Ballets de stars : Thomas Bangalter et Thomas Adès 

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Thomas Bangalter (né en 1975) : Mythologies. Orchestre National Bordeaux Aquitaine, direction : Romain Thomas . 2023. Pas de livret.  88’46’’. Erato. 5 054197 453847. 

L’actualité nous propose deux ballets composés par des stars dans leurs domaines. Nous commencerons cet article avec le  Mythologies de Thomas Bangalter, l’un des Daft Punk, mythique duo français de musique électronique. 

Ces Mythologies sont la bande son d’un ballet d’Angelin Preljocaj, créé à Bordeaux l’an passé à l’initiative de Marc Minkowski quand il assurait la direction de l’opéra local. On pouvait s’attendre à une œuvre qui déménage et fasse sauter toutes les barrières entre les styles en créant un nouveau genre qui révolutionne. Mais curieusement, dès les premières mesures, on se retrouve dans un néo-XIXe siècle complètement rococo et pastiche. Le tapis de cordes introductif de “Premiers mouvements” ne manque juste que d’un hautbois ou d’une clarinette solo pour évoquer le Tchaïkovski du Lac des Cygnes. Bien évidemment, il sera considéré comme un crime de lèse-majesté et une posture de réactionnaire de trouver cette œuvre très décevante. Mais c’est bien le cas !  

La partition est fort longue et, privé de tout support visuel chorégraphié, cet ersatz de Tchaïkovski ou parfois de Prokofiev n’a pas le moindre intérêt en termes de composition pure. Techniquement, la barre est trop haute avec les harmoniques étranges et une orchestration sans inventivités si ce n’est  “à la manière de Tchaïkovski” en mode besogneux et automatique. L’ Orchestre National Bordeaux Aquitaine fait ce qu’il peut sous la direction assez linéaire de Romain Thomas. 

Bien évidemment aidé par une campagne de promotion à la hauteur de son statut de star, cet album recevra un accueil critique favorable et les nostalgiques du groupe (même si entre l’univers de Daft Punk et ces Mythologies, il y a 4 fois la distance entre la terre et le soleil) se précipiteront sur les éditions de cet enregistrement du CD au LP. Tant mieux pour le portefeuille de l’artiste, dommage pour la musique. 

Il faut noter l'absence assez cruelle d’un livret qui oblige le critique à se documenter, mais les fans de l’artiste achèteront les yeux fermés car foncièrement en empathie. La notice précise que cet enregistrement a été réalisé en exclusivité avec un microphone “Minotaure 3D”, on avoue être perplexe car le mixage final manque de finesse et de lisibilité pour une prise de son orchestrale. 

Son : 6 – Livret : (pas de livret) – Répertoire : 2 – Interprétation : 5 

Thomas Adès (né en 1971) : Dante. Los Angeles Master Chorale, Los Angeles Philharmonic Orchestra, direction : Gustavo Dudamel. 2022. Livret en anglais. Nonesuch. 0 75597 90616 5  

Autre bande son d’un ballet, le Dante de Thomas Adès :  créée sur la scène du Royal Opera House de Londres en 2021, cette réalisation est une collaboration entre le compositeur et Wayne McGregor, l’un des grands noms actuels de la chorégraphie. Cette partition, co-commande du Royal Opera House et du Los Angeles Philharmonic, sera très prochainement sur la scène du Palais Garnier de Paris. 

Cette partition se compose de trois parties : “Inferno”, “Purgatorio” et “Paradiso”. Le compositeur rend hommage à Liszt qui avait également mis en musique Dante dans sa Dante Symphonie, avec des mouvements également titrés Inferno et Purgato. 

Bien évidemment, en termes de technique de composition et de maîtrise de l’instrumentation, on n'est pas dans la même catégorie que Mythologies. La première partie en 13 parties, “Inferno” est une sorte de démonstration de savoir-faire orchestral avec une palette des vices illustrés en musique : c'est parfaitement illustré et contrasté. On avoue moins aimer la seconde partie “Purgatorio” avec des sonorités du Moyen-Orient : Adès y a intégré des prières de sabbat séfarades. Cependant, le dernier mouvement tout en scintillement “Paradiso” est une belle réussite par la beauté des textures et par un climax final spectaculaire dans sa logique narrative d’une élévation en apesanteur.  C’est, de loin, la meilleure partie de ce triptyque ! 

Le Los Angeles Philharmonic est en démonstration avec cette musique écrite pour flatter la virtuosité naturelle de ses pupitres. Pour une fois très concerné, Gustavo Dudamel dirige avec efficacité dramatique et sens des articulations, des nuances et des contrastes. La prise de son est fabuleuse et le digipack ainsi que le booklet sont assez luxueux. 

Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 9 – Interprétation : 10 

Pierre-Jean Tribot

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