A l’OSR, un magnifique pianiste, Francesco Piemontesi
Pour cette saison 2020-2021, l’Orchestre de la Suisse Romande invite en tant qu’artiste en résidence le pianiste Francesco Piemontesi qui se produira, au cours de ces prochains mois, dans quatre programmes différents. Natif de Locarno, élève d’Arie Vardi à Hanovre, il s’est fait un nom sur la scène internationale en remportant divers prix, dont le 3e au Concours Reine Elisabeth en 2007. D’allure sympathique, sourire aux lèvres, il entre sur la scène du Victoria Hall le 7 octobre pour dialoguer avec la formation lémanique placée sous la direction de Daniel Harding qui, au pied levé, remplace Constantinos Carydis, contraint d’annuler sa participation.
Et c’est dans l’un des piliers du répertoire, le Concerto en la mineur op.54 de Robert Schumann que tous deux proposent un discours haletant, le soliste osant une entrée en fanfare avec le redoutable trait en accords qui a mis à mal tant de techniques pourtant aguerries. En réponse au hautbois, il fait valoir un toucher somptueux dans une ligne de chant qu’il vous oblige à écouter, tant chaque segment est soigneusement façonné ; le canevas instrumental, amplement contrasté, lui suggère les impulsions qui produisent les traits en cascade s’étiolant finalement devant une cadenza qui, de la virtuosité, fait sourdre la poésie. En picchettato legato est dessiné l’Intermezzo qui développe avec simplicité le cantabile sur fond de cordes graves, alors que la transition amenant le Finale semble improvisée, avant de céder la place à une volubilité brillante parfois houleuse dont chaque trait donne l’impression d’être savouré. Face au tonnerre d’applaudissements qui accueille sa prestation, Francesco Piemontesi esquisse par des sonorités perlées le chromo d’Au Lac de Wallenstadt dans le premier cahier des Années de Pèlerinage de Franz Liszt.
Respectant le programme tel qu’il avait été prévu, Daniel Harding s’attaque à la Symphonie Fantastique d’Hector Berlioz en suggérant l’aspect rêveur par un lento où prennent forme les fragments mélodiques, rapidement balayés par le vivacissimo des violons emportant dans une véhémence effrénée la polyphonie serrée des tourments passionnels. Terre à terre, l’évocation du Bal cultive ici la précision du trait qu’aseptisera un léger rubato avant le stringendo de la péroraison. La Scène aux champs bannit tout alanguissement pour laisser chanter admirablement le cor anglais et le hautbois, néanmoins perturbés par le grondement des cordes annonçant l’orage. En découlent la Marche au supplice aux accents cinglants et le Songe d’une nuit de sabbat, famélique avec ses bois acides, troué par les trombones proclamant un Dies irae apocalyptique, qu’applaudira un public conquis que le maestro remerciera avec une déférente modestie.
Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, le 7 octobre 2020