l’instrument a véritablement conquis sa place au sein des cours d’Europe et des musiciens professionnels. Servis par des interprètes connaisseurs du style du second fis de J.-S. Bach, l’enregistrement offre une dynamique contrastée, typique du style propre de C. P. E. Bach, en rupture avec le baroque tardif. Les ornementations écrites de la main du compositeur témoignent d’un style charnière entre le langage musical de son père et le langage classique des maîtres viennois (J. Haydn, W. A. Mozart), finement souligné par l’emploi du pianoforte qui apporte une couleur sonore toute nouvelle. Admiré de son temps par J. Haydn (1732 – 1809) et W. A. Mozart (1756 – 1791), C. P. E. Bach, remis aujourd’hui au devant de la scène musicale après des décennies d’oubli (rappelons aussi la passionnante publication de Gilles Cantagrel sur le compositeur et son œuvre), a laissé à la postérité un catalogue d’œuvres considérable, témoignant d’un talent propre et personnel, à l’ombre et en coupure du style paternel. L’interprétation souligne sans exagération et sans minimalisme la pensée foisonnante du compositeur ayant vécu à une période où le monde musical vivait de nombreux changements (la classe de la bourgeoisie montante, le développement de l’édition musicale, la sphère bondissante de la facture instrumentale…). La suite du disque propose les Symphonies Hambourgeoises 1 et 4, typiques du mouvement Sturm und Drang, un courant esthétique où prédominaient le sentiment et la passion, précédant le classicisme viennois et préfigurant le premier romantisme allemand. Enfin, l’ensemble clôture ce disque avec la Symphonie pour double orchestre de Johann Christian Bach (1735 – 1782), un des derniers fils de J.-S. Bach, ayant fait carrière à Londres. On apprécie vivement cette juxtaposition interprétative des œuvres des deux frères, présentant des écritures orchestrales bien différentes. Manfred Huss et son ensemble viennent rendre justice et remettre à l’honneur avec goût et style des œuvres trop longtemps abandonnées.
Marie-Sophie Mosnier

Son 9 – Livret 9 – Répertoire 9 – Interprétation 9

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