Beethoven superbement servi par le Trio Sitkovetsky

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Ludwig van Beethoven (1770-1827) :  Trios à clavier Op. 1 N° 1, Op. 70 N° 1 « Les Esprits », Schöne Minka, ich muss scheiden (« Air cosaque »). Trio Sitkovetsky : Alexander Sitkovetsky (violon), Isang Enders (violoncelle), Wu Qian (piano). 2024. Textes de présentation en anglais, allemand et français. 61’14’’. Bis - 2699

Il ne doit pas y avoir dans toute l’histoire de la musique de début officiel plus remarquable que cet Op. 1 N°1 de Beethoven, qui posait le premier jalon d’une œuvre qui allait finir par révolutionner la musique pour toujours.

On n’en était bien sûr pas encore là en 1795 (même s’il semble que ce Trio ait connu une première version en 1791-1792, soit avant même que Beethoven quitte sa ville natale de Bonn pour Vienne). 

Le Trio à clavier n’était pas inconnu à l’époque, et si Mozart n’a écrit que deux œuvres pour cette formation, Haydn a lui enrichi le genre de 45 compositions dont bon nombre de chefs-d’œuvre. 

Même si Beethoven ne peut cacher ce qu’il doit à son maître, il réussit dès ce premier opus à émanciper la partie de violoncelle qui chez Haydn se contente de doubler la main gauche de la partie de piano. 

Quant au Trio « Les Esprits », il représente l’une des plus belles réussites de la maturité d’un compositeur en pleine possession de ses moyens et capable d’une exceptionnelle originalité, comme dans cet extraordinaire mouvement lent qui, à en croire Carl Czerny, aurait été inspiré par la première apparition du fantôme dans Hamlet de Shakespeare. Si Beethoven ne nous a rien laissé à ce sujet, l’affirmation de son élève paraît tout à fait plausible à l’écoute de cette musique où le compositeur instaure une atmosphère toute de mystère, avec un piano extrêmement sollicité et des cordes doucement plaintives. 

Si ces Trios sont solidement ancrés dans le répertoire, l’interprétation que nous en offre ici le Trio Sitkovetsky nous en fait redécouvrir à tout instant la beauté, l’originalité, et dans le cas l’Op. 70 N°1 la grandeur. 

Bien que l’ensemble porte le nom d’Alexander Sitkovetsky, les éloges doivent aller en premier à la pianiste chinoise Wu Qiang, formée comme le violoniste en Angleterre dans cette pépinière de talents qu’est la Yehudi Menuhin School. On ne répètera jamais assez que la machine qu’est devenue le grand piano de concert moderne par rapport aux pianos expressifs mais infiniment moins puissants de l’époque de Beethoven bouleverse complètement cette donnée essentielle qu’est l’équilibre à assurer entre les trois instruments. Raison pour laquelle -alors que Sitkovetsky et le violoncelliste germano-coréen Isang Enders méritent les plus vifs éloges tant pour leur imagination et leur sens du style que pour leur unanimité en matière de nuances, d’expression, de phrasé et de vibrato- la palme revient ici à la pianiste. S’il est clair qu’elle ne bride à aucun moment ses impressionnants moyens, Wu Qiang fait montre d’une délicatesse de tous les instants et d’une écoute toujours respectueuse de ses partenaires, même dans des passages forte où le risque de les écraser est pourtant grand. On relèvera également le violon clair, franc et sans affectation de Sitkovetsky ainsi que le merveilleux naturel du chant d’Enders.

De bout en bout, les trois musiciens nous charment par la délicatesse et le sentiment sincère d’une interprétation à la fois imaginative et stylée où tout est dit, mais rien n’est indûment souligné.

Placé en deuxième position sur le cd, le Premier Trio s’achève sur deux mouvements -un Scherzo plein d’esprit et malicieux et plein d’esprit et un spirituel Finale qui évoquent irrésistiblement Haydn- permettant de goûter à la fois l’élan juvénile et irrépressible de la musique comme la légèreté et la subtilité d’une interprétation de très grande classe.

Pour terminer en beauté, les musiciens accordent un inattendu bis de moins de deux minutes, une transcription réalisée par Isang Enders de l’air cosaque ukrainien, Schöne Minka, ich muss scheiden (Belle Minka, je dois te quitter), adapté par Beethoven pour voix et piano (avec violon et violoncelle optionnels) pour un recueil de mélodies folkloriques publié par l’éditeur d’Edimbourg George Thomson en 1816. 

Son 10 - Livret 9 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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