Astrig Siranossian : Duo Solo

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La violoncelliste Astrig Siranossian fait paraître un album intitulé “Duo Solo”. La jeune musicienne fait dialoguer des œuvres mythiques pour violoncelle de Bach,  Kodály et Ligeti avec des mélodies traditionnelles arméniennes. Astrig Siranossian est évidemment la soliste au violoncelle mais elle interprète également les mélodies traditionnelles. Crescendo Magazine a souhaité en savoir plus et s’entretient avec la musicienne.  

Votre nouvel album se nomme “Duo Solo” et propose des grands classiques de la littérature pour violoncelle solo avec des chansons traditionnelles arméniennes. Comment avez-vous conçu ce projet ? 

J'ai conçu cet album "Duo Solo" à travers un programme de concert en violoncelle solo que je voulais le plus fidèle à la musique que je joue et la musique qui, finalement, me représente le plus, à savoir la mélodie populaire arménienne, qui fait tout autant partie de mon ADN musical que les suites pour violoncelles de Bach. Le violoncelle et la voix ont toujours été un moyen d'expression et, au fil des années, à force de partager sur scène ce programme, j'ai enfin voulu le graver sur disque, poussée notamment par tous les temps de confinement qui m'ont amenée à passer plus de temps seule avec mon violoncelle, et à explorer ainsi tout son répertoire. 

Est-ce que ces chansons arméniennes, dont vous nous expliquez la transmission par votre famille, ont une portée personnelle encore plus importante dans le contexte international actuel ? 

Ce qui est très émouvant pour moi, c'est que les mélodies populaires sont vraiment une extension de la langue arménienne. En effet, c'est une culture qui est très attachée à la musique : dans la très grande majorité des foyers, les enfants jouent du piano, du violon, du violoncelle et chantent.  La musique populaire est ainsi très présente. La transmission de la musique est donc un moyen de préserver ce patrimoine. Je ne l'avais jamais vraiment vu en danger jusqu'à la guerre des 44 jours qui a eu lieu en 2020 en Arménie, et évidemment récemment en 2022. L'urgence de préserver culturellement l'histoire et toute la civilisation liée à l'Arménie est devenue très importante. Mais je tiens à préciser bien entendu que ce projet n'est pas un geste politique, et que la seule raison pour laquelle je le fais est simplement parce que cette musique est une musique qui me permet d'être entière face au public. 


Si le lien entre les musiques traditionnelles et populaires et les sonates de Kodály  et Ligeti sont importants, c’est de prime abord moins le cas de Bach. Pourquoi avoir choisi Bach, et cette suite en particulier, dans le cadre de votre démarche artistique ? Les chansons arméniennes s’immiscent entre les 6 mouvements de la Suite n°1 de Bach, pourquoi ce choix ? 

Le lien entre musique populaire et les suites de Bach n’est pas évident car cela réside dans le fait qu’il n'est pas du tout dans les mœurs d'enseigner ou de parler de la musique de Jean-Sébastien Bach comme étant liée à la musique populaire. Or J.S Bach incarnait quelque part la musique populaire, car chantée, de son époque. De plus, ces danses, même si ce sont des danses de Cour qui constituent la suite, sont également un moyen de communication et d'expression qui a toujours existé dans toutes les classes sociales, et ainsi, parfois par des danses populaires. Et l’aspect mélodique de ces danses est de toute manière inspiré du chant, et le chant lui-même puise ses sources dans la musique populaire car, de fait, reposant sur de la transmission orale. Je suis ainsi certaine que Jean-Sébastien Bach a été en tout cas, si peut-être pas directement influencé, a baigné dans du chant et de la mélodie qui était à son époque populaire. 

On dit souvent que le violoncelle est l’instrument le plus proche de la voix humaine. Est-ce que cet album a pour ambition d’en être l’illustration ? 

J'ai toujours considéré la voix humaine comme une cinquième corde du violoncelle. Je n’essaye pas de prouver quoi que ce soit, et je n’aurais pas la prétention de dire que cet album est la preuve que le violoncelle est l’instrument le plus proche de la voix. Néanmoins, la position assise du violoncelle permet de chanter en ayant les 2 mains qui ont leur autonomie et ceci m’est venu très naturellement, dès le début de mon apprentissage. Je l'ai fait un peu plus tardivement sur scène, mais en tout cas je pense que le violoncelle a cette capacité d'être un instrument mélodique et chantant, et qui donc forcément se marie très bien avec la voix. 

La notice de l’album précise que vous jouez cet album sur deux instruments: le violoncelle Gagliano 1756 et un violoncelle de Francesco Ruggieri de 1667, pouvez-vous nous parler un peu de ces instruments ? 

Ce sont des instruments absolument merveilleux que j’ai la chance de jouer, l’un est monté sur cordes en métal, et l’autre en boyaux. Ce sont des instruments dont je suis la gardienne, en tout cas quand je les joue. C’est une grande richesse de notre métier de musicien que de pouvoir jouer des œuvres de collection, des œuvres de musée, donc je suis très heureuse de pouvoir présenter ces 2 instruments sur scène quand je joue les programmes de "Duo Solo". 

Le site d'Astrid Siranossian : www.astrigsiranossian.com

  • A écouter : 

​​Duo Solo. Oeuvres de  Bach, Kodály, Ligeti & Folk Songs. Astrig Siranossian: violoncelle et voix. 1  CD Alpha Classics. Alpha 880

Crédits photographiques : Antoine Agoudjian

 

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

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