Beethoven Celtique à Rennes

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Lorsqu’un magicien à la flûte celtique reprend les thèmes beethoveniens, le public n’a qu’à le suivre. S’agit-il d’un autre hommage rendu à Beethoven ? Visiblement non, car le symbole même de la culture germanique n’est ici qu’un point de départ pour une odyssée autour de la culture celte.

Le plus cosmopolite des orchestres français, l’Orchestre National de Bretagne (ONB) a démarré sa nouvelle saison au son des danses celtiques. Sous la direction de Grant Llewellyn, Carlos Núñez, cornemuses et flûtes celtiques, ainsi que le baryton basse Bryn Terfel ont envoûté la musique de Beethoven, trop souvent associée aux héroïsmes. Justement, ce n’est pas le caractère teutonique, mais bien les délicieuses sonorités folkloriques qui ont donné le ton de la soirée. 

Après des mois de silence, l’ONB a réveillé son public en déconstruisant le rite sacré qu’est l’exécution d’une symphonie sans interruption et sans applaudissement entre les mouvements. Divisé en quatre groupes géographiques (Irlande, Écosse, Pays de Galles et Bretagne) dont chacune contenait un mouvement de la 7e Symphonie, le concert a posé son regard sur le lien unissant Beethoven et le monde celtique. Pour une fois, le public n’a pas été jugé à cause de son enthousiasme exprimé par des ovations. En effet, les trois volets d’Omaggio de Benoît Menut sont venus se glisser à la fin de chaque mouvement de la 7e Symphonie, qualifiée par Richard Wagner de « l’apothéose de la danse ». En partant des thèmes, des rythmes et des idées orchestrales de Beethoven, Omaggio a prolongé l’expérience beethovenienne en l’enveloppant dans des sonorités plus contemporaines. Une vraie extension d’une symphonie en forme plus concise.

La musique du futur sera éclectique, avait prédit Leonard Bernstein. Adhérant à cet état d’esprit, l’ONB a ajouté à cette déconstruction d’un mythe intouchable les Chansons écossaises, irlandaises et galloises de Beethoven. Orchestrées par Pierre Chépélov et Benoît Menut, elles ont littéralement intégré les instruments phares de ces pays : les cornemuses et les flûtes celtiques dont la sonorité et le timbre sont venus soudainement illuminer ces pages oubliées, pourtant composées à la même période que la 7e Symphonie. Véritable elfe celtique de la soirée, tout droit sorti de la légende allemande du Joueur de flûte de Hamelin, Carlos Núñez, par sa musique, attira le public qui aurait pu le suivre jusqu’au bout de la nuit. Bryn Terfel, une autre incarnation celte, a prêté sa voix pour sublimer les textes des poètes comme Walter Scott et Thomas Campbell qui ont inspiré Beethoven. Se démarquant par son originalité dans le contexte des programmes habituels, le projet de l’ONB s’est approché en effet davantage de la forme traditionnelle et « historique » des rites du concert au temps de Beethoven.

L’ONB a-t-il réussi à trouver la bonne recette de la démocratisation de la musique classique ? Ni un cross-over, ni un pot-pourri, ce concert à la croisée des répertoires pourrait servir de modèle extrêmement réussi pour réunir dans un seul espace les divers publics souvent fâchés et éloignés les uns des autres (classique, contemporain, world music). S’embarquant dans une nouvelle saison bien prometteuse, car brisant les codes rigides d’un concert classique, l’ONB est définitivement un orchestre à suivre cette année. 

Rennes, 16 & 17 septembre, Couvent des Jacobins (Rennes)

Ce programme est redonné le 18 septembre à 20h à Mortagne-au-Perche dans le cadre du festival « Septembre Musical de l’Orne » (Le Carré du Perche) et le 21 septembre à 20h au Théâtre de Lorient.

Gabriele Slizyte

Crédits photographiques : Laurent Guizard

 

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