Andreas Staier et Roel Dieltiens : l’éloquence beethovenienne

par

Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonates pour violoncelle et piano n° 4 en do majeur et n° 5 en ré majeur op. 102 n° 1 et n° 2 ; Bagatelles op. 119 ; Bagatelles op. 126. Andreas Staier, fortepiano, et Roel Dieltiens, violoncelle. 2019. Notice en français, en anglais et en allemand. 63.28. Harmonia Mundi HMM902429.

Une copie de 1996 d’après un Conrad Graf viennois de 1827 pour l’Allemand Andreas Staier (°1955) et une copie de 1994 d’un Stradivarius pour l’Anversois Roel Dieltiens (°1957), voilà de quoi éveiller l’attention sur un alléchant programme Beethoven, d’autant plus qu’il s’agit de deux artistes qu’on ne présente plus. Une attention qui ne va jamais être prise en défaut grâce à une éloquence complice, servie par une prise de son pleine et dynamique, qui va nimber les deux sonates en partenariat, ainsi que les Bagatelles, intercalées entre les pages de l’opus 102, et jouées en solo par Andreas Staier. Dans le cadre de l’édition Harmonia Mundi « Beethoven 2020/2027 » qui compte à l’heure actuelle plus d’une vingtaine d’enregistrements, le pianofortiste a déjà signé un album intitulé Ein Neuer Weg, avec sonates et variations à l’affiche. On se souvient aussi de ses splendides Variations Diabelli pour le même label (2012).

Ecrites en 1815 pour la Comtesse Marie Erdödy, dans la maison de laquelle Beethoven avait habité quelques mois de 1808 et 1809 avant un désaccord, et avec laquelle il avait renoué des contacts amicaux, les deux sonates de l’opus 102 sont emblématiques d’une recherche polyphonique qui, selon un avis de l’époque rapporté par la notice du musicologue allemand Peter Gülke, a quelque peu désorienté les oreilles du temps : elles appartiennent au goût le plus inaccoutumé et le plus étrange, non seulement dans ce genre, mais dans le piano en général (critique du 11 novembre 1818). Les deux instruments sont engagés dans un dialogue réciproque qui est permanent dans la Sonate n° 4, construite en deux mouvements, chacun débutant par un épisode lent, suivi d’un dialogue rapide entre les partenaires. On notera à quel point Staier et Dieltiens le pratiquent, cet échange, la vivacité et l’intensité du pianoforte se mariant avec la souplesse et la générosité du Stradivarius. Cette approche mutuelle combine l’énergie et la dimension spirituelle avec beaucoup de finesse. Dans la Sonate n° 5, la même éloquence se développe sans faille, le deuxième mouvement, Adagio con molto sentimento d’affetto, atteignant ici une dimension émotionnelle particulièrement touchante. 

Dans les onze Bagatelles op. 119 (1820/22), judicieusement intercalées entre les deux sonates, et dans les six de l’opus 126 (1824) qui clôturent le programme, Andreas Staier confirme à quel point il est à l’aise dans ce répertoire plein de contrastes, de variété d’atmosphères et surtout de lyrisme, comme celui que l’on savoure par exemple dans l’Andante cantabile, la quatrième page de l’opus 119. Quant aux miniatures de l’opus 126, elles séduisent par leur unité qui fait aussi penser à la voix et au chant. Staier rejoint sans peine la réussite des autres œuvres de Beethoven qu’il a déjà si bien mises en valeur. Un album d’une belle tenue stylistique, servie avec un noble engagement.  

Son : 10  Notice : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 9

Jean Lacroix

 

       

 

  



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