Gustavo Dudamel et Antonín Dvořák

par

Antonín Dvořák (1841-1904) : Symphonie nᵒ 7 en ré mineur, op. 70 ;   Symphonie nᵒ 8 en sol majeur,  opus 88 ;   Symphonie n°9 en mi mineur, op. 95 « Du Nouveau Monde ».  Los Angeles Philharmonic, Gustavo Dudamel. 2020. 115’. DGG 4863413.

En février 2020, avant que la pandémie bouleverse le monde, Gustavo Dudamel avait fait l'événement avec un cycle de concerts qui confrontaient les 3 dernières symphonies de Dvořák avec l’intégrale des symphonies de Charles Ives. L’idée était excellente tant il y a des ponts à établir entre ces deux univers !  Le moderniste de Ives qui naît stylistiquement dans celui du compositeur Tchèque. Éditée par DGG en  janvier 2021, l’intégrale Ives avait été bardée de récompenses internationales. 

En cet été 2022, DGG nous propose, mais seulement en digital, les 3  symphonies de  Dvořák captées lors de ce cycle de concerts à Los Angeles. En premier lieu, il faut saluer la plastique de l’orchestre magnifié par une prise de son exemplaire : il n’y a au final pas mieux pour les oreilles que la superbe palette sonore d’un orchestre américain de haut niveau : les dynamiques sont puissantes et les solos s’épanchent avec naturel et richesse de couleurs et de nuances. A ce titre, on peut se repasser les mouvements lents pour admirer la perfection technique de la phalange. 

Quant à Dudamel, il dirige un Dvořák certes vivant et bien construit, mais un peu épais de pâte sonore dans une optique néo-brahmsienne caractérisée par des chefs comme Karajan dans ses différentes versions (Decca et DGG) ou Maazel à Vienne (DGG). Ce n’est en rien un non sens stylistique d’autant plus que le chef sait éviter l'écueil de l’enlisement et des effets trop épais, même si la masse orchestrale se veut puissante. La Symphonie n°7, bien conquérante, est la plus réussie du trio. Dans les autres symphonies, Dudamel a malgré tout tendance à sur-diriger, c'est-à-dire à appuyer au marqueur les contrastes et les transitions thématiques. La Symphonie n°9 est brillante mais manque de naturel et de respiration en dépit des qualités techniques des pupitres. Cette partition est l’un des chevaux de bataille de Dudamel et le chef en fait un peu trop dans le mode “concerto pour orchestre” super contrôlé que sa technique de bâton lui permet de déployer avec une aisance déconcertante. 

Dès lors, comme souvent avec Dudamel, on est mitigés. D’un côté on admire le chef, techniquement brillant, mais on peut s'empêcher de poser cette question  rhétorique : “qu’est-ce que Dudamel nous apprend sur les œuvres qu’il dirige ?”. Avec le Philharmonique de Los Angeles, on restera fidèles aux gravures complètement antinomiques d’un Zubin Mehta vrombissant et magistral (Decca) et à celles ultra-intellectuelles mais fascinantes d’André Previn (Telarc).  Pour le reste la concurrence est redoutable autant par les meilleures phalanges étasuniennes que par les orchestres du Vieux continent.

Son 10 -  Répertoire 10 - Interprétation 8

Pierre-Jean Tribot

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.