Baroque sacré sur les rives de la Baltique : un album copieux et varié pour découvrir Johann Valentin Meder
Musica Baltica 7. Johann Valentin Meder (1649-1719) : musique sacrée. Ingrida Gápová, Anna Zawisza, Klaudia Trzasko, Joanna Sperska soprano. David Erler, Helena Poczykowska alto. Jakob Pilgram, Sebastian Mach, ténor. Christian Immler, David Biwo, basse. Goldenberg Baroque Ensemble, direction Andrzej Mikołaj Szadejko. 2020. Livret en anglais, français, allemand. Texte des chants en langue originale (latin, allemand) non traduite. 69’33''. SACD multicanal. MDG 902 2192-6.
Andrzej Mikołaj Szadejko poursuit son entreprise de valorisation du baroque nordique, au travers ce septième opus de la collection Musica Baltica, dédiée au répertoire d’orgue, de clavecin, et à la production vocale. Les volumes 1 et 4 se consacraient à la cantate. Le tout premier album incluait le Singet, lobsinget mit Herzen und Zungen de Johann Valentin Meder, qui se voit maintenant consacré un disque complet et bien rempli.
Originaire d’une famille musicienne de Thuringe où il se forma, ce compositeur fréquenta aussi Leipzig, avant de se fixer quelques temps à Lübeck, sa dernière étape en Allemagne. Il évolua ensuite sur les rives de la Baltique : une dizaine d’années à Tallinn, puis Riga et Gdansk où il fut engagé en 1687 comme maître de chapelle de la prestigieuse église Sainte Marie. Une situation financière précaire le conduisit à regagner Riga vers 1700, où il continua à composer malgré la guerre entre Suède et Russie, et malgré l’épidémie de peste qui y sévissait.
Outre Die beständige Argenia, un des premiers opéras en langue allemande, on doit à Meder (qui était aussi chanteur) de nombreuses partitions vocales dont ce SACD révèle la variété stylistique. Les plus impressionnantes sont les deux cantates Lauda Jerusalem Dominum et Wünschet Jerusalem Glück où les psaumes se traduisent par une somptueuse écriture polychorale (avec cuivres en écho) honorant les cérémonies d’élection du Conseil de Gdansk : un apparat digne des fastes vénitiens de Givanni Gabrieli, enrichi de tendances contemporaines comme l’aria strophique. L’enregistrement réalisé à l’église de la Trinité de la même ville reproduit superbement la spatialisation des trompettes, cornetti, trombones. Moins spectaculaire, une œuvre telle Wie murren denn die Leut’ mêle pourtant audacieusement les genres : Lamentations de Jérémie, psaume, et... une aria évoquant le siège de Riga, probable allusion à l’occupation russe de 1656.
D’autres genres sont abordés : les airs encadrés de tutti en imitation (un émoustillant Vox mitte clamorem avec tambourin, Quid est hoc quod sentio) répondent à une influence italienne. Tandis que les cantates de choral Meine Seele seufzt und stöhnet et Ach Herr, mich armen Sünder, écrites lors des ultimes années à Riga, renvoient à la tradition luthérienne d’Allemagne centrale que Meder avait connue dans sa jeunesse. Signalons une maladresse typographique dans le livret : les paroles de Die höllische Schlange, série de dialogue et glose sur l’Annonciation, figurent bien en page 28 mais se trouve absorbées sans titrage après le texte du motet Gott, mein Herzi ist bereit.
Encadré d’une fine équipe de chanteurs, Andrzej Szadejko illustre ces œuvres dans le respect de leurs exigences, depuis la pompe des cantates festives, jusqu’aux linéaments ciselés des motets. Un continuo aussi fourni (viole, clavecin, orgue, théorbe, guitare baroque…) que subtilement employé se montre attentif aux pages délicates. Creuser l’expression des cordes, souvent trop pastel et discrètes, une rhétorique plus appuyée, un trait plus épais, voilà qui aurait parachevé l’éloquence d’un récital qui en soi procure bien des plaisirs. Notamment celui de mieux connaître cet important musicien de la zone hanséatique, qui avait mérité l’égard de Dietrich Buxtehude.
Son : 9 – Livret : 10 – Répertoire : 8 – Interprétation : 8,5
Christophe Steyne